Venezuela

La CIA et le Venezuela

Le 14 avril 2002, la revue américaine spécialisée de renom, Stratfor - spécialisée dans l'analyse des questions militaires et dites d'intelligence - fournissait des informations sur l'engagement du Département d'Etat américain dans le coup au Venezuela.. En voici la traduction - réd.

Diverses sources au Venezuela et à Washington ont rapporté à Stratfor, le 14 avril, que la Central Intelligence Agency et le Département d'Etat des Etats-Unis auraient pu être mêlés, chacun de son côté, dans les événements qui se sont produits à Caracas entre le 5 et le 13 avril 2002, qui ont culminé dans le bref renversement du Président Hugo Chavez et son retour au pouvoir.

Bien que ces sources puissent avoir leurs propres raisons pour faire de telles affirmations, il est possible - si le régime de Chavez produit des preuves convaincantes d'immixtion du gouvernement américain dans ce coup échoué - que cela puisse empoisonner les relations de Washington avec les autres gouvernements en Amérique latine.

Les efforts pour gagner un soutien régional à l'appui accru aux tentatives militaires américaines afin d'appuyer la Colombie [le gouvernement colombien] et d'autres pays andins frontières - qui se battent contre le danger combiné du trafic international de la drogue et les insurrections explicitement marxistes - pourraient connaître un recul sérieux en Amérique latine et à Washinghton. Les efforts de l'administration Bush pour élargir la libéralisation commerciale dans la région [le projet de l'ALCA - zone de libre-échange des Amérique] pourraient aussi en souffrir.

Chavez pourrait renforcer son emprise politique au Venezuela s'il peut, rapidement, prouver l'engagement américain dans la tentative de renverser son gouvernement, installé il y a trois ans. Cela donnerait un coup d'accélérateur à la direction Chavez et sa crédibilité envers les forces populiste et nationaliste à travers l'Amérique latine, qui considère les Etats-Unis comme une menace et qui s'y oppose au style de démocratie capitaliste à l'américaine.

Le gouvernement américain a une longue histoire d'interférence face aux régimes d'Amérique latine qu'il considère inamicaux ou dangereux pour la sécurité nationale des Etats-Unis et ses intérêts dans la région. Bien que l'administration Bush ait essayé avec énergie, au cours des dernières semaines, de prendre des distances la situation chaotique au Venezuela, beaucoup de gouvernements en Amérique latine, en Europe, au Moyen Orient et en Asie considère le silence précautionneux de Washington à propos du Venezuela avec un scepticisme considérable.

Toutefois, si les sources de Stratfor sont correctes, le scepticisme pourrait bien être justifié.

Nos sources au Venezuela et aux Etats-Unis mentionnent que la CIA avait connaissance - et même soutenait - que des civils ultras-conservateurs et des militaires de haut rang ont cherché sans succès à kidnapper l'administration intérimaire de Pedro Carmona Estanga. Des sources provenant du Venezuela ont identifié ce groupe comme intégrant des conservateurs extrémistes, membres de l'organisation catholique Opus Dei, et des hauts officiers loyaux au général en retraite Ruben Rojas, qui est aussi le beau-fils de l'ancien président Raphaël Caldera, qui a gouverné le Venezuela de 1979 à 1993 et de 1994 à 1998 a fondé le parti démocrate-chrétien, COPEI. Les sources de Strford indiquent que ce groupe ultra-conservateur avait planifié d'organiser un coup contre le régime de Chavez le 27 février. Mais cette action avorta au dernier moment étant donné la pression forte de l'administration Bush, qui, à cette occasion déclara publiquement qu'elle ne soutiendrait pas ou ne reconnaîtrait pas les initiatives antidémocratiques visant à renverser Chavez.

De façon parallèle, les sources de Statfor indiquent que le Département d'état soutenait tranquillement la coalition de centre droit, composée de militaires et de civils, qui cherchaient à obtenir la démission de Chavez en s'opposant à son régime de plus en plus autoritaire, avec un pouvoir populaire pacifique et non armé. Le 11 avril la manifestation réunit 350.000 Vénézuéliens et fut la plus grande manifestation contre un gouvernement dans l'histoire du Venezuela.  Et même sans violence, la dynamique se serait renforcée dans les jours suivants. Les dirigeants américains qui soutenaient les groupes visant à chasser Chavez croyaient que leurs forces atteindraient à coup sûr une masse critique pour contraindre Chavez à modifier ses orientations ou même à aboutir à un changement de régime.

Toutefois la violence qui tua 15 personnes et en blessa 350 autres- y compris 157 qui ont souffert de blessures par armes à feu infligées par les forces de sécurité pro-Chavez et les membres de la milice civile - a abouti à unifier l'opposition de centre droit sans direction et désarticulé et a fait passer dans les mains des forces armées ces modérés qui ont estimé qu'il y avait là une raison légitime pour renverser immédiatement Chavez. Des sources en provenance de cette formation de centre droit ont informé Startfor que les  bandes vidéos montrant des hommes de main pro-Chavez tirant de façon sans distinction contre les premiers rangs des manifestants étaient " plus que justifiées pour justifier un changement de régime. [ ces extraits de bandes vidéo ont passé en boucle sur les chaînes privées; aucune image des agressions des forces liées au maire de Caracas ne furent montrées].

Le groupe conservateur civil et militaire a déclenché son coup dans le coup, en utilisant la cérémonie d'investiture de Carmona comme plate-forme pour kidnapper ce qui était supposé être un gouvernement de centre droit, un gouvernement qui cherchait à atteindre la gauche modérée qui est dirigée par l'ancien ministre de l'intérieur et de la justice, Luis Miquilena. Les sources Stratfor dans ce groupe indiquent que 23 membres du Mouvement de la cinquième république, mouvement lié à Chavez dans l'Assemblée nationale, s'étaient engagés le 11 avril, à voter pour le renversement de Chavez.

De plus, dans la mesure où le vice président Diosdado Cabello était responsable pour l'organisation et la coordination des cercles bolivariens depuis le Palais présidentiel de Miraflores, on préjugeait que lui et d'autres représentants élevés du régime de Chavez pourraient être écartés légalement du gouvernement avec l'aide de Miquilena dans l'Assemblée nationale et aussi grâce à sa forte influence sur la cour suprême.

Néanmoins Carmonas Estanga a détruit cette possibilité et a brisé la coalition de centre droit qui l'avait nommé à la présidence, lorsqu'il annonça la dissolution de l'Assemblée nationale, renvoya l'ensemble de la Cour suprême et licencia le procureur général, l'intendant général qui avaient été nommés par Chavez.

La dissolution de l'Assemblée nationale a été rejetée de façon unanime par toutes les organisations politiques et civiles du pays. La puissante Confédération des travailleurs vénézuéliens (CTV) a retiré son soutien à Carmona sans faire de déclaration à ce propos. Selon les sources de Stratfor, la coalition anti-Chavez au sein des forces armées s'est presque intégralement désintégrée.

En outre, les tensions entre les factions modérées dirigées par le général Efrain Vasquez Velasco et les ultra-conservateurs, les tensions se sont exacerbées rapidement lorsque l'extrême droite, par le biais du nouveau ministre de la défense a cherché à casser les soutiens de Vasquez Velasco au sein de l'armée en transférant quelques-uns de ses proches  les plus importants vers d'autres commandements.

Le tableau peint par les sources de Startfor au Venezuela et aux Etats-Unis donne l'image suivante: deux opérations parallèles américaines étaient en marche; elles furent exécutées séparément par le Département d'Etat et la CIA. Alors que le Département d'Etat visait avec force et quasi officiellement à donner son appui aux modérés anti-Chavez, afin de construire un centre politique viable, la CIA était au moins au courant qu'existait un complot ultra-conservateur pour kidnapper la présidence éphémère de Carmona.

Si les sources sont correctes, les plans établis par l'administration Bush de façon sérieuse pourraient bientôt avoir des ratées.

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