Argentine


Nous publions cet appel qui reflète bien le processus massif d'auto-organisation qui prend forme en Argentine; une auto-organisation qui affirme son autonomie face aux partis et institutions politiques traditionnels. Il y a là le signe le plus tangible de ce qu'on ne peut qu'appeler un processus révolutionnaire. De cela les médias ne parlent pas. Au maximum, ils centrent leur attention sur les négociations entre Duhalde et le FMI et sur les files d'attente devant les banques des petits épargnants. De plus, toute la couverture médiatique se concentre sur les quartiers centraux de Buenos Aires, capitale fédérale, et ignore le Grand Buenos Aires et la province. - Réd.

Appel à une assemblée nationale des travailleurs (ayant un emploi et sans emploi)

pour le 16 février 2002 à Buenos Aires

Notre pays vit des moments décisifs. A la fin de décembre 2001, nous les travailleurs et les masses populaires, nous nous sommes levés et mobilisés massivement. Nous nous sommes procuré de la nourriture, nous nous sommes affrontés à la répression et nous avons triomphé d'elle aussi bien que de l'état de siège; nous avons abattu deux gouvernements.

Nous l'avons fait pour répondre à l'échec total du capitalisme, de ses partis et des institutions gouvernementales qui ont pillé le patrimoine national, condamnant des millions de travailleuses et de travailleurs à la faim, à la misère, au chômage, et liquidant toutes les conquêtes concernant le droit du travail, les systèmes de santé et d'éducation publique - tout cela ayant été accompli pour le grand bien des dirigeants de la banque impérialiste.

Cette insurrection héroïque s'est développée en se défaisant des entraves mises par les directions traditionnelles du mouvement de masse. Les dirigeants des deux CGT [l'officielle et la dissidente] et de la CTA (à l'exception des journées des 19 et 20 décembre), et y compris certaines directions d'organisations de chômeurs, ont cherché à dévier notre lutte, mais les huées et la force de la mobilisation ont permis de passer par-dessus ces directions.

Le nouveau gouvernement de Duhalde est un ennemi des travailleurs et du peuple. Il est illégitime parce que, face à la revendication populaire qui demandait que «tous s'en aillent», ce gouvernement fut élu par les Chambres législatives [le Sénat et la Chambre basse] corrompues. Duhalde a exproprié la volonté populaire. Aujourd'hui, il préside le pays avec un objectif central: sauver les banques et les entreprises, sauver le capitalisme, et réussir à mettre le pays à nouveau au service des monopoles et des créanciers étrangers.

Pour cette raison, il a réduit drastiquement les salaires; il continue à attaquer la santé et l'éducation, il poursuit le séquestre de l'épargne et continue à effectuer un massacre social des travailleuses et travailleurs, au travers des licenciements, des mises au chômage techniques, de la hausse rapide du taux de chômage et de la destruction de toutes les conquêtes ouvrières. Les deux expressions les plus nettes sont le gel des salaires [face à une inflation rapide] et la précarisation très forte de l'emploi.

Le gouvernement se propose de reconstruire un réseau d'affidés, un réseau clientélaire lié aux partis patronaux qui vont administrer les subsides et les plans gouvernementaux pour les chômeurs. Le gouvernement va créer des «comités de suivi» qui intègrent les autorités municipales, l'Eglise, les trois centrales syndicales, et des organisations de chômeurs comme otages. Il y a là une réédition des conseils d'urgence ou de crise. C'est-à-dire une organisation visant à transformer l'aide sociale en fonds servant aux affaires des capitalistes et servant à régimenter ou à affaiblir les organismes véritables des chômeurs. Un des objectifs est d'utiliser ces plans pour l'emploi [Duhalde a promis la création d'un million d'emplois subsidiés] pour mettre en place une main-d'œuvre à bon marché et pour diminuer le «coût salarial» en faveur des entreprises en crise.

Nous qui signons cet appel, nous n'intégrerons pas les comités de «suivi», «d'urgence» ou de «crise». Nous exigerons, appuyés par la mobilisation, la totalitéde nos revendications et nous appellerons à l'unité indépendante et de classe de toutes les organisations de chômeurs de chaque district.

Le gouvernement a cherché à se protéger à travers la concertation, avec l'aide de la direction de l'Eglise et des Nations unies. Nous caractérisons la «concertation» comme une manœuvre politique pour coopter, régimenter et diviser les organisations de travailleurs en fonction de leur soutien au gouvernement (au régime). Nous appelons à repousser la concertation et à dénoncer le soutien à cette politique donné par les directions des centrales syndicales et des forces politiques (Parti justicialiste, Union civique radicale, Frepaso, ARI, Frenapo).

Nous constatons que, dans tout le pays, la classe ouvrière et les secteurs populaires luttent, ne mollissent pas, s'organisent en assemblées populaires, en assemblées de villages, en coordinations de base, en occupant des fabriques; les grèves se multiplient de tous côtés. Nous devons les unir pour coordonner la lutte contre ce gouvernement et ce régime, et pour une issue qui ne soit pas dictée par le capitalisme mais par les travailleurs et le peuple. Nous appelons à chercher directement, par nous-mêmes,  la solution aux problèmes les plus aigus: la nourriture, le travail, la santé, l'éducation et le maintien des services de base. Pour ce faire, il faut impulser les assemblées populaires dans les quartiers, les régions, les provinces, et au niveau national. Et toutes les luttes doivent se regrouper, en fonction d'une  alternative propre avancée par les travailleuses et les travailleurs.

Nous prenons comme point de départ les différents programmes que la lutte et les divers organismes ont déjà mis en avant et les revendications qui se sont imposées dans la situation présente. Nous revendiquons:

- la liberté des camarades emprisonnés et contre lesquels une enquête pénale est ouverte;

- le jugement et le châtiment des auteurs intellectuels et matériels des assassinats commis lors des journées des 19 et 20 décembre [plus de 40 personnes ont été tuées];

- le non-paiement de la dette extérieure;

- la nationalisation de la banque et des entreprises essentielles;

- l'étatisation des AFJP [administration des retraites et pensions, qui est une entité autonome];

- l'interdiction des licenciements et des mises au chômage techniques;

- l'étatisation et la remise en marche sous contrôle ouvrier de toutes les entreprises qui ferment ou licencient;

- l'accès immédiat aux dépôts des petits épargnants;

- la suppression de la baisse de 13% qui a été appliquée aux retraités et aux employés publics;

- le refus d'emplois à bon marché dans le cadre des plans d'emplois;

- le salaire minimum et un subside pour les chômeurs en rapport avec le coût d'un budget familial de base, et cela indexé au coût de la vie;

- et, avant tout, nous luttons pour un emploi réel et permanent en avançant ces exigences en direction des grandes entreprises et en revendiquant une répartition des heures de travail qui n'affecte pas le salaire;

- des projets de travaux publics pris en charge par l'Etat et sous contrôle des organisations populaires.

Pour soutenir ces revendications et cette perspective, l'assemblée du 16 se propose de lancer un plan de lutte national.

Nous appelons à ce que s'y intègrent toutes les organisations sociales, de chômeurs, les syndicats, les commissions d'entreprise, les diverses coordinations, les délégués syndicaux, les regroupements ouvriers et en particulier les Assemblées populaires qui existent dans tout le pays. Il faut élire un délégué pour chaque 20 camarades organisés. Nous invitons aussi à ce que le mouvement étudiant en lutte participe à cette assemblée et qu'y adhèrent aussi les organisations politiques qui s'identifient avec cet appel.

Cet appel est signé par plus de 70 organismes à l'échelle locale, provinciale ou nationale.

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