Palestine


Les Palestiniens et leur combat interminable pour la liberté
Les Palestiniens assiégés ont besoin de notre présence en Palestine

Partir en Palestine
Une expérience unique au service d’une cause juste

Silvia Cattori

Please come to Palestine... we need your help, répète Mustafa Barghouti depuis des mois (1)

Please be here with us... be here for us, renchérit Wafa Abdel Rahman (2)

Les Palestiniens souffrent atrocement. Ils ont plus que jamais impérativement besoin de nous. Les Palestiniens ont peur. Peur d’être laissés à la merci de la politique d’extermination de l’Etat théocratique et raciste d’Israël. Un Etat, il faut le rappeler, gouverné par des hommes dangereux, des criminels tels Sharon, Mofaz, Netanyaou (que les communautés juives dans le monde soutiennent sans vergogne). Leur peur grandit à mesure que la guerre anglo-américaine contre l’Irak - fortement encouragée par Israël mais catégoriquement refusée par les citoyens du monde épris de justice et de paix – se précise avec les conséquences désastreuses que l’on sait. En effet, trois partis racistes à l’intérieur du gouvernement israélien envisagent ouvertement le transfert de Palestiniens et autres insanités – comprenez purification ethnique, déportation – en marge de cette guerre. C’est pourquoi les Palestiniens - lâchés par les Etats-Unis, peu soutenus par les responsables politiques européens, démunis face à la radicalisation violente des extrémistes israéliens - se tournent vers nous, simples citoyens du monde. Ils en appellent à la mobilisation internationale, afin que la venue de pacifistes en Cisjordanie et à Gaza soit suffisamment grande pour assurer leur défense. Après ce qu’ils ont déjà essuyé de haine et de douleur sur le front fermé de l’indifférence, nous ne pouvons pas rester inertes. C’est notre devoir moral de répondre à leurs appels, de leur apporter assistance. Ensemble nous pouvons faire la différence. En échange de notre soutien solidaire les Palestiniens nous offrent, en même temps que leur généreuse hospitalité, une ouverture sur un autre monde, la chance d’une réflexion profonde sur nous-mêmes, sans quoi on ne peut avancer…

Ne laissons pas les Palestiniens seuls, sans protection

Il y a plusieurs façons de soutenir les Palestiniens dans leur quête désespérée vers une paix juste. L’une d’entre elles consiste à se rendre nombreux en Palestine pour protéger le peuple Palestinien. Une autre est de mener la guerre contre la désinformation des médias. Et aussi d’exercer des pressions sur nos responsables politiques pour qu’ils dénoncent les violations des droits humains par Israël. C’est cela que veulent les Palestiniens. Pas de charité. Pas de leçons. Des actes concrets qui peuvent contribuer à briser le silence et le blocus qui les étouffe.

Partir en Palestine - une, deux, trois semaines – se tenir à leurs côtés en toute légalité, c’est dire non à l’occupation illégale de l’Etat d’Israël, non à l’apartheid, non aux assassinats d’enfants, non aux destructions de maisons, non à l’extermination lente d’un peuple qui a déjà trop souffert. Ne laissons pas les Palestiniens seuls face à la brutalité des Israéliens. Poursuivons les actions commencées par les premiers membres de la société civile qui ont jeté les fondements, avec les Palestiniens, d’un mouvement de résistance non violente qui s’est avéré capable, malgré la violence israélienne, de résister efficacement durant cette période de vide forcé. Décrits par la BBC comme des militants des droits de l’homme qui ont à cœur de se livrer aux côtés des Palestiniens opprimés à des actes de désobéissance civile et de protestation contre les violations de l’occupant israélien en Cisjordanie et à Gaza, pour attirer l’attention des médias qui se taisent sur ses abus, les pacifistes internationaux sont devenus les ennemis de l’armée israélienne qui les arrose régulièrement de gaz toxiques, de grenades assourdissantes, les arrête, avec pour certains l’expulsion et l’interdiction de retour durant 10 ans.

«Laissez-nous continuer le travail que nous avons commencé ensemble. Laissez-nous travailler dur pour mettre fin à cette vilaine occupation...» écrivait une militante du FPLP de Gaza durant ces nuits terribles où l’armée israélienne bombardait son quartier et elle croyait son heure comptée. Oui, nous devons continuer d’aller nombreux en Palestine pour empêcher l’armée israélienne de tuer encore plus de Palestiniens, de détruire plus de maisons, de déporter plus de villageois loin des regards extérieurs.

Cela dit, on ne va pas en Palestine comme on va en vacance. Si côté Palestinien on est merveilleusement bien entourés, leur territoire n’en demeure pas moins entièrement occupé par une soldatesque terrifiante, c’est le mot, et des colons juifs haineux qui tirent à tout va. Il convient donc de bien se préparer, pour savoir prendre en compte les attentes des gens qui nous accueillent et sont seuls à même de décider ce qu’il y a lieu de faire en priorité, pour ne jamais rien faire qui puisse heurter leur sensibilité, les mettre en danger, etc. Le contexte de guerre unilatérale, le veut. Cette préparation peut se faire dans le cadre de l’International Solidarity Movement où rien n’est laissé au hasard, tout est minutieusement pensé. L’ISM, fondé il y a deux ans - sous l’impulsion de Ghassan Andoni, un personnage remarquable, professeur de physique à l’Université de Bir Zeit, depuis longtemps engagé à promouvoir la lutte de résistance pacifique dans le cadre du Palestinian Center for Raprochement between people (PCR) - a été crée en réponse aux exactions croissantes de l’armée israélienne en Palestine et pour répondre à la nécessité d’avoir des témoins extérieurs qui puissent observer et dénoncer ces violations. C’est sous la pression de la terreur que ce mouvement de résistance non violente travaillant la main dans la main avec des pacifistes internationaux a pris corp. 2000 fut une année noire pour les Palestiniens ce qui ne préfigurait rien de bon pour l’avenir. Il y a eu quantité d’épisodes malheureux. La marmite à vapeur était en passe d’exploser, la frustration des Palestiniens à son comble, aussi bien contre l’occupant israélien qui renforçait son appareil de répression et consolidait le régime d’apartheid, que contre l’autorité palestinienne, qui n’avait rien obtenu de concret après les accords d’Oslo pour améliorer les conditions de vie de son peuple. Les Israéliens n’attendaient que cela, l’explosion des Palestiniens, pour ensuite resserrer encore un peu plus la vis, couper des têtes, grignoter plus de terres, étendre leur politique du fait accompli. Cette stratégie qui consiste à pousser les Palestiniens à cran, la toujours grandement profité aux Israéliens. Ils en ont usé et abusé. Encore aujourd’hui les gens vous parlent avec émotion de ces jours terribles de septembre 2000 où l’armée israélienne avait massacré des dizaines de jeunes Palestiniens en quelques heures, rasé 160 maisons d’un trait à Bethléem, déporté 240 personnes. Quand la population est revenue sur ces lieux annexés par l’armée israélienne, les soldats, surpris par ces manifestants qui marchaient sans peur sur eux, sur les tanks, se sont retirés. Oh, ce n’était qu’une demi victoire ; mais pour ces hommes et femmes jetés au désespoir prêts à se battre jusqu’à la mort pour la vie contre la mort, cette image d’une armée qui se disloquait, renforça l’idée que la non violence pouvait avoir raison du plus fort.

C’est ainsi que en 2001, des pacifistes américains, émus par la brutalité des mesures mises en place par Sharon pour effrayer et faire partir les Palestiniens, sont arrivés en Palestine pour commencer. Puis d’autres volontaires internationaux se sont peu à peu joints aux actions menées par l’ISM. Ce mouvement, n’a cessé de s’amplifier et de s’enrichir de l’expérience des uns et des autres, depuis les évènements tragiques de mars 2002. Quelques milliers de personnes se sont rendues en Palestine en une année. C’était une goutte dans l’océan de l’horreur absolue. Il en aurait fallu bien davantage. Néanmoins, pour les Palestiniens, que la machine de guerre de Sharon – Perez maintenait sous blocus total, même ce peu était déjà mieux que rien. Si Arafat et les 400 hommes retranchés dans les bureaux présidentiels sont encore en vie, pour ne parler que de cette action connue de tous, c’est sans doute en partie grâce à ces internationaux qui se sont offerts comme boucliers humains pour les protéger des attaques israéliennes. Leur présence aux côtés des victimes de la répression s’est avérée chose utile un peu partout. Depuis, les Palestiniens n’ont cessé de demander leur venue, pour s’assurer qu’il y ait toujours plus de gens disposés à se rendre là où les militaires israéliens les persécutent particulièrement. Aujourd’hui il y a des pacifistes reliés à l’ISM palestinien, depuis qu’ils ont fait leur baptême du feu en Palestine, dans tous les continents. L’ISM, est devenue une ONG parmi d’autres, qui agit de concert avec le GPPI, organe qui réunit toutes les ONG palestiniennes. Aussi l’ISM travaille en étroite coordination avec quantité de groupes de paix internationaux. Ces pacifistes, majoritairement anglo-saxons (Américains, Anglais, Danois, Suédois, Irlandais) ont apporté un soutien moral certain aux plus démunis. Mais surtout, depuis les semaines où les massacres des populations se poursuivent, ils se sont révélés des témoins irremplaçables, là où l’armée israélienne aime agir en toute impunité. Il est fréquent de voir les Palestiniens pleurer de gratitude en présence de ces jeunes étudiants suédois, ou autres retraités américains, qui ont fait le geste de venir jusqu’à eux, partager leur douleur, leurs peurs. Mona, une femme médecin de Gaza, dont je n’oublierai jamais le visage de tendre bonté enveloppée de fatigue, exprimait fort bien ce que les Palestiniens peuvent éprouver de réconfort, quand une nuit sous une avalanche de bombes elle écrivait ceci en pensant à ces gens qui dans le monde s’engagent à les défendre:«Malgré le fait que les gouvernements du monde ferment les yeux sur notre souffrance quotidienne, je pense à votre solidarité, et je me sens plus forte.» Nous sommes en décembre 2002. La Palestine est à l’agonie. Les Palestiniens n’en peuvent plus. Une année terrible s’achève. Les conséquences de l’occupation israélienne sur la santé, sur l’emploi, sur l’éducation, sur le quotidien des Palestiniens sont incalculables.

Un quotidien terrifiant intimement partagé

Il est important d’aller sur le lieu de ce désastre. Déjà pour y voir plus clair soi-même, et ensuite pour pouvoir corriger la désinformation des autorités israéliennes et des journalistes peu scrupuleux, qui par bêtise, par parti pris, par malhonnêteté intellectuelle, empêchent la vérité de triompher. Mais aussi pour redonner un peu d’espoir aux Palestiniens qui redoutent de retomber dans l’indifférence, l’isolement connu par le passé.

Malgré tout cela Bush continue de blâmer les Palestiniens et de glorifier Sharon, ce boucher. Et l’opinion continue d’être victime d’une mortelle duperie. Ce ne sont ni Arafat, ni les bombes humaines, ni les islamistes, qui menacent Israël. C’est Israël, avec son arsenal de guerre qui menace tout un peuple. Les punitions collectives qu’il leur inflige sous prétexte qu’elles sont nécessaires à la sécurité d’Israël sont destinées à pousser les Palestiniens à la révolte, pour ensuite les écraser dans le sang et entretenir un cycle de violence. Si les Israéliens se retiraient et leur rendaient ce qu’ils leur ont volé, les Palestiniens n’auraient plus aucune raison de se révolter. Or les Israéliens, ne veulent pas de cette pacification. Ils veulent gagner du temps pour étendre leurs colonies juives de peuplement. Ce sont elles, ces villes casernes hideuses, impénétrables, inhumaines, qui avalent les plus beaux paysages de l’histoire humaine et mettent la vie des Palestiniens en péril.

Une expérience humaine émouvante

Partir d’un pays comme la Suisse, l’Australie ou les USA pour atterrir dans cette partie occupée de la Palestine qui n’en finit pas de saigner, sur quoi l’on s’imagine déjà tout savoir mais dont on ne sait rien en vérité, ce n’est pas un geste anodin. Cela peut devenir le point de départ d’une réflexion qui ne vous laissera pas inchangé. Et après avoir contemplé ces paysages splendides que la méchanceté des hommes a mutilés – ceux que l’armée occupante veut bien vous laisser approcher - vous aurez vite fait de comprendre que la Palestine résume à elle seule toutes les injustices et les lâchetés du monde. Je le répète. Les soldats israéliens sont terrifiants avec leur arsenal impressionnant, leur mobilité, leur capacité destructive. Vous n’êtes pas venu ici pour prendre le parti de l’un contre l’autre, cependant on ne peut pas rester neutre là devant. En 1967, quand la guerre du kippour éclata, je me suis rangée à leur côté, réjouie de leur victoire. Grisés, ils n’ont cessé depuis, de poursuivre leur folle avancée et de faire parler, parallèlement aux armes, leur machine de propagande. J’ai longtemps cru ce qu’ils affirmaient: qu’ils étaient menacés. Mais dès 1987 – et cela a continué jusqu’à ce jour - quand les images fugaces de soldats israéliens tirant sur les enfants palestiniens se sont imposées à la vue du monde, j’ai éprouvé des sentiments de répulsion, de douleur, de révolte.

Savoir démêler le vrai du faux

C’est ainsi que, pour en avoir le cœur net, par un petit matin d’avril, j’ai atterri à l’aéroport Ben Gourion à Tel Aviv. On m’a rangée sur le côté, tandis que d’autres passaient tout droit. Interrogée par des gardes frontières dont je ne comprenais pas l’arrogance ni le mépris, scrutée avec suspicion, traînée de bureaux en bureaux, fouillée de manière humiliante, jusque dans les parties les plus intimes, j’ai compris qu’ici, rien n’est gratuit, rien ne vous sourit, rien ne se passe comme partout ailleurs. L’attitude peu aimable des jeunes officiers de police me révolte, mais je m’écrase. J’ai compris que cela peut les rendre fou de rage l’idée que vous puissiez vous sentir en sympathie avec les Palestiniens. Il faut surtout ne rien leur dire. Rester évasif. Tout cela pour dire que s’ils vous suspectent d’aller en Palestine, vous savez ce qui vous attend. Ils les répètent à l’infini, de façon mécanique, leurs questions absurdes. Il y avait ce tampon qui indiquait que j’étais allé au Maroc deux ans plus tôt, qui posait problème. Ici c’est la religion qui commande. Si un quelconque pays s’était avisé de traiter toute personne non juive qui se présentait à sa frontière de pareille façon, cela ce serait su, aurait déjà soulevé un vrai tollé, des polémiques, des sanctions. Est-ce la peur d’être taxé d’antisémite par de puissantes organisations juives qui a jusqu’ici étouffé toute critique ouverte contre les comportements ouvertement racistes d’Israël ? Je n’avais rien à cacher. Mais je craignais d’être empêchée d’aller en Palestine, renvoyée. Ils voulaient me montrer leur force. Je devais louvoyer. Quand j’ai quitté le bureau de l’immigration et j’ai vu la porte de sortie j’ai tourné les talons en pensant que j’avais remporté-là une petite victoire. D’autres pacifistes avaient eu moins de chance que moi, qui se sont fait enfermer manu militari dans une cellule bunker en attendant d’être remis dans le premier avion.

Palestina mon amour

Vous découvrez la Palestine telle que les Israéliens l’ont divisée, close à l’intérieur de frontières mouvantes, de murs imaginaires ou en construction, morcelée en quantité de lopins coincés entre colonies juives et zones militarisées interdites. Vous découvrez qu’ici c’est l’apartheid, que tout ce que le monde a refusé depuis longtemps ailleurs est ici en pleine expansion, et ne soulève pas de protestations internationales quand il s’agit des Israéliens. Vous découvrez que les Palestiniens qui habitent la bande de Gaza - que les Israéliens ont définitivement coupée de son voisin égyptien - ne peuvent aller en Cisjordanie ; et que les Palestiniens de Cisjordanie ne peuvent se rendre à Gaza et que tout cela se passe ainsi depuis que les Israéliens l’ont décidé et que tout cela s’emboîte, s’enchaîne, se répète à l’infini. Vous découvrez que les soldats israéliens sont là pour faire marcher les Palestiniens au pas, à la trique… Comme cela, séparés les uns des autres, engloutis dans des difficultés sans fin, rarissimes sont les chanceux qui peuvent obtenir l’ID qui permet aux Palestiniens de passer d’une zone à l’autre ou encore de partir à l’étranger. Tout est comme cela, ahurissant, horripilant. Impossible de s’y retrouver entre zones A, B, C, où les Palestiniens sont cantonnés comme des bêtes. Vous ne savez jamais dans quelle zone vous êtes tombé. Où que vous alliez, vous vous trouvez forcement confiné derrière des barrières électrifiées, des montagnes de terres, des murs fortifiés. Inutile de vous repérer sur une carte. Les bulldozers creusent déjà la prochaine ligne de démarcation. Une seule chose est certaine: là où il y a des barbelés, des collines sauvagement lacérées, des avalanches de poussières, des bruits inhumains, il y a des colons juifs qui s’activent et grappillent. Ceci pour dire que cette Palestine qui s’offre tristement à votre regard, avec ce qu’elle porte en elle de poignant et de beauté tragique, n’a pas d’unité, ni de contours défini. Elle est découpée en camps de réfugiés, en marge de zones fermées, de décharges fumantes qui empestent les airs, d’amoncellements de terres que les camions militaires israéliens transportent par tonnes, partout où ils veulent empêcher les gens de circuler, partout où ils imposent leurs punitions collectives.

La Palestine intacte n’existe plus que dans la mémoire de quelques survivants parmi les réfugiés palestiniens qui en ont été chassés en 1948 et qui n’ont jamais abandonné l’idée utopique d’y retourner. Israël en a déjà absorbé plus de trois quart et ce n’est pas fini. Les colons juifs armés réputés pour leur état d’esprit extrémiste, foncent comme des brutes, s’activent à tout saccager - aidés par l’armée qui les protège. Ils construisent à toute vitesse des colonies agressives sur les ultimes sommets, sous les yeux des Palestiniens impuissants.

C’est difficile d’imaginer ce que c’est, ce pays quadrillé par l’armée israélienne, tant qu’on ne l’a pas vu de ses propres yeux. On peut se représenter la Palestine actuelle comme une vraie prison ceinturée de hautes murailles, de barbelés électrifiés, de tranchées. Aller d’un village prison à un autre village prison est un vrai casse-tête. Vous avez déjà entendu parler des road blocks, des check points, des routes de contournement à l’usage exclusif des colons juifs et des militaires… bref, toute la palette qu’il faut pour infliger humiliations sur humiliations aux Palestiniens. Mais ici tout se complique encore. Si vous ne possédez ni la green card ni l’ orange card, alors là vous êtes fort mal barré ; vous n’irez plus nulle part. C’est ainsi que le gouvernement raciste israélien s’attaque d’un check point à l’autre, à l’identité palestinienne, à sa mémoire et fait comprendre aux Palestiniens qui s’accrochent à leur territoire en miettes, qu’il n’y a pas de place pour eux en Palestine. Les soldats israéliens se moquent de cette longue file silencieuse de Palestiniens qui grelottent, qui attendent sous la pluie, de passer de l’autre côté du check point. Ils ont été programmés pour se conduire comme des tortionnaires. Rien ne les pliera. Même pas les implorations d’une femme malade, enceinte jusqu’à la gorge, dans la nécessité impérieuse, d’aller à l’hôpital. Vous intervenez pour tenter de les adoucir… Ils prennent votre supplication comme une provocation. Trois soldats enragés arrivent sur le côté ; ils sortent ostensiblement une grenade qu’ils s’apprêtent à dégoupiller. Vous leur dites, non pas cela ; vous reculez tétanisé par la peur, puis vous rentrez en vous-mêmes, écrasé d’impuissance. Voilà ce que c’est un check point: un exemple frappant parmi d’autres, du système d’apartheid israélien. Dans cet espèce de couloir à bestiaux hérissé de miradors, rien ne ressemble à ce que chacun est en droit d’attendre d’un pays dit civilisé. Ce sont toujours eux, qui, sans mandat, sans façon, sans qu’aucune juridiction ne les y autorise, décident s’ils vont les laisser passer, les renvoyer ou les jeter en prison ceux qu’ils ont regroupés là dans un coin. Ce sont des vieux paysans qui veulent aller labourer leur champ, des enfants qui doivent aller à l’école. Ils ne demandent pas la lune. Le plus surprenant c’est qu’ils se laissent bousculer sans se rebeller, alors qu’on touche à leur identité, à leur intégrité, à leur dignité. Vous les regardez avec amour. Ils vous regardent d’un œil vide qui vous remue en profondeur. Vous êtes parqué de l’autre côté du couloir à bestiaux parce que non Palestinien. Mais que l’on vienne des Etats-Unis, de Belgique ou de Suisse pour aller les protéger, cela ne vous ouvre pas non plus les portes de la prison où les Palestiniens sont enfermés. C’est insensé. Ils sont chez eux. Vous venez chez eux, sur leur sol, mais parce qu’ils sont Palestiniens ils n’ont rien à dire, ils ne peuvent pas vous accueillir. Déjà ils n’ont pas plus de droits.

Rendre à César…

Violents les Arabes ? Les Israéliens ont longtemps cherché à faire croire qu’ils étaient encerclé par des Arabes mauvais qui voulaient les jeter à la mer. Quelle duperie. Il suffit d’aller sur le terrain pour comprendre que c’est tout le contraire qui se passe ; que ce sont eux, les Israéliens, fort d’une armée écrasante qui jettent régulièrement les Palestiniens hors de chez eux, violent les vies, détruisent les maisons, brûlent les récoltes, tuent les enfants, déportent les villageois, torturent, etc. Ce que l’on découvre dépasse l’imaginable. Une fois sur le terrain, on se dit que, si les Israéliens ont jusqu’ici gagné la guerre de la communication et ont réussi à déshumaniser les Palestiniens jusqu’à les faire disparaître de notre humaine perception, ils ont définitivement perdu la bataille morale.

Mustafa Barghouthi a lancé le 17 juin 2002, avec l’appui de Edward Saïd, Haidar Abdul Shafi, Ibrahim Dakkar, une initiative d’urgence nationale qui avait pour objectif d’œuvrer pour la défense des droits nationaux des Palestiniens bafoués et l’obtention d’une paix juste et durable. Tout était en panne, Arafat en quarantaine, le peuple laissé sans aucune perspective d’avenir. Cette initiative s’inscrivait dans la foulée des réformes de structures institutionnelles, politiques et administratives programmées et les élections démocratiques qui devaient se tenir à tous les niveaux du système politique. Or, six mois plus tard, les Palestiniens n’ont rien vu venir, comme d’habitude. Même ils ont régressé de façon inquiétante. Et Barghouthi de déchanter amer: «Nous sommes revenu au point mort. Réduits, comme lors de la première Intifada, à devoir résister avec nos poitrines nues contre une armée dont les moyens destructifs sont sans limite». C’est pourquoi depuis plusieurs mois Barghouthi a pris son bâton de pèlerin pour aller alerter l’opinion mondiale sur la gravité des opérations militaires d’Israël contre son peuple et aussi attirer l’attention sur la gravité de la catastrophe humanitaire après les mois de punitions collectives illégales. Il a tenu par la même occasion à dire merci à ces internationaux qui se sont montrés capables d’exprimer une nouvelle réalité: la capacité d’hommes et de femmes, tout âge, tendances politiques et nationalités confondues, à s’affirmer comme des témoins embarrassants, qui ne cèdent pas à la peur et qui n’abdiquent pas leur devoir moral de dénonciation, pour signifier aux tortionnaires israéliens avec détermination, avec courage, qu’il devront répondre, demain, de leurs crimes de guerre, que nul ne peut s’en prendre impunément à des civils, à des faibles…

Aussi longtemps que les militaires et les colons juifs ne sont pas contraints à se retirer au delà de la ligne verte, les Palestiniens vivront l’enfer…

Violents par nature les Palestiniens ? Il y a en en réalité un oppresseur, Israël. C’est le combat de David contre Goliath. Il faut le crier haut et fort: il n’y a jamais eu en Palestine de “ terroriste ” que les Forces de sécurité israéliennes et des colons fanatisés. Israël, n’ a jamais reconnu aux Palestiniens, le droit à l’existence en Palestine, le droit d’avoir un Etat souverain. Tandis que les Palestiniens ont reconnu dès 1993 l’existence de l’Etat d’Israël.

Les Palestiniens sont des êtres fondamentalement paisibles, ouverts à l’amitié, qui se battent pour recouvrer leur liberté et non pas contre une ethnie. Le désir de paix, de dialogue, est, chez eux, très prononcé. Toute l’histoire de leur lutte depuis 1948 pour obtenir la liberté de vivre et de circuler sans entraves sur leur terre est marquée par des actions de résistance pacifique systématiquement réprimées dans le sang par les autorités israéliennes. Ceci pour dire que la violence, le désespoir, la mort, sont des penchants qui sont étrangers à leur culture, mais que les comportements agressifs israéliens ont largement induits. Les Palestiniens sont à dire vrai, des êtres attachants qui aiment beaucoup la vie. Mais voilà, quand par périodes, dans un sursaut de dignité ils se soulèvent pour venger leurs morts, tout le monde oublie que cela fait 50 ans que dure leur calvaire. A leur place nous aurions fait sûrement pire. Ce n’est qu’après 1967, que des groupes armés palestiniens se sont constitués pour mener des actions militaires ponctuelles contre l’occupant. Quant au peuple palestinien en son entier, il n’a jamais cessé de s’engager dans la résistance non violente contre l’occupation israélienne violente. L’exemple le plus connu est celui de la première Intifada qui a duré de 1987 à 1992. Là encore Israël, si prompt à anéantir toute chance de dialogue, a riposté avec la dernière brutalité, en envoyant comme à la guerre des bataillons de réservistes escortés de colonnes de tanks, pour se débarrasser des enfants qui échappaient à la garde de leurs parents. Des balles réelles contre les pierres inoffensives d’enfants qui voulaient venger leurs jeunes camardes tués. C’est ainsi, que toute une génération d’enfants, qui a grandi dans la violence de l’occupation militaire, a qui on avait volé l’enfance, le droit à aller à l’école, le droit à avoir un développement normal, une fois parvenu a l’adolescence, a basculé dans la violence, la dépression, puis s’est lancée dans la lutte à mort dès 1997, après une trêve unilatérale de cinq ans. De plus en plus de jeunes Palestiniens, terriblement déçus par la poursuite de la colonisation (en violation des accords d’Oslo) ont recommencé à jeter des pierres.

Cela mérite d’être souligné: renvoyer dos à dos l’occupant et l’occupé, sous prétexte qu’il y a des excès et des violations du droit humanitaire des deux côtés, crée une nouvelle injustice contre les victimes de l’occupation, car cette fausse symétrie tend à occulter les souffrances imposées au peuple palestinien qui est, lui, placé dans une situation d’inégalité. Les Palestiniens se battent légitimement pour se libérer d’une occupation illégale, contre le terrorisme de l’Etat d’Israël. Il faut reconnaître leur droit à lutter contre l’oppresseur. Et ne pas perdre de vue que les violences commises par un Etat sont infiniment plus graves que celle commises par des groupes non étatiques. Ceci pour désigner les vrais terroristes…

Please come… we need your help.

Les Palestiniens, sont des êtres étonnamment patients, des doux rêveurs à dire vrai. Ils ne rêvent que de pouvoir échapper à l’occupation. Rêves, désirs, que la poursuite de la colonisation a définitivement brisés. Aucun peuple n’aurait jamais accepté de croupir durant 50 ans en exil après s’être fait chasser hors de chez lui. Israël dispose d’un Etat sur 78 % de la Palestine. Les Palestiniens se sont contenté du 22 % restant. Qu’ont-ils reçu en échange de leurs concessions ? Les colonies juives illégales continuent de se propager. Effacée l’ardoise des longues années de négociations de paix auxquelles, de Madrid à Oslo, ils avaient accroché tant d’espoirs. Le réveil était rude. L’arrivée de Sharon aux commandes de l’état d’Israël, moins de vingt ans après les massacres de Sabra et Chatila, fut brutale. Dans ce contexte déprimant, la venue en Palestine d’internationaux est ressentie par les Palestiniens comme un cadeau du ciel. Savoir que des êtres sincères et désintéressés peuvent témoigner de leur souffrance, des crimes commis par l’armée israélienne, les aide à résister, à tenir. Et pour les internationaux, la découverte d’un peuple généreux dans l’accueil, magnifique dans la détresse, digne dans son malheur, est une expérience humaine, certes infiniment dure, mais aussi très émouvante. Riches de ce vécu fait de peur et de difficulté partagées - qui peut donner une nouvelle orientation, un sens nouveau à leur vie, ils peuvent, une fois rentrés chez eux, témoigner des injustices qu’ils ont vues et ajouter humblement un nouveau maillon à la chaîne de solidarité jamais rompue, par la grâce d’autres camarades qui, comme vous demain, vont reprendre le flambeau…

(1) Président de l’UMPCR, Directeur du HDIP
(2) Directrice du Palestinian Affairs Desk / Miftah

Silvia Cattori.Journaliste,silviaverbier@smile.ch

 



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