France
4,25% (Besancenot) + 5,72% (Laguiller) +0,47% (Gluckstein) = 10,44% Score historique pour l'extrême gauche Léonce Aguirre (Rouge, hebdomadaire de la LCR, 25 avril 2002) 'Le score de l'extrême gauche au premier tour de l'élection présidentielle est un événement politique majeur même s'il a été relativisé de par le succès électoral du Front national. Les mobilisations contre l'extrême droite, la riposte à préparer face aux attaques à venir contre les retraites et les services publics ainsi que les prochaines législatives, peuvent être l'occasion de consolider et d'amplifier ce résultat.' 'Deux séismes politiques se sont superposés lors du premier tour de l'élection présidentielle. Le premier est la présence du Front national au second tour. Il a relégué au second plan le deuxième séisme de cette élection que constituent les résultats de l'extrême gauche qui dépasse les 10%. Et si la présence de Le Pen au second tour est effectivement l'élément politique majeur de cette élection qui bouleverse le champ politique traditionnel et exige une mobilisation unitaire immédiate pour lui barrer la route, il ne faudrait pas minimiser les résultats électoraux de l'extrême gauche et leur portée politique, pour peu qu'elle sache en faire bon usage.' 'Avec 10,4%, ses résultats plus du triple de ceux du PCF et égalent à quelques dixièmes près l'addition de ceux du PCF, des Verts et du Mouvement des radicaux de gauche, les trois alliés du PS dans le cadre de la gauche plurielle. Cette influence électorale n'est pas limitée à certains départements ou régions mais s'exerce sur l'ensemble du territoire. A l'exception des DOM-TOM [Départements et territoires d'Outre-Mer], dans tous les départements, les scores réalisés sont supérieurs au 5,3% obtenus par Arlette Laguiller en 1995. Bien entendu, il y a des disparités notables. Ainsi les scores sont inférieurs à 8% dans sept départements, et ce n'est pas totalement par hasard s'il s'agit de la Haute-Corse (6,21%), la Corse-du-Sud (6,42%), les Alpes-Maritime (6,62%), Paris (6,97%), les Hauts-de-Seine (7,13%), les Yvelines (7,61%) et du Var (7,86%). Par contre, dans seize départements, l'extrême gauche dépasse les 12% avec comme meilleurs résultats la Haute-Vienne (13,42%), la Seine-Maritime (13,55%), le Pas-de-Calais (13,56%) et le Puy-de-Dôme (14,10%). De manière générale, et les premières analyses détaillées par bureau de vote le confirment, ces scores sont en phase avec les phénomènes profonds de recomposition du mouvement ouvrier à l'œuvre depuis des années.' 'Histoire d'une candidature' 'Après avoir proposé à Lutte ouvrière (LO) une candidature commune que celle-ci a refusé catégoriquement, la conférence nationale de juin 2001 a décidé que la Ligue [LCR] serait présente. Les différences et les divergences avec LO, qui auraient pu s'exprimer dans le cadre d'une candidature unitaire, étaient suffisamment importantes pour que nous décidions d'être présents lors de cette échéance électorale majeure autrement que sous la forme d'un soutien extérieur à la candidature d'Arlette Laguiller. Il était en effet indispensable dans cette campagne que soit présent le seul courant de l'extrême gauche:' '- qui défende un programme de revendications d'urgence face à l'offensive menée par le patronat et relayée par le gouvernement de la gauche plurielle et l'Union européenne, ' '- qui soit partie prenante des mobilisations et des manifestations contre la mondialisation capitaliste (Nice, Millau, Gênes, Barcelone, etc.) mais aussi contre toutes les formes d'exploitation, d'oppression et de discrimination engendrées par le capitalisme,' '- qui avance la perspective d'un nouveau parti anticapitaliste susceptible de regrouper toutes celles et tous ceux qui refusent la barbarie de ce système et qui sont convaincus de l'impérieuse nécessité de le remplacer par une société libérée de toute forme d'exploitation et d'oppression.' 'La conférence nationale [de la LCR] fait le choix de présenter un jeune facteur de 27 ans. Un candidat qui permette aux électeurs de voter pour quelqu'un qui vit au quotidien l'exploitation et les conditions de vie de plus en plus insupportables que ce système impose au plus grand nombre. Un candidat en phase avec les luttes menées par la jeunesse aussi bien contre la globalisation capitaliste que contre l'exploitation et la précarité maximum dont les jeunes sont victimes, que ce soit à la Fnac ou à McDo, mais aussi dans les secteurs industriels traditionnels ou les services publics. Et cela n'est sans doute pas étranger au fait que c'est dans les catégories les plus jeunes de l'électorat qu'Olivier réalise ses meilleurs pourcentages: 13,9% des 18-24 ans et 6,3% des 25-34 ans ont voté pour sa candidature; 4,6% des 35-49 ans, 1,8% des 50-64 ans et 0,8% des plus de 65 ans. Et comme la jeunesse est la flamme de la révolution...' 'Une campagne qui fait tilt' 'L'orientation défendue et le profil du candidat allaient permettre à notre campagne d'accrocher bien au-delà de l'influence traditionnelle de la ligue. Dès le début mars, lorsque elle a réellement pu prendre son envol, notre candidat ayant obtenu sa mise en disponibilité [de son emploi de facteur: un congé sans solde], les premiers meetings connaissaient une affluence très importante. Le public était à forte dominante jeune mais aussi composé de salariés et de salariées, parfois mais pas toujours anciens ou actuels militants politiques, pour qui cette candidature représentait un espoir pour l'avenir. Et une fois les 500 signatures déposées -leur récolte ayant exigé un effort militant considérable de plusieurs mois- et l'accès aux médias garanti, notamment aux journaux télévisés de France 2 et de TF1, la crédibilité de cette candidature allait connaître un saut qualitatif extraordinaire. La fréquentation des meetings battait tous les records, nous recevions des centaines de message d'encouragement, de proposition d'aides pour mener la campagne, de demandes d'adhésion. L'accueil des tracts sur les marchés était de plus en plus chaleureux, les discussions se multipliaient, les plus petites réunions de quartier réunissaient de nombreuses personnes qui entraient pour la première fois en contact avec la Ligue.' 'Restait à savoir si l'écho de cette campagne allait se concrétiser sur le plan électoral. Cela s'est fait, au-delà des pronostics les plus optimistes.' 'Pluralité de l'extrême gauche' 'Si certains sondages laissaient entrevoir que l'extrême gauche pouvait atteindre, voire dépasser les 10%, la répartition de cet électorat entre la LCR et LO, jusqu'à trois semaines du scrutin, se faisait dans un rapport variant entre 1 à 5 et 1 à 10.' 'Les deux dernières semaines de campagne ont modifié substantiellement cette répartition puisqu'à l'arrivé Olivier Besancenot récolte 4,23% de suffrages et Arlette Laguiller 5,72%. Et même si l'électorat respectif des deux organisations d'extrême gauche ne coïncide pas exactement, il est évident qu'une partie substantielle des 10 % des intentions de vote que les sondages accordaient à Arlette Laguiller se sont portés sur le candidat de la LCR. L'ampleur de ce phénomène est d'autant plus importante que ce dernier était totalement inconnu, que la LCR ne s'était pas présentée en tant que telle depuis 1974 alors qu'Arlette Laguiller était candidate pour la cinquième fois, bénéficiant dès le départ d'une notoriété et d'un capital électoral et de sympathie substantiel. Ce résultat électoral, mais surtout l'écho et le succès de la campagne menée par Olivier Besancenot montrent, s'il était nécessaire, que l'extrême gauche est plurielle. Toute tentation d'hégémonisme est non seulement vaine mais constitue un obstacle à l'unité des diverses composantes de l'extrême gauche tant sur le plan des mobilisations que sur le plan électoral. Le choix fait par Lutte ouvrière de refuser une candidature commune était certainement pour partie déterminé par l'appréciation que cette campagne pouvait lui permettre d'assurer son hégémonie politique sur l'extrême gauche, soit parce que la LCR n'arriverait pas à récolter les 500 parrainages de maires et se retrouverait sans candidat, soit par un écart électoral substantiel. Il n'en a rien été. Et dans l'immédiat mieux vaudrait en revenir à l'état d'esprit de la campagne des européennes [marquée par une présentation commune de la LCR et de LO, qui leur a permis de franchir le quorum de 5% et d'obtenir une députation au Parlement européen] plutôt que de chercher de fausses justifications du côté de la caractérisation de l'électorat qui a voté Besancenot qui serait de nature petite-bourgeoise comme pouvait le laisser entendre la déclaration d'Arlette Laguiller au soir du premier tour. En ce qui nous concerne, nous nous réjouissons à la fois du score de notre candidat mais aussi de celui de l'ensemble de l'extrême gauche car il exprime clairement le rejet de la politique menée par le gouvernement de la gauche plurielle et la recherche d'une alternative anticapitaliste. Cela vaut d'ailleurs aussi pour au moins une partie de l'électorat qui s'est porté sur Daniel Gluckstein, même si l'orientation du Parti des travailleurs, sa totale absence du mouvement social et de tout cadre de mobilisation unitaire, ses pratiques politiques manipulatrices et sectaires rendent plus que problématique toute démarche unitaire en sa direction.' 'Une responsabilité politique majeure' 'Ce succès électoral incontestable de l'extrême gauche ne doit pas la conduire à tomber dans le triomphalisme et l'autosatisfaction béate et stérile. Des centaines de milliers de travailleurs, de jeunes se tournent aujourd'hui vers elle et attendent qu'elle apporte des réponses à la hauteur des enjeux de la situation politique. La LCR et Lutte ouvrière ont des responsabilités particulières immédiates qu'elles vont d'ailleurs discuter dans le cadre d'une réunion commune prévue dans les jours qui viennent. Etre le fer de lance de la mobilisation nécessaire contre le Front national et l'extrême droite sans tomber dans le piège du front républicain. Préparer les conditions d'une mobilisation massive, unitaire pour contrecarrer l'offensive antiouvrière que nous prépare le Medef et le prochain gouvernement sur la Sécurité sociale, les retraites, le démantèlement et la privatisation des services publics, la remise en cause des droits démocratiques au travers d'une politique ultrasécuritaire. Enfin, la crise sans précédent que traverse le mouvement ouvrier traditionnel, et le parti communiste en particulier, pose objectivement la question de la construction d'un nouveau parti anticapitaliste des travailleurs, qui redonne crédit à un projet émancipateur. Il n'y a certes pas de voie royale pour avancer dans ce sens. Mais la politique a horreur du vide. Ne pas saisir dans les semaines qui viennent toutes les opportunités qui permettent d'avancer dans ce sens et qui donnent crédit à un tel projet permettra, soyons-en sûrs, aux directions réformistes de reprendre la main et d'occuper le terrain. Tel est l'enjeu. Il est considérable.' Haut de page
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