Argentine

Un trimestre de rébellion (22 mars 2002)

En Argentine, les «événements» se précipitent, selon la formule du présentateur d'un journal télévisé du 21 mars. En réalité, face à une crise économique et socio-politique de cette ampleur, l'accélération événementielle constitue la règle.
Une comparaison peut permettre de saisir l'affaissement de l'économie. Selon divers analystes parmi les plus optimistes, la chute du Produit intérieur brut serait de 8 % en 2002. Or, lorsque l'on examine des pays de la périphérie frappés par un marasme analogue, la chute du PIB, au cours des douze mois qui suivirent le déclenchement de la faillite, a été évaluée ainsi: 6,2 % au Mexique (1995), 4,6 % en Russie (98), 7,3 % en Equateur (99). Certes, la précaution doit être de mise concernant l'exactitude de ces données. Cependant, ce rapprochement statistique fournit la mesure de l'effondrement argentin. Ce dernier peut s'appréhender sous un autre angle: la chute du revenu. Ainsi, mesuré en dollars, le salaire d'un employé du secteur public de Buenos Aires a passé de décembre 2001 à mars 2002 de 1144,21 dollars à 457,7 ; l'allocation d'un retraité de 437.14 dollars à 174,9.
Dans ce contexte, s'affirment tous les jours les exigences appuyées des chômeurs, retraité·e·s, salarié·e·s ; les mobilisations multiples pour la survie qui se mélangent avec des actions revendicatives ; la mise en question radicale des responsables politiques et économiques de cette situation ; le réveil de secteurs sociaux qui avaient pensé pouvoir échapper au «malheur économique» (les épargnants auprès de la BankBoston, par exemple) ; la polarisation entre «riches» et «pauvres». Tout cela dessine le panorama quotidien, dicte le contenu de la presse et de la télévision.
Ainsi, le 21 mars au soir, une des émissions- phares est consacrée à l'armement des riches quartiers protégés, les countries. En dix ans, quelque 500 000 habitants se sont regroupés ainsi aux portes de Buenos Aires. Voilà l'expression urbanistique de la sécession des riches et de leurs craintes, plus ou moins fantasmées, d'être attaqués par un «peuple affamé».

Assemblée centrale

Le 17 mars s'est tenue l'Assemblée des assemblées populaires dans le Parque Nacional. C'était la première réunion de ce type. Selon le quotidien Pagina 12 1, «l'assemblée fut massive», entre 3000 et 4500 personnes venant du Grand Buenos Aires et de certaines provinces. Cette assemblée nationale a adopté une résolution, qui sera discutée localement. Ses points principaux étaient: refus de payer la dette extérieure ; nationalisation de la banque ; ré-étatisation des entreprises privatisées et du système de fonds de pension par capitalisation (l'AFJP, qui n'est plus capable d'assurer le versement des retraites de quelque 9 millions de cotisants, étant donné les pertes enregistrées dans son portefeuille, et entre autres celles provoquées par la chute des titres obligataires liés à la dette publique !).
A cela s'ajoutent deux initiatives: cacerolazo du 24 mars («anniversaire» du coup d'Etat de 1976) et appui à l'Assemblée à Merlo, un quartier du Grand Buenos Aires où les hommes de main du péronisme ont attaqué l'assemblée le 22 février.
Deux interrogations surgissent à l'occasion d'une telle réunion. En premier lieu, les modalités d'intervention des organisations politiques de la gauche radicale, très militantes, mais qui tendent, parfois, à ne pas respecter l'autonomie de ces structures auto-convoquées. Ainsi, elles freinent leur croissance quantitative et politique. En second lieu, les initiatives de centralisation du mouvement des Assemblées (ou des piqueteros) exigent un effort gigantesque étant donné la dimension du pays et peuvent apparaître comme ne correspondant pas aux exigences d'initiatives locales qui ne cessent, elles, de s'amplifier.

Le patron: Bush

Enfin, les ordres lancés par Bush avant la réunion des chefs d'Etat à Monterrey (Mexique), le 22 mars, mettent le gouvernement Duhalde sous tension. George W. Bush, le secrétaire d'Etat au trésor (Paul O'Neil), Condolezza Rice du Conseil de sécurité et Anne Krueger, la N° 2 (formellement) du FMI ont fait passer, simultanément, un message: le Gouvernement argentin doit appliquer un plan drastique d'austérité, c'est une précondition pour une négociation sérieuse. A cela, il doit ajouter sa participation à la guerre en Colombie. La crise continentale se concrétise.

CAU

1 Edition du 18 mars 2002.

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