Irak-Etats-Unis G8 La parade des pillards Le G7 - qui rassemble les gouvernements des 7 principaux pays impérialistes - a coopté la Russie en 1997: depuis lors on parle de G8. Depuis 1998, les représentants gouvernementaux des classes dominantes osent qualifier ces réunions annuelles de "sommet de huit démocraties". Et cela au moment où les droits démocratiques et sociaux sont remis en cause à une échelle sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Ce club s'occupe prioritairement du contrôle économique et politique du reste de la planète. Dans un but: créer les conditions les plus favorables aux intérêts des oligarchies qui dominent les pays impérialistes. On peut le présenter autrement: étendre à l'ensemble de la planète le terrain de chasse du capital concentré et centralisé des pays impérialistes, parmi lesquels la Suisse détient une place significative (que l'on pense aux firmes pharmaceutiques ou à Nestlé ainsi qu'aux banques et assurances). Cette formule est-elle trop simpliste? Non. Sa validité est confirmée par la résolution 1483 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée le 22 mai 2003: elle concerne l'occupation coloniale de l'Irak sous commandement américain. Or, ce sommet du G8 se tient à l'ombre de la guerre contre l'Irak, des menaces déjà lancées par les Etats-Unis contre l'Iran et de la légitimation internationale du pillage organisé des ressources de l'Irak. Une colonisation légitimée Le 22 mai 2003, le Conseil de sécurité de l'ONU adoptait à 14 voix contre zéro une résolution visant, officiellement, à lever les sanctions économiques prises dès 1991 contre l'Irak. De quoi s'agit-il? Sur le fond, le quotidien économique italien Il Sole-24 Ore résume bien l'enjeu: "Le texte approuvé [par le Conseil de sécurité] ouvre de fait l'Irak aux entreprises étrangères - en particulier les sociétés américaines - qui depuis des années attendaient devant la porte... C'est une victoire pour Bush parce qu'est ratifiée la direction de la reconstruction [de l'Irak] aux mains des Etats-Unis. A son tour est légitimée la guerre qui a permis d'abattre le régime de Saddam Hussein." (23 mai 2003) Pour faire image, cela revient à blanchir un cambrioleur et à lui donner la garde des biens dérobés. Le 26 mai 2003, le Financial Times, quotidien du capital financier anglais, annonçait que le "ministre du pétrole" irakien, Thamis Ghadhban - nommé par les Etats-Unis et placé sous la surveillance de l'ancien patron de Shell (Philipp J. Caroll) -, avait déjà révoqué ou suspendu trois contrats signés par des entreprises russes et chinoises, à l'époque de Saddam Hussein. Pour rappel, ce sont les sociétés pétrolières françaises, chinoises et russes qui avaient accumulé le plus grand nombre de contrats d'extraction et de développement dans le secteur pétrolier, contrats qui devaient se concrétiser une fois... les sanctions levées contre l'Irak. Les sanctions sont maintenant levées par le Conseil de sécurité. Quelques jours plus tard, l'administration Bush, en étroite relation avec les sociétés pétrolières américaines, commence déjà à redistribuer les ressources, dites naturelles, qui appartiennent au peuple irakien. L'opposition entre la France de Chirac et les Etats-Unis de Bush sur la manière de contrôler l'Irak reflétait aussi le conflit d'intérêts entre le français Total (ex-TotalFinaElf) et l'américain ExxonMobil. L'administration Bush s'octroie tous les fonds gelés du dictateur Saddam Hussein qui se trouvent dans les banques, helvétiques entre autres. Officiellement, il s'agit de financer "la reconstruction de l'Irak". Traduisons: il s'agit de payer les firmes américaines - comme Bechtel de l'ancien secrétaire d'Etat George Schulz et Halliburton de l'actuel vice-président Dick Cheney - qui "reconstruisent l'Irak". Voilà le véritable transfert de l'argent que le dictateur Saddam Hussein a dérobé à son peuple et dont une fraction a pu être planquée, grâce aux complicités des réseaux bancaires impérialistes. Les actuelles négociations au sein du G8 vont porter sur la part que les Etats-Unis laisseront à leurs partenaires (la Grande-Bretagne de Blair en priorité) et à leurs alliés qui ont osé lever la voix. Conseil de sécurité: une chambre de compensation impérialiste La résolution 1483 du Conseil de sécurité de l'ONU met de même en lumière la futilité des illusions, très répandues, sur le rôle possible de l'ONU pour empêcher l'invasion et la transformation en protectorat d'un pays dont la population avait été strangulée par les sanctions économiques et le régime dictatorial de Saddam Hussein. Un régime qui a assassiné des dizaines de milliers de personnes qui se soulevèrent, en 1991, suite aux appels de l'administration Bush père et qui se firent exécuter sous le regard cynique et impassible des "défenseurs des droits de l'homme". Les mêmes illusions ont été diffusées sur les intentions effectives des gouvernements français et allemand. Les porte-parole de la France, de l'Allemagne, de la Russie affirmaient, avant la guerre, que les Etats-Unis en envahissant l'Irak rompaient avec le droit international. Aujourd'hui, les plus éminents experts britanniques de droit international confirment cette position: il n'y avait pour les Etats-Unis pas besoin de se défendre et il n'y avait pas de résolution de l'ONU autorisant une guerre, cette dernière "est illégale" (The Independent, 25 mai 2003). En plus, les "armes de destruction massive" - que Colin Powell a présentées comme la raison pour engager une guerre préventive - sont introuvables. Tour cela n'a pas empêché les représentants gouvernementaux des intérêts impérialistes (français et allemand) et d'une bourgeoisie maffieuse - qui montre son vrai visage à Grozny (Tchétchénie) - de voter la résolution 1483. Durant des décennies l'ONU a été présentée comme un espoir pour l'avenir, un instrument de coopération. Qu'on se rappelle la campagne menée lors de l'adhésion de la Suisse à l'ONU. Le 22 mai 2003, le Conseil de sécurité est apparu pour ce qu'il est vraiment: une chambre de compensation (comme il en existe entre les banques pour leurs transactions) des principales puissances du monde pour régler leurs affaires et débattre de leurs intérêts communs. La "guerre des déclarations" a vite laissé la place à la négociation pour tirer le maximum de bénéfices de la "nouvelle situation" ouverte par la colonisation de l'Irak. Le caractère impérialiste du Conseil de sécurité de l'ONU ressort plus que jamais. Les implications pour le futur - dans la situation de "guerre permanente" déclarée par Bush - sont énormes. Un quotidien de la bourgeoisie allemande, la Süddeutsche Zeitung (23 mai 2003), le souligne avec clarté: le gouvernement Bush, avec la résolution 1483, "a rétrospectivement reçu pour sa politique interventionniste ce qu'il a cherché en vain avant la guerre... Ceux au pouvoir à Washington vont utiliser cette résolution et dire à leurs critiques: regardez, le Conseil de sécurité nous a confirmés dans le rôle de gouvernants de l'Irak. Ce faisant, il a implicitement légitimé notre campagne [militaire] et, en plus, toute notre doctrine de guerre préventive [contre un ennemi que nous choisissons]. La vieille loi internationale est morte, vive la loi de l'Imperium Americanum." Certes, des contradictions d'intérêts entre les puissances impérialistes existent. Mais dans cette phase d'impérialisme transnationalisé - où les investissements des multinationales des pays impérialistes forment une sorte de chaîne, avec des maillons dans de nombreux pays du centre comme de la périphérie - ces oppositions d'intérêts ne peuvent s'exprimer par des affrontements directs (militaires) comme aux XIXe et XXe siècles. Bâtir un mouvement commun Ce G8 se déroule alors qu'aux Etats-Unis, dans l'Union européenne et en Suisse le capital mène une vraie guerre sociale sur des questions identiques: sécurité sociale, droit du travail, droit à la formation, emploi... Chirac avec les retraites, comme Couchepin avec l'AVS, et Schröder avec "l'agenda 2010" ont les mêmes objectifs: réduire le salaire social, affaiblir les organisations syndicales, criminaliser les mouvements sociaux... Tout cela pour relancer les profits en organisant une concurrence internationale entre les salarié·e·s pour justifier un abaissement de leurs revenus et un accroissement de la captation par le capital de la richesse qu'ils produisent. Dans ce contexte deux éléments nous semblent devoir être au centre des mobilisations actuelles: 1° maintenir vivante la dynamique du mouvement anti-guerre et anti-impérialiste, renforcer son indépendance face aux politiques des gouvernements; ce mouvement a mis a nu la nature terriblement destructrice du système capitaliste, sur tous les plans; 2° donner à la mobilisation sociale en Europe non seulement des éléments de convergence (sur les retraites par exemple), mais en faire un élément qui devienne le chaînon d'un "mouvement commun" à l'échelle du continent.
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