Venezuela Le pétrole subverti Bernard Mommer* Le pétrole se trouve être au centre de la politique économique du gouvernement Chavez. Elle ne peut être comprise sans disposer de quelques éléments sur l'histoire de la gestion pétrolière du Venezuela et ses séquelles. Cet article se fixe cet objectif de mettre en perspective «la gestion pétrolière du Venezuela». réd. Le régime politique du Venezuela antérieur à 1998, baptisé à titre posthume IV République, a été déchiré par deux mouvements subversifs: l'un dans les forces armées; l'autre dans l'industrie pétrolière nationale. L'histoire de la subversion militaire est bien connue, mais il n'en est pas de même pour la subversion dans la compagnie pétrolière nationale, Petroles de Venezuela S.A (PDVSA). Après la nationalisation de l'industrie pétrolière en 1976, PDVSA s'est transformée en une sorte d' «État dans l'État». Ses cadres vénézuéliens partagèrent le point de vue des compagnies pétrolières internationales, pour lesquelles ils avaient travaillé pendant de nombreuses années. D'autre part, les successifs gouvernements d'Action Démocratique (AD) et du Comité Organisateur pour des Elections Indépendantes (COPEI), pendant et après les années de l'essor pétrolier des années 1970, ne réussirent pas à créer un nouveau régime fiscal efficace et régulateur. ILs appliquèrent simultanément des politiques désastreuses de développement, caractérisées par une planification sans consistance et par le gaspillage. Ceci a finalement mené, après 1989, à la «Politique Pétrolière d'Ouverture» (ou simplement «l'Ouverture»). Elle a conduit la politique pétrolière vénézuélienne vers la re-privatisation de l'industrie et, en même temps, vers la réductions des recettes fiscales pétrolières. Le Président Hugo Chávez s'est dressé sur leur chemin;. L'orientation de la politique pétrolière est cependant encore une question qui divise non seulement la société vénézuélienne, mais aussi le mouvement «chavista». Il existe quelques parallélismes notables entre le développement des deux mouvements subversifs. Chávez a fondé son mouvement vers 1982. Les cadres de PDVSA se sont embarqués dans leur stratégie d'internationalisation en 1983. L'internationalisation a été conçue par PDVSA afin de créer un mécanisme pour placer des profits hors d'atteinte du gouvernement, au moyen de prix de transfert (c'est-à-dire, des prix faussés dans les opérations de ventes aux propres filiales de PVDSA à l'extérieur qui permettent de réduire les profits déclarés au Venezuela). Les cadres de PDVSA, tout autant que Chávez et ses partisans, étaient convaincus que le régime politique en vigueur à cette époque n'avait plus de solution. Selon les deux groupes conspirateurs, le gaspillage des recettes pétrolières a joué un rôle crucial dans le processus de crise. Les militaires tout autant que PDVSA ont assumé une attitude moralisatrice et montré la corruption comme origine de la crise du pays. Les militaires ont alors rêvé de sauver le pays; les cadres de PDVSA eux ont seulement rêvé de sauver l'industrie pétrolière des mains d'un secteur du pays. Voici, les thèmes que nous alloons abordés: 1. Les séquelles de la nationalisation 2. La politique d'internationalisation de PDVSA et les prix de transfert 3. Les quotas de l'OPEP et PDVSA 4. L'Ouverture dans le contexte de la politique néolibérale postérieure à 1989 5. La fin de la IVe République 6. La Ve République 7. Récupération du contrôle des ressources naturelles nationales 8. Prise de contrôle de PDVSA 9. Conclusions 1. Les séquelles de la nationalisation La nationalisation au Venezuela, en 1976, a été le résultat d'une politique de maximisation de la recette fiscale obtenue par les exportations pétrolières. Au cours des deux années préalables à cette nationalisation, pour chaque dollar d'exportation pétrolière, le gouvernement percevait 80 centimes de revenus, redevances et impôts. En 1970 le gouvernement a fait valoir son droit d'exiger des impôts aux exportations à sa seule discrétion, ne laissant plus effectivement aux compagnies qu'un profit réglementé. Les compagnies étrangères étaient en train de perdre le contrôle de leurs affaires. Elles ne pouvaient plus maximiser leurs propres profits, car le gouvernement allait percevoir des recettes additionnelles, par le biais des impôts aux exportations (via le mécanisme des valeurs fiscales d'exportation). De ce fait, elles ont à peine résisté quand, le 10 janvier 1976, le Président Carlos Andrés Pérez [social-démocrate et président de la IIe Internationale] nationalisa l'industrie pétrolière [dans un contexte où internationalement cela se faisait]. Cependant, quelques années seulement après que Pérez eut laissé la présidence, son projet de création d'un «Grand Venezuela» et de développement du pays, réalisé en un tour de main, par un programme d'industrialisation accéléré, avait brutalement échoué. PDVSA a commencé alors à développer son propre «plan secret» pour échapper au contrôle étatique. Avec la nationalisation, le propriétaire de l'industrie pétrolière a changé, mais non son encadrement vénézuélien. Avant la nationalisation, il existait trois grands concessionnaires étrangers opérant au Venezuela: Exxon, Shell et Mobil. Tout au long des années, en partie pour répondre à des pressions politiques, les compagnies étrangères avaient choisi des cadres vénézuéliens pour occuper les plus hauts postes. Ceux-ci acceptèrent la nationalisation en 1976 seulement parce qu'ils n'avaient pas le choix. Une fois en charge de PDVSA, leur premier objectif a été de déplacer le Ministère de l'énergie et des Mines (MME), le siège institutionnel traditionnel de l'Etat propriétaire. La compagnie n'avait certainement pas en tête la maximisation des recettes fiscales (redevances, impôts sur le revenu et sur les exportations). Au contraire, une fois que le «Grand Venezuela» de Pérez se fut brisé, PDVSA a cherché à limiter ses propres obligations fiscales. L'échec de la politique de développement a seulement renforcé sa détermination. Pourquoi produire des recettes fiscales qui, de toute façon, seraient gaspillées ? Pourquoi maximiser des bénéfices quand ceux-ci termineront, inévitablement, dans les coffres du fisc national [ou ailleurs: corruption]? Ainsi, la compagnie a fini par se concentrer sur son propre plan: le développement du secteur pétrolier en termes réels, maximisant les quantités, le flux de caisse et les ventes - mais non les bénéfices! - dans tous les segments de l'industrie, tant au niveau national qu'in international, sans aucune considération envers les recettes budgétaires nationales. PDVSA a miné ainsi les bases de la nationalisation et préparé le terrain pour le retour des investisseurs privés. En 1989, quand Pérez a de nouveau été à la Présidence de la République et a mis en ™uvre le «grand Virage» qui comprenait l'Ouverture au capital étranger, une alliance a émergé entre la compagnie pétrolière nationale, d'une part, et les compagnies pétrolières étrangères, ainsi que les pays consommateurs, d'autre part. Contrairement à ce que l'on croit communément, la privatisation n'était absolument pas la principale priorité de cette alliance. Les compagnies internationales et les pays consommateurs étaient préoccupés, avant tout, à démanteler en premier lieu le cadre politique et institutionnel qui avait mené à la nationalisation. Il s'agissait en fait de réduire le pouvoir de l'Etat dans la maximisation de sa participation aux recettes pétrolières et dans sa visée de contrôler les prix et l'offre. Leur stratégie a consisté à mettre en place une nouvelle structure régulatrice conçue pour éviter que le gouvernement (à travers le MEM - ministère) puisse suivre à nouveau une stratégie de maximisation des recettes fiscales. Une fois cet objectif atteint, alors la privatisation occuperait la première place dans leur plan. Entre-temps, le capital étranger, en association avec PDVSA, redevint à nouveau un important producteur au Venezuela. Actuellement, environ 25% du pétrole vénézuélien est produit de cette façon. Suite aux contrats signés selon les termes des années d'Ouverture, après 1989, ce pourcentage atteindra plus de 40 pour cent pour l'année 2010. Quand les compagnies étrangères contrôlaient la production pétrolière et fixaient les prix, l'Etat surveillait, de manière naturelle, leurs opérations. Après la nationalisation, cette surveillance a paru inutile. Pire encore, en réponse à la croissance explosive des prix pétroliers et, par conséquent, des recettes fiscales en 1973-1974, le Congrès vénézuélien, récemment élu, approuva une loi qui a donné au Président C-A. Pérez la complète liberté de dépenser l'argent à sa discrétion, en accord avec sa vision du «grand Venezuela». Autrement dit, le Congrès à esquiver sa tâche principale et essentielle: le contrôle des finances publiques. Pérez entreprit une série de grands projets d'investissement, nationalisa l'industrie du fer. Il força la sortie du capital étranger de plusieurs autres secteurs économiques clés, tels que la banque et les chaînes commerciales de grande distribution, pendant que surgissait dans le c™ur de la nouvelle économie un système d'entreprises étatiques. Simultanément, les entreprises privées vénézuéliennes ont été laissées en marge. Ainsi, FEDECÁMARAS, la plus grande organisation patronale du pays, qui à la veille de la nationalisation était devenue un élément politique et économique significatif, une fois vidée de ses membres étrangers, parmi lesquels les compagnies pétrolières internationales, n'était plus que l'ombre d'elle-même. Pendant les années postérieures à la nationalisation, le gouvernement - ou plus précisément, le Président - paraissait avoir toutes les cartes d'une victoire entre ses mains. La recette fiscale pétrolière passa de 1,4 milliard de dollars en 1970 (autour de 10 pour cent du PIB) à 9 milliards en 1974 (un impressionnant 40 pour cent du PIB). Cette rentrée, considérant la structure productive nationale, dépassa la capacité d'absorption de l'économie (en termes d'investissement). Pire encore, dans sa hâte de construire le «Grand Venezuela», le gouvernement de Pérez contracta des dette au plan internationale dépensant ainsi, en fait, les futurs recettes pétrolières, en plus des recettes pétrolières élevées courantes. Toutefois, en réalité, avec la sortie des entreprises étrangères, la capacité d'absorption du capital par le type d'économie nationale en place baissa. Le pays n'avait certainement pas besoin de l'argent des investisseurs étrangers en ce moment, mais bien de leurs capacités de gestion [la bourgeoisie en place n'avait aucun projet national classique de type substitution des importations], pour pouvoir mener à bon terme ses ambitieux plans d'investissement. Ainsi, finalement, un gouvernement isolé et sans défense se noyait dans sa richesse financière. Du clientélisme politique entourèrent cet Etat supposé être doté de pouvoirs magiques pour développer l'économie. Cette formule s'est avérée désastreuse. Le Congrès ne récupéra jamais le contrôle sur les finances publiques et le secteur privé n'a jamais repris, jusqu'à la date, le rôle qui lui correspondait, pour autant qu'il le puisse. Seuls les créanciers étrangers se trouveraient finalement dans une position pouvant forcer le gouvernement et les entreprises d'état à changer de cap, mais ils le feraient alors en fonction de leurs intérêts particuliers. Après 1983, une seule institution se maintenait forte et en plein fonctionnement dans toute l'économie nationale: PDVSA. L'inexistence d'un encadrement régulateur approprié allait alors se révéler de la plus haute importance pour la compagnie, lui permettant de continuer à développer son propre plan. 2. La politique d'internationalisation de PDVSA et les prix de transfert La première réponse de PDVSA à la mise en ™uvre d'un contrôle des changes en 1983, a été la politique d'internationalisation. Dans un effort infructueux de dernière heure pour contenir la crise de la dette externe et financière, le gouvernement eut recours aux fonds de réserve de la compagnie, approximativement US$ 5.5 milliards, accumulés pendant les années de prix forts et cela en vue de futurs investissements. En même temps, toutefois, l'élévation des prix du pétrole avait entraînée une chute de la demande ainsi que des quotas de l'OPEP, chaque fois plus restrictifs. Ils laissèrent la compagnie sans opportunités de nouveaux investissements au Venezuela. Afin d' empêcher que le gouvernement s'approprie à nouveau, dans l'avenir, ses actifs liquides [ses bénéfices], PDVSA décida de ne plus jamais accumuler tels actifs. Et étant donné qu'il n'était pas possible d'investir dans le pays, les profits accumulés devaient être dépensés à l'extérieur. Mais, où dépenser l'argent lorsque la production est en cours de réduction? La réponse a été la politique d'internationalisation de PDVSA. En 1983, PDVSA a acheté sa première participation dans une raffinerie étrangère (VEBA) en Allemagne. À cette occasion, la compagnie a expliqué que cette raffinerie représenterait un marché pour le pétrole lourd vénézuélien, difficile à placer d'une autre manière. Toutefois, jusqu'à présent, la raffinerie allemande en question n'a jamais traité un seul baril de pétrole lourd. Au cours de toutes ces années, PDVSA a fourni à VEBA du pétrole léger [donc déjà traité, car le pétrole du Venezuela est lourd] lequel, de toute façon, pourrait facilement avoir été vendu sur le marché mondial. En outre, PDVSA a vendu son pétrole à ses filiales européennes à des prix de transferts comprenant des rabais substantiels, déplaçant de cette façon une partie de ses bénéfices hors de portée du gouvernement vénézuélien. Quelques hommes politiques d'Action Démocratique (AD) - Rafaël Guevara et Celestino Armes - ont remarqué la man™uvre et alerté le Congrès, mais en vain. Au contraire, la question des prix de transfert a été totalement décidée en faveur de PDVSA lorsque le gouvernement du Président Jaime Lusinchi (1984-1989), lui-même membre d'AD, a décrété que la compagnie pourrait, à l'avenir, établir ses propres prix. Ce Décret a donné à la politique d'internationalisation un nouvel élan. Par la suite, PDVSA s'est intéressée au marché étasunien, sur lequel elle opère sous le nom de CITGO. Une fois de plus, PDVSA acheta systématiquement des raffineries aux USA, souscrivant des contrats d'approvisionnement à long terme et garantissant des remises substantielles à ses nouvelles filiales, dans le but de transférer des parts significatives de ses profits à l'étranger. Afin de s'assurer que cet argent soit définitivement hors de portée du gouvernement, les contrats ont été utilisés, en outre, pour garantir des crédits étrangers. Ainsi, avant que Chávez ou tout autre futur gouvernement puisse changer les termes contractuels entre PDVSA et ses propres entreprises subsidiaires, il faudra d'abord éponger toutes les dettes de PDVSA, lesquelles s'élèvent actuellement à une somme proche des 10 milliards de dollars. Tranférer des profits à l'étranger, au moyen des prix de transfert, est le véritable but de l'internationalisation et explique également la croissance incontrôlée du réseau international de raffineries de PDVSA. Ce réseau atteint actuellement une capacité de traitement d'environ 2 millions de barils par jour (b/j) et 14 mille stations service aux Etats-Unis. Pendant la seconde moitié de la décennie 1990, PDVSA a transféré par le biais des prix de transfert, une moyenne de l'ordre des 500 millions de dollars annuels en profits. Pendant les dix-huit premières années de l'internationalisation, les filiales étrangères de PDVSA n'ont jamais payé de dividendes à la Maison Mère à Caracas; l'objet de cette politique n'ayant jamais été en réalité l'obtention de recettes pour le pays. Mais, en décembre 2001, le gouvernement de Chávez les contraint à payer des dividendes pour la première fois. 3. Les quotas de l'OPEP et PDVSA Au début de 1980, après que la demande ait commencé à descendre, l'OPEP a créé un système de quotas dans une tentative de maintenir les prix forts. PDVSA et les dirigeants vénézuéliens se trouvant en mauvaise posture financière ont commencé à chercher comment minimiser l'impact de ces quotas. Ainsi, en 1983, le Venezuela a commencé à mesurer la production, soumise aux quotas de l'OPEP, aux portes des raffineries et dans les ports d'exportation, et non plus dans les sites productifs (comme c'est mondialement l'usage pour l'encaissement des redevances). De sorte que le quota pouvait être augmenté de quelques millions de barils, ceux qui se trouvaient dans les tuyauteries et les réservoirs de stockage. Simultanément, PDVSA s'est engagé auprès du MEM à installer des instruments de mesures automatiques modernes dans les champs pétroliers ; cette promesse n'a jamais été tenue durant les quinze années suivantes, malgré les protestations répétées et officielles du Ministère. En conséquence, l'effet le plus durable a été que le MEM a perdu, de fait, sa capacité de surveiller et contrôler directement les niveaux de production du pétrole brut et du gaz naturel, laissant à PDVSA une marge de man™uvre significative pour minimiser ses versements de redevances. PDVSA a commencé à chercher d'autres façons de manipuler la définition de pétrole brut soumis aux quotas de l'OPEP: en augmentant la production des bruts extra-lourds (c'est-à-dire, plus lourd que l'eau) de la Ceinture de l'Orénoque, réserve de brut largement la plus grande de ce type dans le monde. La compagnie a soutenu que ces extra-lourds - qui étaient en partie traités et transformés en Orimulsion (TM) - n'entraient pas dans la définition de pétrole brut (cette affirmation est techniquement correcte, puisque ces extra-lourds ne sont pas liquides aux températures environnementales normales). Par conséquent, PDVSA a fait valoir que les extra-lourds devraient être classés comme «bitumineux» et, de ce fait, ne pas être soumis aux quotas de l'OPEP. En 2000, PDVSA a produit approximativement 100 mille b/j d'Orimulsion, dérivés d'environ 70 mille b/j de pétrole extra-lourd, et programmait tripler ce chiffre dans un futur proche. Après 1989, avec le début de l'Ouverture, PDVSA s'associa à quatre compagnies étrangères dans la Ceinture de l'Orénoque, visant améliorer les bruts extra-lourds en les transformant en bruts synthétiques (syncrude). PDVSA planifiait d'augmenter la production de syncrude à 1.2 millions de b/j (nécessitant environ 1.5 millions b/j bruts extra-lourds) pour l'année 2010. Ainsi que l'Orimulsion, le brut synthétique est soumis à de bas niveaux d'imposition (un pour cent de taxes et 34 pour cent d'impôt sur le revenu). Si ce pétrole était inclus dans le quota de l'OPEP correspondant au Venezuela, il prendrait la place, dans les exportations de PDVSA, d'un volume proportionnel de bruts conventionnels, lesquels sont soumis à des impôts beaucoup plus importants. Calculé sur la base des prix de la première moitié de l'année 2001, la perte de recettes pour le gouvernement représenterait alors 10 dollars par baril. L'entrée accélérée dans la Ceinture de l'Orenoque se justifiait, pendant les années de l'Ouverture, par le fait que la production de cette provenance ne serait pas soumise aux quotas de l'OPEP. Un but d'une plus grande portée a été, toutefois, de provoquer que le Venezuela entre en conflit avec l'OPEP, se trouvant quasi forcé d'en sortir; le pays se trouverait ainsi assujetti, une fois pour toutes, à une politique de hauts volumes et bas prix. Cette stratégie est en accord avec les objectifs de l'Agence Internationale de l'énergie (AIE), fondée par les pays consommateurs au début des années soixante-dix, précisément afin de faire face à l'OPEP. De fait, Andrés Sosa Pietri, Président de PDVSA au début des années quatre-vingt-dix, a plaidé systématiquement pour la sortie du Venezuela de l'OPEP et pour son incorporation à l'AIE. Le gouvernement de Chávez a dû faire face à cette situation. Le compromis pratique a été d'inclure le brut synthétique dans le quota de l'OPEP, mais non l'Orimulsion. Cependant, les coupures récentes de la production (2001) sont en train de causer des pertes très substantielles et disproportionnées de revenus fiscaux. L'alternative aux quotas, toutefois, seraient des prix beaucoup plus faibles. Le gouvernement de Chávez n'est pas disposé à considérer l'option consistant à abandonner l'OPEP. 4. L'Ouverture dans le contexte de la politique néolibérale postérieure à 1989 En décembre 1988, Pérez a été élu Président pour la deuxième fois ; Il se retrouvait, cependant, dans une situation totalement différente de celle de vingt-cinq ans en arrière. Bien que les prix pétroliers se soient effondrés en 1986, le gouvernement précédent de Jaime Lusinchi avait maintenu les dépenses publiques au haut niveau habituel. Ainsi, quand Pérez a assumé la Présidence en février 1989, il a dû faire face au fait que la Banque Centrale se trouvait dépourvue de réserves en devises. Il accepta donc immédiatement un accord avec le Fonds Monétaire International et avec la Banque Mondiale, accord qui incluait une augmentation des prix de l'essence sur le marché domestique. Pérez annonça alors un «grand Virage» qui surprit le peuple vénézuélien à qui personne n'avait dit d'entrée que l'économie était en crise. En effet, l'augmentation des prix de l'essence, répercutée sur la hausse des passages de transport, déchaîna le «Caracazo» [soulèvement populaire à Caracas] de février 1989. Pérez a aussi commencé à permettre le retour des investisseurs privés dans l'industrie pétrolière vénézuélienne. Dans le contexte de l'Ouverture de l'économie vénézuélienne au monde extérieur en général, PDVSA a été chargée de l'Ouverture Pétrolière. Le rôle du MEM, responsable avant la nationalisation des relations légales, contractuelles et fiscales avec les compagnies étrangères, se trouva réduit à celui d'un organisme ne servant qu'à valider les décisions déjà prises. PDVSA prêcha auprès du gouvernement l'évangile de la compétitivité, alléguant que les taxes et les impôts devaient être réduits afin d'attirer les investisseurs étrangers. Le gouvernement suivit ce conseil. Outre les associations déjà citées pour l'amélioration des bruts extra-lourds, PDVSA ouvrit à l'investissement privé des secteurs «marginaux» producteurs de bruts conventionnels (ces accords sont connus en tant que «Contrats de Services Opérationnels»). Cette production atteignit en 2001 environ 500 mille b/j. La majeure partie de cette production n'est pas soumise aux quotas OPEP - PDVSA étant supposée faire les ajustements qui s'imposent - en plus d'être soumise à de faibles tranches d'imposition. Au cours de ce processus, la production de PDVSA soumise à de hauts niveaux fiscaux a été de nouveau réduite. Plus encore, PDVSA agit dans ces contrats comme un «parapluie» de protection pour le capital privé contre l'Etat, garantissant que la compagnie étatique verserait une indemnisation à ses «partenaires». au cas où un changement législatif se produirait en leur «détriment». Ces contrats, d'autre part, prévoyaient l'arbitrage international, convention que le Venezuela n'avait jusque-là jamais acceptée. Enfin, mais non moins important, en cas de conflits, les exportations de PDVSA peuvent être soumises à un embargo, la compagnie nationale renonçant ainsi par contrat à ses privilèges d'entreprise publique. Le Congrès, cependant, approuva tous ces contrats. Ayant agi ainsi en faveur des investisseurs étrangers privés, PDVSA s'évertua à obtenir également pour elle-même une faible imposition. Sa meilleure occasion arriva durant la chaotique année 1993. Le Président Pérez fut écarté de sa charge [accusé aussi de corruption], principalement suite aux deux tentatives de coup d'Etat au cours de l'année 1992. Un gouvernement provisoire très affaibli assuma le pouvoir et accepta une nouvelle Loi d'Impôt sur le Revenu comprenant de généreuses exonérations pour cause d'inflation. En outre, le pouvoir discrétionnaire du gouvernement sur l'impôt aux exportations, créé en 1970 afin de permettre le recouvrement de profits extraordinaires pendant les périodes de prix forts, a été progressivement supprimé jusqu'à disparaître complètement en 1996. Ces mesures ont contribué à une chute significative du revenu fiscal pétrolier. Les statistiques mettent en évidence la baisse de la participation du gouvernement dans la recette pétrolière. En 1981, la recette brute pour la production d'hydrocarbures, y compris la raffinerie, est montée à US$ 19.7 milliard, un maximum historique. En 2000 on atteint un nouveau maximum, d'US$ 29.3 milliards. Cependant, en 1981 PDVSA a payé US$ 13.9 milliards de revenus fiscaux, mais seulement US$ 11.3 milliards en 2000! C'est à dire que, pour chaque dollar de revenu brut, PDVSA a paye en 1981 au gouvernement 71 centimes de rentes, taxes et impôts, mais seulement 39 centimes en 2000. En outre, la recette gouvernementale dérivée de la production du brut synthétique qui commencera dans un futur proche, sera substantiellement encore plus faible. Ainsi, la tendance à la chute du revenu fiscal pétrolier continuera sans aucun doute. 5. La fin de la IV République Au cours des élections générales de 1998, les deux mouvements subversifs - l'un conduit par les cadres de PDVSA et l'autre par les militaires - furent amenés à se confronter. PDVSA était devenue assez forte pour assumer déjà publiquement un rôle politique prépondérant et ses dirigeants étaient convaincus que le moment était venu de mettre en ™uvre leur plan libéral. Le libéralisme, dans le contexte des politiques pétrolières internationales, doit être compris dans sa conception révolutionnaire originale, basée sur la substitution des mains visibles du propriétaire foncier par les mains invisibles du marché. Comme leurs ancêtres, les libéraux actuels voulaient affaiblir le pouvoir des «propriétaires fonciers» (c'est-à-dire, des Etats nationaux souverains) à à limiter le libre accès à l'invtestissement-gisement (c'est-à-dire, l'accès des compagnies pétrolières internationales). C'est ce pouvoir de restreindre l'accès au gisement qui constitue la base du propriétaire foncier, privé ou public, pour permettre de percevoir un revenu. Pour les libéraux, l'objectif est «la terre pour celui qui la travaille» ou, pour être plus précis, «les minéraux pour les mineurs». Ils souhaitent que les ressources naturelles soient considérées non seulement comme un don libre de la nature, mais un don libre de la nature aux compagnies productrices et aux consommateurs. «Librement» se référant donc à l'élimination de l'obligation de payer une rente. Le pétrole vénézuélien est-il un don libre de la nature aux compagnies et consommateurs internationaux? La vision libérale de PDVSA répond à cette interrogation par un «oui» inconditionnel. Cette vision est l'antithèse de tout ce qu'a obtenu le nationalisme pétrolier au Venezuela, y compris la création de l'OPEP et la nationalisation. Il s'agit d'impérialisme dans sa plus ancienne définition: la conquête de terres étrangères et de leurs ressources minérales. Comme on pouvait s'y attendre, PDVSA a joui d'un fort soutien des gouvernements des pays développés et des compagnies pétrolières internationales. Ses experts ont conçu des changements dans le système fiscal vénézuélien, suivant l'exemple de la Mer du Nord britannique, la région productrice de pétrole la plus libérale au monde, de façon à permettre le libre accès du capital aux ressources naturelles. Ainsi, PDVSA a été amenée à jouer un rôle important, introduisant le pays dans un monde global où l'Etat territorial a vocation de disparaître. Le Venezuela est alors entré dans l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), sans se réserver aucun droit spécial en ce qui concerne son pétrole (en opposition avec le Mexique). En accord avec la vision adoptée par PDVSA, le seul avantage des ressources naturelles consiste à attirer des investissements, et non pas à servir de levier à la promotion du développement national. Contrairement aux périodes précédentes, la nation ne demanda plus aux investisseurs étrangers le transfert de technologie ou l'achat obligatoire d'équipements de production nationale. PDVSA argumenta que toute insistance concernant des mesures de maximisation de la recette pétrolière pourrait freiner le libre flux de l'indispensable investissement étranger. Si le tout premier objectif de l'Etat [selon la doctrine libérale], en tant que propriétaire de cette ressource naturelle, est d'attirer les investissements étrangers, alors plus les niveaux d'imposition sont bas et les régimes fiscaux flexibles, mieux s'en porte le pays! En conséquence, la politique fiscale passée de maximisation fut remplacée par une politique de minimisation. En février 1998, il paraissait qu'Irène Sáenz allait facilement gagner les élections et que PDVSA jouerait un rôle central dans son gouvernement. Le Venezuela a été sur le point de devenir le modèle latino-américain du libéralisme en matière de ressources naturelles et de la globalisation. Une nation qui avait joué un rôle clef dans la fondation de l'OPEP, l'exemple même d'une organisation consacrée au renforcement de la souveraineté nationale sur les ressources naturelles épuisables, allait se transformer en leader du démantèlement de tout ce qui avait été obtenu dans le propre cadre de l'OPEP C'est alors que Chávez est apparu comme un candidat populaire et a tout gâché. Les petits groupes politiques qui s'étaient opposés à la politique pétrolière libérale de PDVSA ont soutenu Chávez, bien que celui-ci n'eût pas une politique pétrolière spécifique au-delà du compromis imprécis de suivre une politique nationaliste. Lui-même et ses partisans les plus proches n'étaient pas encore au courant du pétrole subversif, mais une chose était certaine: sa victoire, au moins, freinerait la mise en place de l'agenda libéral. Et les dirigeants de PDVSA ainsi que les partis politiques traditionnels n'y pouvaient rien. Désespérés, AD et COPEI ont formé au dernier moment un front commun électoral, mais tout a été vain. Pendant la campagne électorale, Chávez monta dans les sondages aussi inexorablement que les prix mondiaux du pétrole baissaient. PDVSA s'était publiquement vantée de ne plus jamais réduire d'un seul baril sa production. Il ne s'agissait plus de déterminer si le brut extra-lourd était, ou non, soumis aux quotas OPEP, mais de mettre fin au propre système de quotas. Mais même la redoutable machine de relations publiques de PDVSA - soutenant que les bas prix assureraient davantage de marché au Venezuela avec un bilan général positif - n'a pu convaincre le pays que la chute des prix était une bonne nouvelle, et ce ne fut pas par faute de le tenter par tous les moyens. 6. La Ve République Hugo Chávez a assumé la Présidence en février 1999 au milieu du pire effondrement des prix sur les marchés pétroliers mondiaux en cinquante ans. Cependant, la situation changea rapidement de façon radicale et favorable; il ne peut y avoir de doutes quant au rôle crucial joué par le gouvernement de Chávez dans cette récupération. Le dernier gouvernement de l'ancien régime avait été sur le point d'abandonner l'OPEP. La politique de PDVSA, publiquement annoncée, de maximiser les volumes, en négligeant les quotas de l'OPEP et ses objectifs de prix, a été la principale cause de la crise des prix pétroliers de 1998. Le gouvernement de Caldera lui-même, qui avait cependant montré peu de résistance aux initiatives de PDVSA, avait dû renoncer à cette politique et décidé de nouveaux quotas avec l'OPEP , au cours de ses derniers mois; cependant, un MEM affaibli, fut incapable d'imposer ces quotas à PDVSA. La victoire de Chávez a permis d'éviter que PDVSA se transforme en un peu plus qu'une agence d'appel d'offres; la privatisation de ses filiales aurait été alors le résultat final inévitable. Le Président Chávez et son Ministre de l' Énergie, Alí Rodriguez Araque, renversèrent la politique de rejet des quotas l'OPEP et commencèrent à défendre les prix. Avec le Mexique et l'Arabie Saoudite, le Venezuela développa avec succès une nouvelle entente concernant les quotas entre les membres de l'OPEP et d'autres pays exportateurs. D'autre part, le Venezuela a organisé et animé en septembre 2000 le Second sommet des chefs d'états de l'OPEP. Les prix retrouvèrent leur niveau. Les recettes brutes pour les exportations d'hydrocarbures se sont élevées à 29.3 milliards de dollars en 2000. Toutefois, les prix étaient seulement un aspect des problèmes affrontés par Chávez en ce qui concernait le pétrole. Son autre défit était d'arrêter la chute des recettes fiscales, suite aux anciens problèmes structurels et légaux hérités d'autres administrations et, de ce fait, plus difficiles à corriger. 7. Récupération du contrôle des ressources naturelles nationales Dès que Rodriguez Araque assume le Ministère en 1999, il met en ™uvre une politique visant à reprendre le contrôle des ressources naturelles et de la politique fiscale. Rodriguez Araque s'était opposé aux décisions des gouvernements précédents de laisser à PDVSA la négociation en amont des contrats. Au centre du problème des régimes fiscaux, on trouve la question des redevances, qui représentent la recette la plus sûre pour les propriétaires des ressources naturelles. L'avantage des redevances réside dans la facilité avec laquelle elles peuvent être encaissées, car elle dépendent seulement de deux variables: volumes et prix. Contrairement à l'impôt sur le revenu, elles sont indépendantes de la manipulation des coûts de production. Pour cette raison précise, PDVSA voulait les abolir étant, par contre, disposée à accepter une hausse des taux de l'impôt sur le revenu applicable aux secteurs hautement productifs. Le problème de cette proposition est que le recouvrement effectif des impôts sur le revenu est beaucoup plus difficile, spécialement pour un Etat dont les capacités administratives sont en baisse. Nous avons vu que le contrôle des volumes et des prix par le gouvernement vénézuélien avait déjà été difficile. Le MEM, sous la direction de Rodriguez Araque, a commencé, avec un succès partiel, à contrôler les volumes produits dans quelques secteurs et à rejeter les prix de transfert chargés par PDVSA à ses filiales étrangères, comme étant la base de calcul du paiement des redevances . PDVSA a été ainsi obligée de payer les redevances en se basant sur les prix du marché international. Cependant, le Ministère des Finances a continué à accepter les prix de transfert dans le calcul de l'impôt sur le revenu payé par la compagnie. Avec Rodriguez Araque, le MEM a aussi revu les termes des contrats pour le gaz naturel, qui se trouvaient en cours d'élaboration au moment de l'élection du nouveau gouvernement. Une nouvelle Loi du gaz naturel, promulguée en 1999, établit un taux minimal de redevance de 20 pour cent ; dans la pratique, par le biais de l'adjudication, ce taux est même monté à 32 pour cent. Parallèlement , ce secteur s'est totalement ouvert aux investisseurs privés. Une nouvelle Loi organique des hydrocarbures, promulguée en 2001 - rédigée par Álvaro Silva Calderón, ministre successeur de Rodriguez Araque (Rodriguez Araque allant au Secrétariat Général de l'OPEP) - a établi un taux minimal de redevance de 30 pour cent (avec une certaine flexibilité à la baisse, jusqu'à 20 pour cent pour les bruts conventionnels et jusqu'à un sixième pour les bruts extra-lourds). En même temps, la loi a baissé le taux de l'impôt sur le revenu appliqué aux bruts conventionnels, de 59 à 50 pour cent ; le taux de 32 pour cent étant maintenu pour les bruts ultra-lourds. Au total, il y eut un accroissement des niveaux d'imposition suite à la hausse du taux de redevance. La loi réserve aussi à l'Etat la position majoritaire (actions), dans toute association pour l'exploitation et production des hydrocarbures liquides. La nouvelle Loi des Hydrocarbures sera appliquée seulement sur les futurs licences, concessions et contrats. Sur la base des accords existants, les compagnies privées continueront de payer moins, en redevances et impôts, pour l'accès aux dépôts pétroliers les plus rentables, que ce qu'elles déboursent pour les loyers de champs marginaux aux Etats-Unis. De fait, depuis 1993, PDVSA elle-même paye moins de redevances et impôts que les compagnies privées en Alaska (Mommer, 2001b). 8. Prise de contrôle de PDVSA Le MEM, sous les présidences de Rodriguez Araque et Silva Calderón, espérait amener PDVSA à freiner ses dépenses et à payer davantage d'impôts. Cet objectif ne serait pas facile à atteindre. Vers fin 2001, le Ministère était entre les mains de fonctionnaires appartenant à deux petits partis, Patrie Pour tous (PPT) et Mouvement Électoral du Peuple (MEP). Ces partis déjà faibles, s'affaiblirent encore plus lorsqu'ils perdirent leur petite représentation à l'Assemblée Nationale suite aux élections générales de 2000. Par conséquent, le Ministère manquait d'appui politique au pouvoir législatif, pendant que PDVSA continuait à faire son travail de séduction avec le MVR de Chávez. En novembre 2000, par exemple, PDVSA a convaincu la Commission Énergie et Mines de l'Assemblée Nationale de déclarer publiquement son intention de promouvoir une législation favorisant une baisse des taux de redevance. Cela, le jour même où était approuvée un Décret Loi autorisant le gouvernement à faire précisément le contraire - élever les taux de privilège. Cette dernière position a prévalu au niveau gouvernemental, mais il n'était pas sûr qu'elle passerait à l'Assemblée Nationale (l'ancien Congrès National). Le Président de PDVSA, le Général Guaicaipuro Lameda, critiqua publiquement l'augmentation des redevances prévue par la nouvelle Loi Organique des Hydrocarbures. En février 2002, le Président Chávez destitue Lameda et nomme à sa place Gastón Parra, un professeur universitaire avec une forte vision nationaliste, en ligne avec le MEM. À première vue, la nouvelle Constitution semble apparemment renforcer la propriété souveraine sur le pétrole, mais en réalité la vision libérale de PDVSA n'a pas été trop malmenée par l'Assemblée Constitutante. En accord avec la nouvelle Constitution bolivarienne, PDVSA qui est en réalité une société de portefeuille, ne peut pas être privatisée, mais cette restriction ne s'applique pas à ses filiales productrices. PDVSA, contrairement à ses filiales, ne produit pas un seul baril de pétrole. La majorité des Vénézuéliens croit que la Constitution bolivarienne a réellement renforcé la nationalisation, mais ironiquement elle a préparé le terrain pour la transformation de PDVSA, la société de portefeuille, en une agence libérale d'appels d'offres au service de l'industrie privatisée. Durant l'année 2000, les coûts et dépenses de la compagnie ont augmenté jusqu'à atteindre le pourcentage étonnant de 44.6 pour cent, comme l'a officiellement déclaré PDVSA. Ceci s'explique principalement par les Contrats de Services Opérationnels, souscrits avec les compagnies privées durant les années de l'Ouverture, et conçus de façon assez flexible pour permettre à la compagnie de produire du pétrole à un coût très haut (et avec de bas impôts). Les coûts de PDVSA ont déjà dépassé le niveau des 10 dollars le baril. PDVSA poursuivait également sa vieille politique: dès que les quotas l'OPEP limitaient les possibilités d'investissement dans la production de pétrole au Venezuela, elle augmentait ses frais à l'étranger. PDVSA continue son expansion dans les affaires de raffinerie et des ventes au détail, mais maintenant non seulement aux Etas Unis et en Europe, mais également dans toute l'Amérique Latine. Les deux faces commerciales du pétrole - celle de l'investisseur , d'une part, et celle du propriétaire de la richesse naturelle d'autre part - étaient faciles à distinguer, tant que la première était entre les mains des investisseurs étrangers et la deuxième entre les mains du gouvernement national, représenté par le MEM. Avec la nationalisation en 1976, ces deux aspects commerciaux se sont complètement confondus. Il n'y a pas de doute que, plus que jamais, un contrôle fiscal plus strict et transparent devenait nécessaire ; cependant, c'est tout à fait le contraire qui arriva. Le contrôle fiscal s'est relâché de plus en plus au cours des années et le contrôle actionnaire de la compagnie par son seul actionnaire - l'Etat - n'a réellement jamais fonctionné. Le Ministère par lui-même n'exerce aucun pouvoir sur la compagnie car le Président nomme tous ses directeurs. Ils sont, de ce point de vue, les pairs du Ministre. L'unique actionnaire réel est donc le Président, lequel n'a virtuellement aucun soutien institutionnel et structurel pour exercer efficacement cette fonction. PDVSA a toujours brandi le même argument en faveur de la flexibilisation du contrôle étatique: le besoin de renforcer la compagnie pétrolière nationale, l'orgueil de la nation, en augmentant sa compétitivité. En fait, la compagnie a toujours agi selon le principe qu'il était préférable de dépenser un dollar que de verser ce dollar en impôts. Investir était une question de principe et non un moyen de maximiser les bénéfices. Elle a toujours préféré l'option de la maximisation des volumes de production à bas prix plutôt que la défense des prix en limitant le taux d'exploitation d'une ressource naturelle épuisable. Par conséquent, PDVSA, contrairement à ce qu'elle prétend publiquement, n'a vraiment jamais agi comme une entreprise commerciale. PDVSA ne maximise pas les bénéfices (qui pourraient se convertir en dividendes pour le gouvernement) mais les volumes tout au long de la chaîne, depuis la production jusqu'au raffinage, le transport et la vente au détail. Tout au long de chaîne de production, les bénéfices provenant de l'extraction du pétrole au Venezuela se trouvent ainsi dilués au moyen de la pratique des prix de transfert. Pour retrouver un contrôle réel de PDVSA, la nouvelle Loi organique des Hydrocarbures exige de toutes les compagnies - publiques ou privées - la présentation de leurs comptes de façon séparée, selon les différentes phases du processus. Il sera alors possible de discerner où s'obtiennent, effectivement , les bénéfices et où ce n'est pas le cas, condition sine qua non pour toute politique pétrolière nationale. Bien au contraire, les méthodes opaques de comptabilité de PDVSA ont été prévues pour cacher les escomptes inclus dans ses prix de transfert, ainsi que les coûts délibérément gonflés. Par exemple, PDVSA effectue le transfert d' une partie importante des coûts de son programme d'internationalisation, y compris le service de sa dette de 10 milliards de dollars, à son siège à Caracas. PDVSA a perdu, de plusieurs façons, le contrôle d'elle-même, spécialement en ce qui concerne sa politique d'internationalisation. La compagnie s'est structurée au long des années avec le souci, en premier lieu, d'éviter que son actionnaire (l'Etat) puisse intervenir dans sa structure. Elle est devenue ainsi de plus en plus difficile à gérer. 9. Conclusions Très tôt, en 1983, PDVSA a tourné le dos à la nationalisation, avec sa politique d' «internationalisation» . En 1989, en fait, elle ne prétendait plus être une compagnie pétrolière nationale, mais une corporation énergétique globale. En effet, l'essence de ce message était qu'avec la globalisation les ressources naturelles, qui de ce fait restaient toujours nationales, n'avaient aucune importance. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce point de vue - avec lequel PDVSA s'alignait avec les compagnies pétrolières internationales et les pays consommateurs - jouissait d'un fort soutien public des professionnels vénézuéliens et de la classe moyenne en général. Jusqu'à la nationalisation, il était évident pour tous les Vénézuéliens que les hauts revenus fiscaux pétroliers généraient un bien être matériel pour toute la population. Après la nationalisation, cependant, la validité de cette opinion a été mise en question, suite à la désastreuse performance du système politique et économique. Ainsi, soumettre à nouveau PDVSA au contrôle fiscal, sera une tâche beaucoup plus difficile de ce que l'on pourrait imaginer dans d'autres circonstances. Une grande partie de la classe professionnelle vénézuélienne soutient le raisonnement de PDVSA: la maximisation des volumes de production est plus importante que la défense des prix. Complètement confuse quant à la politique pétrolière et sous l'influence de l'efficace politique de relations publiques de PDVSA, elle n'est pas disposée à défier la logique néolibérale. Elle recherche un environnement de travail décent et professionnel dans une compagnie moderne (de préférence privée) et, naturellement, un salaire satisfaisant, tout ce que la IV République n'a pu lui offrir ; elle ne croit pas que la situation soit différente sous la Ve République. Ainsi, elle est convaincue que la privatisation de PDVSA améliorera son avenir. Cependant, au niveau populaire la situation apparaît bien différente. Les secteurs défavorisés de la population craignent leur exclusion; ils ont peur d'être laissées à la traîne si la nation est amenée à privatiser à nouveau l'industrie pétrolière. En d'autres mots, la politique pétrolière a été intégrée dans le processus de polarisation générale qui a caractérisé le pays depuis les premiers mois de 2002. Tout le pays a été sous le charme depuis la nationalisation. Les gouvernements se sont succédés et le pays a concentré toute son attention sur PDVSA en oubliant le MEM. Les présidents de la République successifs ont passé de longues heures à PDVSA, mais aucun d'eux n'a jamais mis les pieds au Ministère de l'Energie et des Mines. Celui-ci fut progressivement démonté et PDVSA reprit une grande partie de son personnel le plus compétent. Le Ministère lui-même a été victime de la décadence de son infrastructure physique; son personnel s'est appauvri ainsi que les autres fonctionnaires publiques. En plein essor de l'Ouverture pétrolière, PDVSA se mobilisa même pour réduire la différence avec le paiement d'un bonus mensuel aux employés du Ministère qui travaillaient dans le secteur des hydrocarbures (pratique actuellement en vigueur), doublant ainsi leurs misérables salaires. Aujourd'hui, le budget de PDVSA ne représente pas moins de 40 pour cent de la dépense publique. L'influence financière de PDVSA se fait sentir profondément dans le monde politique, médiatique et des faiseurs d'opinion publique en général ; il est facile de convaincre quelqu'un à travailler pour PDVSA en tant que chargé de la communication à temps conventionnel, sans parler des compagnies internationales de communication établies à Caracas depuis le début de l'Ouverture Pétrolière en 1989. En résumé, PDVSA s'est transformée depuis longtemps en un «Etat dans l'Etat», devenant plus puissante dans la mesure où le pays devenait plus pauvre Sous le gouvernement de Chávez - bien que le pays ait continué à s'appauvrir - cette tendance s'est retournée au cours de la dernière période. En conséquence, le pays a fait des progrès significatifs dans la récupération du contrôle sur sa richesse naturelle la plus importante. Cependant, dans cette démarche, le gouvernement a échoué à mettre de son côté l'encadrement de PDVSA. Actuellement, les cadres de la compagnie, qui n'étaient déjà pas disposés à coopérer avec la Quatrième République, le sont encore moins vis à vis de la Cinquième. Ces conclusions ont été tout à fait confirmées par les événements que le pays a vécu en avril 2002. Le coup d'état manqué laisse en arrière une situation très fluide et le destin final de la politique pétrolière n'est pas résolu. Alí Rodríguez Araque, qui était alors Secrétaire Général de l'OPEP, a accepté d'assumer la Présidence de PDVSA en tant que candidat d'un consensus politique - autant qu'il puisse avoir un consensus au Venezuela en ce moment. Rodríguez Araque a la tâche de promouvoir depuis PDVSA et en étroite coopération avec le MEM, une réforme systématique du secteur pétrolier. Le gouvernement Chávez devra délimiter les trois rôles de l'Etat, sous leurs aspects politiques et institutionnels: son rôle souverainiste, son rôle de propriétaire des richesses naturelles et enfin en tant qu'unique actionnaire de PDVSA. Parallèlement, il faudra définir un nouveau rôle pour le secteur privé, national et étranger. Etant donné l'instabilité politique vénézuélienne, son succès n'est pas certain. * Les notes ont été supprimées. L'original peut-être obtenu sur http://www.soberania.info et www.rebelion.org Haut de page Retour
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