16 mai 2004: 3 x NON (30 mars 2004)
 
 

16 mai 2004: 3 x NON pour infliger un premier camouflet
à la politique antisociale du nouveau Conseil fédéral !

Le Mouvement pour le socialisme (MPS) appelle à voter "non" aux trois objets soumis au vote le 16 mai prochain. A nos yeux, après le rejet populaire, le 8 février dernier, des derniers projets présentés par les autorités fédérales (révision du droit du bail et contre-projet à l'initiative Avanti), il s'agit d'infliger une défaite sur toute la ligne au Conseil fédéral élu le 10 décembre dernier et de mettre ainsi un cran d'arrêt à sa politique antisociale contre les salarié-e-s et les retraité-e-s. Nous présentons ci-dessous les raisons de notre position sur chacun des objets.

I. Non au paquet fiscal!

Le paquet fiscal est un projet qui vise à offrir de nouveaux cadeaux fiscaux aux milieux privilégiés sur le dos de la grande majorité de la population. Parler d'un "soutien aux familles de la classe moyenne", comme le font les partisan-e-s de ce projet, est en effet une véritable tromperie. Il suffit de savoir, pour ne prendre qu'un exemple, qu'en cas d'acceptation de ce projet, un couple marié sans enfants avec un revenu annuel brut de 80 000 francs économiserait seulement 72 francs, soit 6 francs par mois (Blick, 2 mars 2004). De plus, si le paquet fiscal passait la rampe, la remise en cause des prestations publiques serait encore plus forte. Affamer, financièrement, l'Etat est en effet le meilleur moyen pour y parvenir: pour réduire les subsides octroyés pour le logement et pour l'assurance maladie; pour augmenter les frais d'écolage et les taxes d'études; pour s'attaquer aux prestations versées aux chômeurs/-euses en fin de droits, aux retraité-e-s et aux personnes à l'assistance publique. Résultat des courses: la majorité des ménages subirait une baisse de son revenu disponible.

L'entrée en vigueur du paquet fiscal se traduirait ainsi par une redistribution à l'envers de la richesse produite, des salarié-e-s aux "gros bonnets" de la Suisse, déjà pleins aux as. De plus, elle entraînerait la réduction des prestations des services publics, ce qui préparerait la privatisation de leurs secteurs rentables, nouvelles sources de profit pour les possédants.

Contrairement à ce que prétendent les officines de propagande patronale, ces baisses d'impôts pour les milieux privilégiés n'auraient aucun effet positif sur l'emploi. Elles ne stimuleraient guère la consommation car ces milieux épargneraient davantage. Pour combattre le chômage, il faudrait plutôt baisser les prélèvements pesant plus lourdement sur les revenus moyens et modestes, à commencer par la TVA.

Le MPS appelle ainsi à rejeter le paquet fiscal. Le "non" du MPS n'a cependant rien à voir avec celui des gouvernements cantonaux qui s'opposent à ce projet. Ces gouvernements mènent en effet à longueur d'année, dans "l'unité sacrée" de toutes leurs composantes, socialistes et satellites de ces derniers compris, une politique d'austérité contre les services publics et contre les salarié-e-s qui y travaillent. Partout, ils attaquent les salaires, suppriment des emplois et réduisent les prestations. Même si le paquet fiscal était refusé en votation populaire, ils continueraient à appliquer cette politique. Pour le MPS, par contre, en cas de victoire du "non" le 16 mai prochain, il s'agirait de mettre un terme à une telle politique et d'accroître les moyens financiers affectés aux dépenses publiques répondant aux besoins de la population.

II. Non à la 11e révision de l'AVS!

Deuxième objet soumis au vote, le 16 mai prochain: la 11e révision de l'AVS. Elle vise à élever à 65 ans l'âge de la retraite des femmes, à ralentir le rythme d'indexation des rentes – tous les trois ans au lieu de deux – et à diminuer les rentes de veuve. Les femmes en seraient ainsi les premières victimes. Cette votation revêt une importance d'autant plus grande qu'elle influencera l'avenir du système de retraite: l'adoption de la 11e révision de l'AVS ouvrirait en effet la voie au projet de Pascal Couchepin visant à porter à 67 ans l'âge de la retraite pour tout le monde.

Le MPS mène ainsi une campagne active, avec toutes les autres forces qui s'opposent à cette révision, afin qu'elle soit rejetée. Mais, pour nous, une campagne défensive est largement insuffisante. Avec ou sans 11e révision, aujourd'hui déjà, l'AVS ne répond pas aux besoins des retraité-e-s. Elle ne remplit même pas le mandat constitutionnel qui lui est attribué, à savoir de "couvrir les besoins vitaux de manière appropriée". Résultat des courses: dans l'un des pays les plus riches du monde, on ne peut pas tourner si l'on n'a que l'AVS pour vivre. Or, c'est le lot de centaines de milliers de retraité-e-s; seule la moitié des rentiers/-ères AVS disposent en effet d'un 2e pilier, dont le montant est d'ailleurs souvent réduit. De même, toujours d'après la Constitution fédérale, le 2e pilier et l'AVS devraient permettre à l'assuré-e "de maintenir de manière appropriée son niveau de vie antérieur". Pour la majorité de la population, cet objectif apparaît, lui aussi, largement illusoire. Plus généralement, le 2e pilier, fondé sur la capitalisation, est profondément antisocial: des centaines de milliers de femmes (surtout) et d'hommes ne sont pas ou que très mal assuré-e-s. De plus, il ne comporte pas de mécanismes de solidarité: chacun-e cotise pour soi et accumule son propre capital. Résultat: le directeur de banque encaisse une rente princière, tandis que les vendeuses, par exemple, doivent se débrouiller avec des rentes minables (quand elles ont droit à une rente!). Enfin, le 2e pilier est peu sûr car le niveau des rentes dépend de l'évolution de la bourse, par définition fluctuante.

Face à cette situation, l'heure n'est plus aux rafistolages. Pour le MPS, la campagne contre la 11e révision de l'AVS doitdevenir le point de départ d'une bataille en faveur d'un système de retraite, fondé intégralement sur la répartition, permettant de garantir à toutes et à tous des rentes sûres et décentes (la rente minimale ne devrait pas être inférieure à 3000 francs par mois); bref, une bataille pour une véritable sécurité sociale. Les ressources affectées aujourd'hui à l'AVS et au 2e pilier permettent de financer une telle sécurité sociale.

De ce point de vue, il va de soi que si le "non" devait l'emporter le 16 mai prochain, le MPS refuserait toute nouvelle proposition qui se ferait sur le dos des salarié-e-s et des retraité-e-s. Ainsi, il serait hors de question, pour nous, d'accepter des propositions du style de l'accord conclu en septembre 2003 entre la direction du Parti socialiste suisse (PSS) et Pascal Couchepin juste avant la conclusion du débat aux Chambres fédérales sur la 11e révision de l'AVS, à savoir une enveloppe de 400 millions de francs pour financer les retraites anticipées (voir l'interview de Christiane Brunner dans Le Matin Dimanchedu 29 février 2004); accord balayé par la suite par la majorité des groupes parlementaires bourgeois. Le MPS combattrait toute proposition diminuant le niveau des rentes ou augmentant l'âge de la retraite et ce, quel que soit le montant consacré au financement de retraites anticipées.

III. Non à l'augmentation de la TVA!

S'il est indispensable de faire du paquet fiscal et de la 11e révision de l'AVS des batailles centrales, pour mettre un cran d'arrêt à l'offensive contre les services publics et contre nos droits en matière de retraite, nous ne pouvons pas négliger l'importance de l'autre objet soumis au vote le 16 mai prochain: l'augmentation de la TVA. Il s'agit, là aussi, d'un enjeu essentiel. D'ailleurs, les trois projets s'articulent parfaitement; ils sont l'expression de la volonté du Conseil fédéral d'accélérer, à tous les niveaux, l'offensive contre les droits des salarié-e-s et des retraité-e-s.

Le MPS refuse l'augmentation envisagée de la TVA pour les raisons suivantes:

1. Au cours des dernières années, les impôts indirects, les redevances et les primes d'assurance maladie ont pris l'ascenseur, diminuant sensiblement le pouvoir d'achat des salarié-e-s. De plus, ces derniers/-ères ont dû avaler plusieurs mesures contre leurs salaires: indexation laminée, diminution des salaires à l'embauche, etc. L'augmentation envisagée de la TVA précariserait encore plus leur situation. Un exemple: si ce projet passait la rampe, un ménage ayant un revenu brut de 80 000 francs perdrait 768 francs par année (Blick, 2 mars 2004)! Bref, les salarié-e-s devraient se serrer encore plus la ceinture pour joindre les deux bouts. Les retraité-e-s seraient aussi amené-e-s à passer à la caisse. Pour le MPS, cela est inacceptable.

Serge Gaillard, secrétaire dirigeant de l'Union syndicale suisse (USS), a l'air de partager notre approche. Au début de cette année, il affirmait ainsi: "Tous les coûts sociaux de la crise ont été reportés sur le dos des salariés. On a introduit la TVA, augmenté deux fois les prélèvements sur l'essence, augmenté sans cesse les cotisations de l'assurance maladie. Par conséquence, un bon nombre de ménages ont subi une dégradation de leur pouvoir d'achat. C'est pour cette raison qu'il nous semble tout à fait erroné, d'une part, de faire des cadeaux fiscaux aux couples à hauts revenus et aux propriétaires immobiliers et, d'autre part, d'augmenter constamment la TVA, ce qui pénalise les familles et les bas revenus."(Le Temps, 3 janvier 2004). Une question, dès lors, nous turlupine: comment la direction de l'USS peut-elle soutenir, malgré cette analyse, correcte, le projet de Pascal Couchepin?

2. La TVA est un impôt profondément antisocial. Elle est doublement injuste. Tout d'abord, parce qu'elle ne tient compte ni des revenus des citoyen-ne-s ni de leur situation familiale. Que vous ayez 3000 francs par mois ou que soyez millionnaires, la consommation est frappée à un taux fixe. Deuxièmement, les couches populaires doivent consacrer proportionnellement une beaucoup plus grande part de leurs revenus à la consommation; les personnes disposant de hauts revenus peuvent, elles, épargner, ce qui n'est pas soumis à la TVA. Les milieux populaires sont donc proportionnellement davantage taxés que les milieux aisés, ce qui accentue la dégressivité, la nature antisociale, de la TVA. L'existence d'un taux réduit ne compense nullement le caractère régressif de cet impôt.

Résultat des courses: comme le reconnaissait dernièrement un secrétaire central de l'USS, "proportionnellement, la charge fiscale[représentée par la TVA] des ménages dont le revenu mensuel est inférieur à 3000 francs est presque deux fois plus élevée que celle des ménages dont le revenu est supérieur à 10 000 francs." (Daniel Oesch, Work, 24 octobre 2003). Cette réalité a été confirmée par plusieurs études, notamment celle réalisée, en France, par l'Institut national de statistiques et d'études économiques (INSEE) en 1997. Elle indiquait que les prélèvements sur la consommation (TVA) s'élèvent à 13% des revenus pour les ménages modestes contre 7% pour les plus riches (INSEE, Revenus et patrimoine des ménages, 1998).

Bref, le principe de la TVA est simple: plus on gagne d'argent, moins on paie proportionnellement d'impôts; et vice-versa. Drôle de justice fiscale!

Nous comprenons dès lors parfaitement la réflexion de Thomas Von Ungern, professeur à l'Université de Lausanne, pour qui le "charme de la TVA pour un radical",à l'instar de Pascal Couchepin, "c'est qu'elle touche les pauvres" (Le Matin, 25 mai 2003). Et pour les dirigeant-e-s du PSS et de l'USS?

3. La situation de l'AVS est loin d'être dramatique. Aucun besoin dès lors d'augmenter ses ressources financières. Par contre, pour ce qui est de l'AI, il est vrai qu'à cause de la politique patronale (licenciements, intensification des cadences de travail, etc.), qui est à l'origine de l'augmentation des problèmes de santé des salarié-e-s, cette assurance a besoin de ressources financières supplémentaires. Mais, pour ce, nul besoin d'augmenter la TVA: il est tout à fait possible de relever le taux des cotisations salariales, qui est nettement plus bas que dans les pays qui nous entourent. Pourquoi d'ailleurs ne pas faire payer des cotisations proportionnellement plus élevés aux employeurs, qui sont responsables de la progression des dépenses de l'AI, comme cela est pratiqué dans bien d'autres pays européens? Dans la même logique, on pourrait également imposer davantage les revenus du capital, la Suisse étant un pays de cocagne, de ce point de vue aussi, pour les employeurs. D'autres solutions que l'augmentation de la TVA existent donc. Et il ne faut pas dramatiser la situation de l'AI. Aujourd'hui encore, malgré la progression enregistrée ces dernières années, "la part des rentiers AI dans la population active est relativement faible"en Suisse par rapport aux autres pays de l'OCDE (Argumentaire du Département fédéral de l'Intérieur et Office fédéral des assurances sociales pour les votations du 16 mai 2004, p. 5, février 2004).

Il est d'autant plus impératif de dire "non" à la proposition soumise au vote le 16 mai prochain que celle-ci est la première étape d'un projet du Conseil fédéral visant à modifier de manière radicale les modalités de financement de l'AVS/AI: il est prévu en effet de diminuer drastiquement, à terme, la contribution de la Confédération affectée, par le biais de son budget ordinaire, à l'AVS/AI au profit d'un financement par le biais d'un pourcentage fixe du produit de la TVA. Conséquence: le taux de la TVA devrait être fortement augmenté. Une logique inacceptable!

En conclusion, le MPS ne peut que souscrire à la réflexion de l'ancien Conseiller fédéral Otto Stich: "Il ne faut pas recourir à la TVA, car la mesure, dans ses effets, ressemble à des réductions de rente. Elle réduit le pouvoir d'achat. Elle frappe davantage les petits revenus."(24 heures, 20 novembre 2003).

 

 
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