Commémoration de la 2e grève de la Boillat
 
 

L'esprit de la Boillat reste bien vivant

Philippe Oudot - Journal du Jura

A l'invitation des Femmes en colère, 200 personnes ont manifesté hier soir à Reconvilier, un an jour pour jour après le début de la grève. Les manifestants ont fustigé la politique du management de Swissmetal.

Il faisait un froid de canard, hier soir, à Reconvilier. Pas assez, toutefois, pour décourager les quelque 200 personnes qui se sont rassemblées après 18 h pour une manifestation du souvenir, et de soutien aux 350 employés de la Boillat qui s'étaient mis en grève il y a tout juste un an. En guise d'hommage aux grévistes, elles ont allumé 350 bougies, histoire de démontrer que l'âme de la Boillat et l'esprit de solidarité est toujours vivant, n'en déplaise au management de Swissmetal.

Avant les discours, les participants ont fait honneur aux boissons chaudes et assiettes de soupe qu'avaient organisées les Femmes en colère. Chacun échangeait des souvenirs, regrettant que le rapport de force n'ait pas penché en faveur des Boillats. Car pour bon nombre de ceux qui travaillent encore dans l'usine, l'heure est à l'amertume. D'autant que la pression exercée par le management est forte. D'ailleurs, hier soir, Karl Meyer, un des cadres engagés par Swissmetal, faisait son garde-chiourme, se promenant dans la foule en tentant de repérer les travailleurs présents. «S'il croit qu'il va nous décourager... On a encore le droit d'être ici, bon Dieu!», tempêtait un des employés.

Une lutte exemplaire

A l'heure des discours, Nicolas Wuillemin, ancien porte-parole des grévistes et figure emblématique de la lutte, a rappelé que si les Boillats se sont mis en grève, c'était «pour nous opposer au démantèlement programmé de notre entreprise et au pillage de son patrimoine». Mais malgré le courage et la détermination des grévistes, appuyés par le soutien de toute la région et bien au-delà, rien n'a fait reculer Swissmetal. Or aujourd'hui, quand le groupe prétend que tout va bien, il ne s'agit que d'une pure mascarade, car «la Boillat est devenue méconnaissable par la volonté de Swissmetal».

Il a appelé les employés à ne pas baisser les bras et à continuer à se battre pour que Swissmetal applique les propositions de l'expert Jürg Müller, comme le management s'était publiquement engagé à le faire. Il a invité les employés à soutenir leurs commissions dans le difficile travail qu'elles font pour les défendre, et il les a enjoints à rester unis, «car les divisions entre travailleurs ne servent que les intérêts des puissants».

Et s'il a admis que les Boillats ont perdu une bataille, il a refusé de parler de défaite, «car la véritable défaite, c'est quand la flamme est morte, quand l'être humain ne se bat plus pour sa dignité. (...) Continuons à nous défendre, car ce n'est que debout que nous pourrons transmettre le flambeau de la lutte pour le respect de notre dignité aux générations qui suivront», a-t-il conclu sous les applaudissements de la foule.

Il y a restructuration et restructuration...

Président du Conseil du Jura bernois, Jean-Jacques Schumacher a quant à lui constaté que dans cette région industrielle qu'est le Jura bernois, nombre d'entreprises ont connu des hauts et des bas, des restructurations étant parfois nécessaires pour les sauver. Mais pour certaines, il a aussi lancé que c'était un moyen utilisé abusivement «pour cacher qu'on entend se séparer de membres du personnel, simplement pour maintenir des taux de rentabilité à deux chiffres».

S'agissant du cas de la Boillat, il a constaté que ce qui s'est passé tient de l'aberration: «Alors qu'on disposait d'un personnel aux compétences très élevées, dont l'engagement était total, qui avait tissé des liens exceptionnels, en particulier avec le monde du décolletage, on s'est efforcé de casser tout cela avec mépris», a-t-il asséné.

Venu de Genève, le syndicaliste Claude Reymond a apporté un message de solidarité des travailleurs de la Cité du bout du lac. Pour sa part, le maire de Reconvilier Flavio Torti a dénoncé les agissements de Swissmetal. Et de lancer que si le nom de Reconvilier a fait les gros titres de la presse de manière négative, le village possède néanmoins de solides atouts, n'en déplaise à certains managers. Et de faire allusion à de nouveaux projets d'entreprises, et donc à de nouveaux emplois.

C'est finalement à Aline Burkhalter, membre des Femmes en colère, qu'est revenu l'honneur de conclure la partie officielle. Externe à la Boillat, la jeune femme a rappelé qu'elle s'est immédiatement sentie solidaire des employés en lutte lorsque la grève a éclaté. Un peu gênée en franchissant pour la première fois les portes de l'usine, elle s'est vite sentie à l'aise en partageant jour après jour le vécu des grévistes. «Je voulais surtout les aider à passer ce moment difficile en les soutenant moralement. Beaucoup m'ont d'ailleurs dit que j'étais un peu leur rayon de soleil!», s'est-elle souvenue.

Elle a également rendu hommage à Karl, créateur du blog «Une voix pour la Boillat». Et de rappeler que «si on célèbre le 1er anniversaire de la 2e grève, c'est aussi le 1er anniversaire du blog», puisque Karl l'a créé dans la nuit de 25 au 26 janvier 2006. Unm blog créé afin de redonner aux Boillats les moyens de s'exprimer, eux qui avaient reçu l'interdiction formelle de parler aux médias. Et comme l'an dernier lorsqu'elle quittait les grévistes, elle a conclu ses propos par un vibrant «Hasta la victoria siempre!».

(www.journaldujura.ch, 26 janvier 2007)