Palestine La vraie politique de l'Etat israélien Entretien avec Tikva Honig-Parnass* * Tikva Honig-Parnass est rédactrice de la revueBetween the Lines, Jérusalem. Entretien réalisé à la mi-avril 2002. Quel est l'objectif véritable de l'attaque en cours contre les Palestiniens? L'offensive militaire brutale que mène actuellement l'armée israélienne contre les Palestiniens (intitulée dans la novlangue orwellienne typique d'Israël «Opération muraille défensive») signale l'ouverture d'une nouvelle étape du long processus qui vise à détruire le mouvement national palestinien qu'incarnent les combattants de l'Intifada et, comme l'a déclaré Haidar Abdel Shafi au journaliste Yossi Algazi du quotidien Haaretzle 2 avril «à liquider l'existence du peuple palestinien sur la terre de Palestine». Cet objectif stratégique de l'Etat juif sioniste est en accord avec les intérêts impérialistes des Etats-Unis qui veulent éliminer au Moyen-Orient (comme d'ailleurs dans le tiers-monde en général) tout mouvement politique ou régime nationaliste indépendant qui ne peut être par définition qu'un obstacle à la globalisation capitaliste dans la région. Les accords d'Oslo qu'avait négociés et mis en uvre le gouvernement dirigé par le Parti travailliste israélien, qui est le parti de la classe capitaliste israélienne, étaient aussi déjà une tentative de réaliser ces objectifs communs d'Israël et des Etats-Unis. L'opération militaire israélienne qui a débuté il y a deux semaines signale la fin du processus d'Oslo. En effet ce processus reposait sur le postulat central que dans le bantoustan palestinien l'Autorité nationale palestinienne dirigée par Arafat assumerait la fonction de réprimer toute opposition ce qui aurait de facto aboli le mouvement national palestinien et réalisé la «kurdisation de la question palestinienne» comme l'a dénommé Azmi Bishara. Or ce postulat s'est révélé tout à fait erroné. L'Intifada a éclaté justement parce que les Palestiniens ont refusé de jouer le rôle qu'Oslo leur attribuait et d'accepter les propositions humiliantes que Clinton et Barak leur ont faites à Camp David et à Taba. L'Intifada indique le réveil des forces nationales populaires qui avaient semblé endormies durant les 7 années depuis Oslo. Dans l'intervalle l'entièreté des territoires occupés de 1967 a été couverte de colonies et de routes de contournement qui étaient la condition pour la concrétisation du futur Etat bantoustan morcelé. L'Intifada marque la rupture de la part des Palestiniens avec le carcan d'Oslo et un effort pour imposer des exigences alternatives à ces «négociations de paix» qui se sont révélées n'être qu'une couverture de la continuation de l'occupation israélienne. L'Intifada est dirigée par toutes les organisations politiques palestiniennes, y compris le Fatah et soutenue par presque toute la population palestinienne. Le peuple entier, avec ses leaders populaires qui ont grandi dans les Territoires et y ont combattu l'occupation, est revenu à la résistance. Cela implique en même temps de leur part une attitude critique à l'égard de la direction revenue de Tunis, bourgeoise et bureaucratique, et à l'égard du régime autoritaire qui s'est construit sous son règne. C'est cette lutte de libération que le gouvernement de Sharon est déterminé à briser au moyen de l'actuelle offensive. Le but proclamé de «démanteler l'infrastructure terroriste» n'a rien à voir avec ce que l'offensive militaire vise vraiment: démolir systématiquement et de manière préméditée l'infrastructure minimale d'une vie quotidienne comme les ministères et institutions de l'Autorité palestinienne, les routes, les hôpitaux, les écoles et les réseaux d'eau et d'électricité et jusqu'aux maisons de la population civile. C'est une guerre totale qu'Israël a déclarée aux Palestiniens en tant que société civile et entité nationale en même temps que la décision était prise d'en finir avec Arafat qui en est venu à symboliser le mouvement national aujourd'hui attaqué et qui représente l'Autorité nationale palestinienne créée par les accords d'Oslo. Sharon a refusé d'obéir à l'exigence du président Bush d'arrêter immédiatement l'opération et de se retirer sur les positions que les troupes israéliennes occupaient avant le début de l'offensive «Opération muraille défensive». Il semble que même la mission de cessez-le-feu du secrétaire d'Etat Colin Powell est condamnée à échouer et qu'il va laisser Sharon «terminer l'opération jusqu'à ce que " l'infrastructure du terrorisme soit démantelée"». Cela veut dire qu'à l'intérieur des paramètres que lui fixent les Etats-Unis, Israël dispose d'une relative carte blanche pour choisir le moment et les méthodes pour mettre en application les buts stratégiques communs aux deux Etats. Dans cette nouvelle ère post-Oslo, Israël revient à une version de domination coloniale directe. Cette fois par contre Israël de manière rusée essaie de «seulement assumer à nouveau la responsabilité de la sécurité dans la zone A» (puisque les zones B et C qui représentent 82% de la Cisjordanie n'ont jamais cessé d'être sous cette responsabilité des forces israéliennes) en laissant ainsi les Palestiniens se débrouiller pour administrer leurs besoins quotidiens dans les limites des conditions d'étranglement que Israël leur impose (selon le commentateur qui fait autorité, Akiva Eldar du quotidien Haaretz, dans l'édition du 11 avril). Comme Sharon le déclare, cette situation continuera jusqu'à ce que «une direction palestinienne de rechange, responsable, elle, ait été trouvée», une sorte de direction qui ne peut apparemment surgir qu'après que le mouvement national palestinien eut été aboli. L'entrée au gouvernement Sharon du parti religieux national, ce parti d'extrême droite qui est maintenant dirigé par le fanatique général messianique Efi Eitam qui plaide en faveur du "transfert" de toute la population palestinienne, et de David Levi du parti "Gesher" et prochainement le retour au gouvernement de l'extrémiste d'extrême droite Avigdor Liberman, visent à assurer au gouvernement une majorité parlementaire pour un plan de reconquête des Territoires avec ou sans le parti travailliste. L'objectif du gouvernement israélien est-il vraiment, comme il le prétend, de capturer ou de tuer lesdits terroristes palestiniens? Il faut faire attention de pas faire le jeu des Israéliens en présentant l'attaque brutale contre la population civile et l'infrastructure civile comme si elle ne visait qu'à capturer lesdits "terroristes" que l'armée peut identifier car elle a leurs noms sur une liste. Comme les Israéliens le disent eux-mêmes, c'est «l'infrastructure du terrorisme» qu'ils visent, ce qui est une notion très vague et qui englobe des leaders politiques autant que des commandants militaires, comme Marwan Barghouti que les Israéliens viennent d'arrêter et Ahmed Sa'adat, le secrétaire général du Front palestinien pour la libération de la Palestine (FPLP) qui est réfugié dans le bâtiment où est assiégé Arafat. C'est ainsi que les médias israéliens, quand ils annoncent que tant de Palestiniens ont été tués (ce qu'ils font peu souvent), prennent soin de préciser qu'ils étaient "armés" comme si la participation des civils à la défense de leur camp ou de leur quartier justifiait qu'on les décrive comme des "terroristes". Bien sûr, un des objectifs de cette attaque militaire a été de capturer ces personnalités palestiniennes. Selon les responsables israéliens, sur les centaines qui ont été tués et les quatre mille qui ont été arrêtés durant les deux premières semaines de l'invasion (dont mille ont été depuis lors relâchés), ils comptent 300 activistes qu'ils recherchaient. Néanmoins le succès de l'arrestation de ces militants et la destruction de quelques "laboratoires" où des armes étaient fabriquées ne peuvent pas arrêter la résistance, ni même ses opérations militaires ni les attentats suicides, comme l'ont démontré les attentats suicides de Haïfa et de Jérusalem et les attaques militaires contre des colons et des soldats qui ont eu lieu tandis que se déroulait l'opération militaire israélienne. Les généraux israéliens estiment que "l'infrastructure du terrorisme" peut être reconstruite en quatre mois. Ainsi, comme le font remarquer les commentateurs israéliens, dans très peu de temps l'armée entrera forcément à nouveau dans les villes palestiniennes (dont elle ne s'est pas encore retirée à l'heure où j'écris ces lignes) et dans toute la zone A et déploiera une offensive militaire encore plus dure que l'actuelle. Cela pourrait alors donner l'occasion à Sharon de finalement frapper son "grand coup" qui allumera l'incendie au Nord également et fournirait à Israël le prétexte et l'occasion d'une grande conflagration pour tenter d'en finir une fois pour toutes avec le "problème" palestinien. Il faut supposer que le but à long terme du gouvernement israélien est d'intensifier la pression sur la majorité de la population palestinienne afin de l'amener à "quitter le pays". Est-ce cela que le gouvernement Sharon essaie de faire: Mettre en pratique la politique du transfert sans l'appeler par son nom ? Tous les gouvernements israéliens tant du Likoud que travaillistes ont cherché à rendre la vie des Palestiniens insupportable dans le but de les obliger soit à se soumettre soit à quitter le pays. Néanmoins le plan de Sharon qui prévoit d'expulser massivement les Palestiniens en profitant de "circonstances orageuses" créées par le futur "grand coup" prémédité n'a jamais été déclaré publiquement. Jusqu'à il y a deux ans environ l'appel explicite à un "transfert" était considéré comme une idée "barbare" des seuls cercles messianiques de l'extrême droite. Ce n'est plus aujourd'hui le cas. Le gouvernement d'Union nationale Sharon-Peres inclut le parti Moledet qui appelle au transfert et dont le leader Rehavam Zeevi, dit Gandhi, a été assassiné récemment par des militants de l'aile militaire du FPLP. Depuis lors c'est le général en retraite Efi Etam qui est entré au gouvernement et au cabinet de sécurité. L'entrée de ce partisan du transfert des Palestiniens n'a pas été considérée par le parti travailliste comme une raison suffisante de quitter ce gouvernement dominé par l'extrême droite. Entretemps, le transfert des Palestiniens est devenu un sujet de discussion légitime dans les médias israéliens et au sein de divers cercles académiques et instituts de recherche. Les plans discutés n'envisagent pas seulement l'expulsion des Palestiniens des Territoires occupés mais aussi de ceux qui sont citoyens d'Israël. L'identité nationale et la solidarité de ceux-ci avec ceux des Territoires se sont accentuées récemment rapidement. Leurs revendications politiques en tant que minorité palestinienne au sein de l'Etat juif sioniste ont connu une transformation totale. A l'initiative du mouvement de l'Alliance nationale démocratique (Tajamu), ils ne se contentent plus d'exiger l'égalité des droits civils mais revendiquent désormais la reconnaissance de leurs droits collectifs en tant que minorité nationale palestinienne. Cette revendication constitue un vrai défi à la définition d'Israël comme un "Etat juif» que presque toute la population juive d'Israël perçoit comme l'essence même du sionisme et à laquelle adhèrent totalement ceux qu'on appelle la "gauche israélienne". En outre, la définition d'un Etat juif qui prévaut est la notion d'une majorité numérique des juifs considérée comme la condition nécessaire d'une "identité juive" d'Israël dont la remise en question mettrait en danger celle de tout le peuple juif. Une telle interprétation amène fatalement ceux qui la partagent à soutenir des politiques censées combattre le "danger démographique" d'une majorité palestinienne, même quand ils sont des gens de gauche qui croient sincèrement dans une solution de deux Etats. Par conséquent même eux approuvent divers moyens d'oppression visant à encourager les Palestiniens à partir, y compris une épuration ethnique jugée "inévitable", comme le montrent les récents articles de pacifistes israéliens aussi prestigieux que le romancier Amos Oz et l'historien Benny Morris. Quels sont les alliés potentiels pour une véritable alternative à long terme ? Existe-t-il des mouvements politiques ou des organisations qui pourraient être gagnés à une telle perspective ? Aujourd'hui il n'existe aucune force politique parmi la population juive d'Israël qui puisse mener la lutte contre le projet colonialiste d'Israël et des Etats-Unis. Tous les partis politiques juifs représentent les intérêts de la classe capitaliste ashkénaze et l'hégémonie de la bourgeoisie ashkénaze n'a encore jamais été sérieusement contestée. Non seulement il n'y a aucune différence entre la droite et la "gauche" pour ce qui est de l'idéologie néo-libérale mais c'est précisément le parti travailliste qui a négocié les accords d'Oslo et qui est en Israël le foyer politique du néo-libéralisme. L'idéologie sioniste qui place l'Etat juif au centre est en Israël l'idéologie dominante et s'est révélée un instrument efficace pour unir la population juive, y compris la classe ouvrière, derrière le projet colonialiste sioniste. La classe ouvrière israélienne est divisée selon des clivages nationaux et ethniques. Les juifs dits mizrahim, c'est-à-dire d'origine arabe (marocaine, yéménite, irakienne, etc.) qui constituent avec les citoyens arabes d'Israël les couches inférieures du prolétariat, sont dépourvus de toute organisation indépendante qui puisse exprimer leur oppression économique, sociale et culturelle. Ils étaient contrôlés par le passé par le parti travailliste et le sont aujourd'hui par la droite à l'aide de cette fausse direction du parti Shas soi-disant "misrahi". Il n'y a même pas en Israël de syndicats, ni pour les travailleurs juifs ni pour les travailleurs arabes, qui puissent se battre pour des droits minimaux en tant que travailleurs. La Histadrout qui était puissante par le passé et avait traditionnellement servi les besoins du sionisme en collaboration avec le capital juif ne défend plus que les intérêts des "grands comités" c'est-à-dire l'élite ashkénaze de la classe ouvrière organisée. Ce qu'on appelle, à tort, la "gauche" en Israël c'est uniquement cette partie de la population juive qui est partisane d'une solution politique au "conflit entre Israël et les Palestiniens" et qui est prête à faire pour cela les "concessions" de "se retirer sur les frontières de 1967" et d'accepter la création d'un "Etat palestinien" tout en ayant diverses opinions quant au sort des colonies et quant au degré de contrôle qu'Israël aurait sur l'entité palestinienne. La plupart d'entr'eux ont accepté de tout leur cúur les accords d'Oslo en fermant les yeux sur le fait que ce qu'ils offraient aux Palestiniens n'était guère qu'un bantoustan. Même l'aile dite "radicale" minoritaire au sein du mouvement israélien de la paix n'a procédé à aucune réflexion autocritique sur l'essence même des accords d'Oslo. Une minorité se contente d'aller jusqu'à penser que l'échec d'Oslo est dû à la violation par Israël de la lettre des accords et de l'esprit des "rapprochements" sur lequel ils étaient fondés. Le camp de la paix est constitué principalement par une classe moyenne ashkénaze qui tout en luttant pour la "fin de l'occupation" et l'établissement d'un Etat palestinien (en attribuant à ces slogans diverses interprétations) ne contextualise ni ne situe généralement pas cela dans une perspective anti-impérialiste d'ensemble, ni dans une compréhension et une remise en cause du statut d'Israël comme protégé des Etats-Unis dans la région ni du soutien actif des Etats-Unis à l'occupation même. Encore moins ces "gauchistes" s'opposent-ils à la globalisation capitaliste ou aux politiques néo-libérales dans l'économie israélienne. L'analyse antisioniste d'un point de vue socialiste s'est concentrée pendant trop longtemps pour l'essentiel sur les slogans habituels et les valeurs proclamées au sein du camp de la paix, sur l'image qu'il a de lui-même. Comme si cela suffisait pour expliquer ses positions politiques et pour en tirer des conclusions quant aux alliés potentiels que peuvent trouver les antisionistes socialistes dans leur lutte pour les droits nationaux des Palestiniens. Nous aussi nous avons trop souvent oublié de tenir compte dans notre analyse d'une interprétation marxiste basique du lien entre leur appartenance à la classe bourgeoise ashkénaze hégémonique et leur intérêt à maintenir cette hégémonie grâce à "l'Etat juif" et au bantoustan palestinien par lesquels ils gouverneraient l'entière Palestine historique. Leur origine de classe aussi bien que leur idéologie sioniste les rend incapables de diriger dans ce pays une lutte démocratique qui est la précondition pour une concrétisation des droits nationaux palestiniens. Quand on cesse de ne voir que leur conscience et leurs motifs déclarés, on s'aperçoit alors que la seule explication de leur comportement politique, c'est leur origine européenne et leur appartenance de classe qui fait d'eux les bénéficiaires des diverses versions de bantoustans proposées jusqu'à aujourd'hui et qui détermine quels alliés ils se cherchent chez les Palestiniens. Ainsi il est frappant que même les secteurs les plus radicaux du mouvement israélien de la paix se sont toujours engagés en faveur de la direction bureaucratique de l'Autorité palestinienne dont la plus grande partie a été ramenée de Tunis par Arafat et a perdu la confiance des couches populaires qui vivent dans les camps de réfugiés et dans les villages, les étudiants et les travailleurs qui forment la colonne vertébrale de la résistance. Cela a été toujours ainsi jusqu'à la présente offensive militaire qui va probablement modifier les rapports de forces au sein de la direction palestinienne. L'aile radicale du mouvement israélien de la paix a toujours préféré négliger le surgissement de leaders locaux qui représentent le renouvellement de l'esprit du mouvement national palestinien mais qui promettent une transformation sociale et politique du régime autocratique et corrompu que l'Autorité palestinienne a mis en place. Quels sont les nouveaux aspects de la mobilisation des Palestiniens qui sont citoyens israéliens ?
Les Palestiniens qui sont citoyens d'Israël sont opprimés tant d'un point de vue national que d'un point de vue de classe et aucune part des "dividendes de la paix" n'est prévue pour eux dans ce "Nouveau Proche Orient" à l'ère de la globalisation capitaliste. Ils ont surgi comme la seule véritable force démocratique sur la scène politique israélienne qui défie sérieusement l'Etat juif sioniste. Inspirés par le parti de l'assemblée nationale démocratique que dirige le député à la Knesset Azmi Bishara, ils ont fait un pas en avant en passant de leur revendication traditionnelle de "l'égalité des droits de citoyens" à la revendication de "droits collectifs comme minorité nationale". Cette revendication remet en cause les fondements même de l'Etat juif. L'ancien premier ministre Ehud Barak l'a souligné lui-même lors des débats agités qui ont suivi la mort de 13 citoyens arabes israéliens tués par la police lors de manifestations en octobre 2000: «En tant qu'Etat juif nous pouvons être d'accord avec l'égalité pour les Arabes des droits individuels qui ne nuisent pas à l'Etat sioniste démocratique. Mais l'Etat juif ne peut pas accepter l'aspiration à la définition d'une autre identité collective nationale en son sein avec la perspective à long terme d'un "Etat de tous les citoyens" comme le veulent les extrémistes.» Le renforcement de l'identité au sein d'Israël des Palestiniens dits de 1948 et leur solidarité croissante avec la résistance de leurs frères dans les territoires occupés en 1967 pourraient croître jusqu'à devenir une menace pour l'Etat juif qui se conçoit comme l'incarnation du mouvement sioniste. Depuis des décennies, la question de la Palestine a été définie, entre autres par la "gauche" israélienne, comme si elle concernait uniquement les territoires occupés en 1967 et en disant alors qu'elle peut être résolue par la solution des deux Etats. On a considéré à tort comme acquises la marginalisation et l'atomisation des citoyens palestiniens d'Israël. Les 18 mois qui se sont écoulés depuis le début de la nouvelle Intifada ont prouvé le contraire. Ainsi se trouve démenti également un postulat de base de la décision de partition de la Palestine historique par les Nations Unies en 1947, à savoir qu'il serait facile de détruire le mouvement palestinien en tant que mouvement de l'ensemble de la population palestinienne dans les frontières de la Palestine historique. Aujourd'hui, plus de 50 ans après la fondation de l'Etat d'Israël, nous voyons le sionisme et l'impérialisme s'inquiéter qu'un possible soulèvement incontrôlé du peuple palestinien unifiant la partie qui vit en Israël et celle qui vit dans les Territoires occupés en 1967 pourrait enflammer les masses opprimées des pays arabes et de tout le Proche-Orient. La prise de conscience de ce risque est la raison de la guerre que l'establishment israélien a déclaré récemment aux citoyens palestiniens d'Israël et à leur direction en les qualifiant de véritable "bombe à retardement". Sans aucun doute c'est un second front que les Palestiniens ont ouvert à l'intérieur même d'Israël contre l'implantation d'un régime d'apartheid sur tout le territoire de la Palestine historique. Inspiré par le mouvement Tajamu que j'évoquais plus haut, ce second front pourrait se révéler tout aussi important que la lutte des Palestiniens dans les Territoires occupés en 1967. C'est pourquoi je suis arrivée à la conclusion que les internationalistes et les antisionistes au sein de la population juive d'Israël devraient soutenir ces courants véritablement nationalistes qui sont croissants au sein des citoyens palestiniens d'Israël. Certes ces courants n'ont ni une politique de classe ni un programme socialiste pour l'avenir de la Palestine. Mais leur nationalisme devrait être évalué en fonction du seul critère que des vrais internationalistes devraient appliquer pour décider si un mouvement national, quel qu'il soit, est progressif, à savoir s'il représente un défi à l'impérialisme qui en Israël/Palestine équivaut au projet sioniste. Comme Aijaz Ahmed le souligne dans son livre "Lineages of the Present" (page 300): «J'ai longtemps été très méfiant à l'égard du nationalisme parce que beaucoup de nationalistes m'ont toujours paru pour le moins chauvins sinon carrément fascistes. Mais le mépris indiscriminé à l'égard de tout nationalisme tend à escamoter la question de l'impérialisme. Je pense que ceux qui luttent contre l'impérialisme ne peuvent pas simplement renoncer à leur nationalisme...» Les luttes quotidiennes menées par les Palestiniens en Israël contre la nature de l'Etat juif-sioniste comme la lutte de libération des Palestiniens des Territoires occupés en 1967 sont en même temps une lutte contre l'impérialisme des Etats-Unis dans la région. C'est pourquoi je considère que rejoindre leur lutte et accepter leur rôle dirigeant dans la définition du programme des cercles juifs radicaux au sein même d'Israël est la tâche démocratique la plus progressiste qui s'impose aux internationalistes. Haut de page
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