Russie
Incendies
catastrophiques: ils étaient «planifiés» !
Rédaction
Le
4 août 2010, sur la radio France Culture, Marie-Hélène Mandrillon,
chercheuse au CNRS et spécialiste de l’environnement russe et
enseignante à l’Ecole des hautes études en sciences sociales,
rappelait que: «Il
y a trois ans, la réforme du code forestier a transféré ces
forêts, qui n'étaient plus considérées comme des ressources
naturelles exploitables, aux gouvernements régionaux»
Des gouvernements régionaux qui, faute de ressources financières –
une part substantielle ne se sont-elles pas envolées pas vers la
Suisse, le Luxembourg, vers Londres et ailleurs, pour trouver refuge
dans des coffres ignifugés ? – ont supprimé quelque 70’000
gardes forestiers, souligne-t-elle.
Ils
ont délaissé ces massifs devenus, au fil des ans, de véritables
bombes incendiaires. S'y ajoute le fait que, des décennies durant,
les agronomes soviétiques – avec la bénédiction ou sous les
ordres du pouvoir central – ont laissé s'assécher les marais et
entrepris d'accroître ainsi les surfaces agraires ou forestières,
souligne Marie-Hélène Mandrillon.
Au
final, ces zones sont devenues des tourbières sèches qui, faute
d'être replantées, s'avèrent facilement inflammables et
difficilement extinguibles. Elles fournissaient de plus un
combustible bon marché à des populations à la recherche de moyens
accessibles pour se chauffer durant les périodes de froidure.
En
outre, les pompiers russes ne disposent pas du matériel adéquat. Le
«Ministère des situations d'urgence» le reconnaît. Il annonçait
lundi 2 août 2010 l'acquisition imminente (sic) de 8 bombardiers
d'eau ainsi que de plusieurs hélicoptères. Moscou va débloquer, en
urgence, 25 millions d'euros ( !) pour renforcer ses moyens
d'intervention aériens.
Passez:
rien à voir. Puisque l’on voit de plus en plus mal
Tout
cela n’empêche pas le porte-parole de l’insubmersible maire de
Moscou, Iouri Loujkov d’être en vacances dans un lieu inconnu –
qui ne semble pas être touché par les flammes. Toutefois, son
porte-parole et porte-flingue, le remarquable
Sergueï Tsoï explique, droit dans ses bottes: «Quels
problèmes y a-t-il à Moscou, c’est la région de Moscou qui est
concernée, pas la ville.» Il
est vrai que la présence de Loujkov ne changerait rien – et que
selon la bonne et vieille tradition du secret politique. S. Tsoï
peut répondre aux journalistes: «Quand nous voudrons vous le dire,
nous vous le dirons»…où se trouve Loujkov. (Le Monde 8-9 août
2010). Par contre, il est moins bavard sur l’évolution du feu dans
la zone de tourbières des faubourgs de Moscou. Vendredi 6 août, la
concentration de microparticules dans l’air moscovite a dépassé
la norme «supportable maximale», de 5,2 fois selon l’organisme
MosEcoMonitoring. Et alors ? Le président russe Dmitri Medvedev
déclare avec cette foi propre aux anciens du KGB: «Bien
sûr ce n’est pas nous qui décidons, c’est en haut.» Et selon Aléxandre Billette du quotidien Le
Monde,
Medvedev leva, alors, «la
main vers les cieux».
Il est vrai que
ce geste est en syntonie avecle
nombre de décès à Moscou en juillet a été supérieur de près de
50% au même mois de l'année dernière, avec près de 5.000 morts
supplémentaires imputables à la canicule.«On
a enregistré 14’340 décès à Moscou en juillet 2010, c'est 4824
décès de plus qu'en juillet 2009»,
a indiqué une responsable des services de l'état-civil de la
capitale russe, Evguenia Smirnova. «L'augmentation
de décès a commencé en juillet. En juin, au contraire, les
chiffres étaient plutôt bons",
a indiqué cette responsable. «La canicule a très certainement influé»,
a-t-elle déclaré.
Elle
n'a pas été en mesure – ou pas été autorisée – de donner des
chiffres de mortalité pour les premiers jours du mois d'août,
période dans laquelle se combinent les effets de la canicule, qui
frappe la partie occidentale de la Russie depuis le début juillet,
et microparticules «planant» suite aux incendies des tourbières de
la région. Mais, le plus rassurant n’est-ce pas que les autorités
démentent encore toute hausse importante de la mortalité.
Cela
était prévisible
Or,
déjà, en
2007, le Groupe d'expertise et d'intervention déchets (GEID)
établissait un rapport intitulé «Déchet
post-catastrophe, risques sanitaires et environnementaux».
Plus que prémonitoire.
A
l'heure où les «services de secours russes» recensent encore plus
de 550 foyers couvrant au moins 190’000 hectares d'espaces
naturels, alors qu'à Moscou la concentration de particules en
suspension dépasse de très loin les seuils d'alerte, le document
confirme que les conclusions d'hier sont plus que jamais
d'actualité...
Ce rapport – voir des extraits ci-dessous –
souligne que les incendies de savanes et de forêts, qu'elles soient tropicales,
boréales ou méditerranéennes, comme les brûlis agricoles sont des
sources majeures de pollutions atmosphériques transfrontières et
peuvent être de plus en plus toxiques à cause de l'utilisation
grandissante de produits phytosanitaires dans les sols agricoles et
les plantations forestières, voire de l'inclusion de décharges dans
les périmètres sinistrés – ces dernières étant connues pour
être d'importantes génératrices de dioxines.
Le
document rappelle qu'en Russie et dans les pays de l'ex-Union
soviétique, ces incendies atteignent des dimensions insoupçonnées
et inquiétantes. Qu'il y a d'ailleurs «des différences importantes
entre les statistiques officielles qui en 2003 déclarent 2 millions
d'hectares d'incendies de forêt et les observations satellitaires
qui en inventorient plus de 14 millions.»
Et
d'enfoncer le clou: «Il ressort des travaux de l'American
Geophysical Union et l'université du Michigan que [ces incendies]
sont une des sources importantes de remobilisation atmosphérique du
mercure d'origine naturelle ou anthropique»
Incendie
et installations nucléaires
Une
source volatile, potentiellement dangereuse lorsque ces feux
concernent des plantations ou des cultures mettant en jeu des
herbicides dont les molécules organiques, toxiques et cancérigènes,
peuvent être transportées par les fumées. Où quand ces fumées
contiennent des traces de radioactivité. «Les radionucléides
redéposés après les essais nucléaires atmosphériques ou les
excursions accidentelles et chroniques en provenance d'installations
nucléaires sont remobilisés par les incendies, souligne le rapport.
C'est le cas en particulier du césium 137 et du strontium 90".
L'avertissement est clair. Et aujourd’hui, la région élargie
autour de Tchernobyl est en partie la proie des flammes. Or, en 1986,
six millions d’hectares
ont été pollués par la radioactivité, dont 2 millions en
Biélorussie, en Ukraine et en Russie. Et des milliers d’incendies,
de dimensions plus ou moins grandes, se déclarent dans ces régions,
chaque année. De 1993 à 2001 près de 1000 incendies ont été
rapportés. Ils ont couvert une surface de quelque 100'000 hectares.
A
ce jour, les autorités russes délivrent les traditionnelles
déclarations soporifiques et anxiolytiques. Ainsi
dans la région de Nijni Novgorod, les flammes menacent l'Institut
panslave de recherche en physique expérimentale où sont assemblées
(mais aussi démantelées) des armes nucléaires. A 500 kilomètres à
l'est de la capitale, les matériaux radioactifs de la centrale de
Sarov ont été évacués, selon les déclaration
officielles, alors qu'au sud de Moscou, l'incendie qui encerclait les
réacteurs de la centrale nucléaire de Voronej semble sous contrôle.
Sergueï
Kirienko, le président de Rosatom, l'agence russe du nucléaire, a
beau clamer «aucun risque pour la sécurité nucléaire». Le doute
est plus que légitime. Pour des experts une inquiétude particulière
«concerne le site secret Arzamas 16, à 60 km de la ville de Sarov».
Depuis 1946, celui-ci abrite un centre russe d'expérimentations et
d'activités nucléaires et sert de stockage de plutonium, d'uranium
enrichi, d'assemblage et de désassemblage de bombes nucléaires.
Certains l'assimilent à un dépotoir à déchets radioactif.
Diverses associatioons écologiques réclament que l'Autorité de
Sûreté Nucléaire et ses homologues européens communiquent sur une
éventuelle pollution radioactive transfrontière à la suite de ces
incendies. La lecture de
quelques extraits du rapport consacré aux incendies de forêts
établi par le Groupe d’Expertise d’Intervention Déchets –
GEIDE post-catastrophe – permet de saisir une partie de ce qui se
joue aujourd’hui en Russie ; la «dimension naturelle» de ce
genre de catastrophe est réduite à sa réalité
*****
Les incendies
de forêts
«Si le
réchauffement climatique devient une réalité, il y aura de plus en
plus d'incendies dans les forêts boréales qui augmenteront le
réchauffement climatique… et vice versa.» Le brûlage
intentionnel ou accidentel de la biomasse représenterait 40 % chaque
année du dioxyde de carbone émis dans l'atmosphère planétaire et
contribuerait au niveau de 38 % à l'ozone troposphérique. Il
atteindrait 100 millions d’hectares par an. Par brûlage de la
biomasse on entend les combustions naturelles, accidentelles ou
dirigées des forêts, des savanes, des sols agricoles pour fabriquer
du charbon de bois, pour modifier la nature des cultures et la
distribution des activités agricoles, pour éliminer les chaumes et
les autres résidus agricoles.
Les incendies de
savanes, de forêts tropicales, boréales, méditerranéennes et les
brûlis agricoles sont des sources majeures de pollutions
atmosphériques transfrontières et peuvent être de plus en plus
toxiques à cause de l'utilisation grandissante de produits
phytosanitaires dans les sols agricoles et les plantations
forestières et de l'inclusion de décharges dans les périmètres
sinistrés. Les feux de décharge sont connus pour être des gros
générateurs de dioxines. Les incendies de forêts et de tous types
de végétations en Russie et dans les pays de l'ex-Union Soviétique
comme l'Ukraine atteignent des dimensions insoupçonnées et
inquiétantes.
Il y a des différences importantes entre les statistiques
officielles qui déclarent en 2003 en Russie 2 millions d'hectares
d'incendies de forêt et les observations satellitaires qui en
inventorient plus de 14 millions. Il ressort des
travaux conduits par l'American Geophysical Union et l'université du
Michigan que les incendies de forêts, de tourbières et de toundras
boréales sont une des sources importantes de remobilisation
atmosphérique du mercure d'origine naturelle ou anthropique. Il est
estimé que 25% des incendies concernent les régions
boréales.
Quelles en sont les conséquences pour l’océan Arctique ?
Incendies et zones
urbaines
La
multiplication des incendies de forêt, la proximité de ces
incendies et des zones
périurbaines,
l'augmentation de la durée moyenne des feux et leur concentration
dans des régions préférentielles font que les fumées d'incendie
sont de moins en moins considérées comme des effluents inertes.
Elles sont perçues par des scientifiques, des gestionnaires de
l'aménagement rural et urbain et une petite partie de l'opinion
publique comme une pollution atmosphérique supplémentaire
susceptible de renforcer les pathologies attribuées aux autres
pollutions atmosphériques.
Les populations
les plus sensibles et les plus vulnérables aux fumées d'incendies
de forêt sont les jeunes enfants, les fumeurs, les sujets à
problèmes cardiovasculaires, respiratoires et psychiatriques
préexistants. Des études américaines montrent que les traumatismes
ou autres résonances psychiques, cauchemars, dépressions, troubles
de la mémoire restent longtemps
ancrés chez les
victimes ou les témoins, nécessitent dans l'idéal des séances
individuelles ou collectives de thérapie par l'expression orale ou
artistique plusieurs mois après l'épisode; les personnes âgées,
les enfants et «ceux qui ont tout perdu» en particulier à cause
d'un défaut d'assurance sont les plus marqués à cet égard.
A contrario, des
communautés ou des individus peuvent trouver après les feux de
forêts des conditions psychologiques favorables invitant à un
renouveau social s'ils ont été les acteurs ou les récepteurs d'une
organisation ou d'une solidarité telles que l'habitat et
l'environnement ont été sauvés.
Les feux de
basse intensité, comme les feux de tourbière produisent plus de gaz
toxiques comme le monoxyde de carbone, l'oxyde d'azote, l'oxyde de
soufre et plus d'hydrocarbures, d'aldéhydes et de radionucléides.
Les variations directionnelles et d'intensité du vent, le degré
d'humidité de l'air ambiant modifient les risques sanitaires des
fumées d'incendies de forêt de même que les essences végétales
consommées par le feu. Les polluants transportés par les fumées
rentrent dans les organismes par inhalation, ingestion et absorption
cutanée. A concentrations faibles et issues d'exposition courte, les
fumées n'ont pas à proprement parler d'effet sanitaire apparent
mais elles restent cependant une nuisance. Dans les expositions
longues, les
fonctions cardio-pulmonaires sont ciblées en priorité. Les effets
se déclinent ainsi selon les travaux de spécialistes américains:
• diminution
des fonctions pulmonaires
• diminution
des capacités de respiration
• difficultés
respiratoires
• emphysème
• asthme
• bronchite
• angine
• infarctus du
myocarde
• pneumonie
• allergies.
Les particules
fines et ultrafines ayant capacité à rentrer dans les systèmes
respiratoires représentent 90% des particules transportées par les
fumées de feux de forêt. 70 à 90 % d’entre elles ont un diamètre
égal ou inférieur à 2,5 microns. Les particules de diamètre égal
ou inférieur à 2,5 µm (microns, soit 2,5 millionièmes de mètre)
pénètrent jusque dans les alvéoles pulmonaires et sont dites PM
2,5 (Particulate Matters). La toux est la manifestation la plus
courante et la plus apparente de l'inhalation de particules puis
l'asthme; l'inhalation particulaire aggrave les maladies asthmatiques
et cardiaques déjà déclarées à partir d'une teneur de 20-40
microgrammes/m3.
Leur caractère toxique dépend aussi de la variété et de la nature
des polluants qu’elles transportent. Les émissions basiques
d’incendies de biomasse végétale contiennent du méthanol, du
formaldéhyde, de l’acétonitrile, de l’acide formique, de
l’acroléine, des composés bromés et des hydrocarbures tels le
benzène, le toluène, le xylène et le benzopyrène. Elles peuvent
contenir toute une série de métaux dont la capacité à s’agréger
aux particules ultrafines est bien identifiée. Elles peuvent aussi
être chargées – les incendies de forêts ou de parcelles
agricoles englobant des combustions de déchets, de biens mobiliers
et immobiliers – d’amiante, de ciment, de plâtre et de tous les
autres résidus de démolition observés après les tremblements de
terre et les bombardements. La limite maximale admissible fixée par
l’ACGIH (American Conference of Governmental Industrial Hygienists)
est de 65 µg / m3
pour les particules dites PM 2,5. A 70 m du front de flammes, la
teneur commune est de 49.500 µg/m3.
L’exposition des pompiers et de certains riverains «luttant
jusqu’au dernier moment pour sauver leur propriété» est
considérable.
Les fumées
d'incendies de forêts ou d'autres écosystèmes végétaux sont
irritantes pour les yeux à cause de la combinaison des particules
fines avec le S02, l'acroléine et le formaldéhyde. Si le substrat
géologique contient des silices, les poumons peuvent être victimes
d'inflammations et de lésions assimilées à des silicoses. De même,
aux Etats-Unis, la combustion de certains végétaux comme le Toxicodendron
radicon (herbe à puce) et Kalmia
spp (laurier d'Amérique) peut provoquer des irritations de la peau ou
des poumons et des inventaires spécifiques devraient être entrepris
à ce sujet dans toutes les régions exposées aux risques
d'incendies naturels.
Incendies et
cultures avec herbicides et radioactivité
Si les incendies
de forêts ou les brûlis concernent des plantations ou des cultures
mettant en jeu des herbicides, des molécules organiques toxiques et
cancérogènes comme la TCDD (Tetra Chloro Dibenzo Dioxine) peuvent
être transportées par les fumées. Les fumées contiennent des
traces de radioactivité. Les radionucléides redéposés après les
essais nucléaires atmosphériques ou les excursions accidentelles et
chroniques en provenance d'installations nucléaires sont remobilisés
par les incendies. C'est le cas en particulier du césium 137 et du
strontium 90.
Les polluants
chimiques transfrontières atmosphériques comme les métaux lourds,
les PCB sont aussi remobilisés par les incendies et adsorbés sur
les phases particulaires des fumées. Pour ce qui concerne les
dioxines, l'étude préliminaire réalisée en 2003 aux Etats-Unis
dit que la majorité des espèces émises pendant les feux de forêts
est d'origine industrielle. Sur la base annuelle moyenne de 1.7
millions d'hectares brûlés, l'émission globale de
dioxines/furannes serait de 800 à 1.300 g soit l'une des sources les
plus importantes pour l'ensemble des Etats-Unis.
Après
Tchernobyl, 6 millions d'hectares ont été pollués par la
radioactivité dont 2 millions en Biélorussie, en Ukraine et en
Russie. Chaque année des milliers d'incendies de plus ou moins
grande importance se déclarent dans les régions contaminées. Entre
1993 et 2001, près de 1000 incendies sont rapportés, couvrant
100'000 hectares. Ces incendies ont des retombées internationales.
En 2003, les émissions radioactives des incendies des forêts de
résineux de l'Est du Kazakhstan ont été enregistrées au Canada.
L'Est du Kazakhstan a été radiologiquement marqué par le centre
nucléaire de Semipalatinsk où 450 essais de bombes atomiques dont
une centaine d'atmosphériques ont été réalisés entre 1949 et
1989. En mai
2006, des brûlis
agricoles mal maîtrisés se sont propagés à la ville de Bufry au
nord de Saint-
Petersbourg
; le feu a alors consumé des garages et des entrepôts.
Simultanément,
l’atmosphère de Saint-Petersbourg était polluée par des
centaines de feux volontaires de déchets de jardin et de déchets
pas toujours végétaux. Le responsable des pompiers de la région de
Saint-Petersbourg remarquait que pendant le mois d’avril, il y
avait eu 10 fois plus d’alertes que d’habitude: «les gens
brûlent n’importe quoi, même si c’est interdit». La décharge
principale de Saint-Petersbourg a été atteinte. Début mai les
particules atmosphériques étaient 3 fois plus élevées dans le sud
de la Finlande que le seuil autorisé. Le 11 mai, le panache des
fumées en provenance de l’ouest de la Russie atteignait l’Ecosse,
l’Irlande, le Nord de l’Angleterre. Les seuils de qualité de
l’air étaient à leur tour dépassés.
Après quelques
jours de stagnation, le nuage toxique est allé se répandre dans
l’océan Atlantique. En mars-avril 2007, des incendies
volontaires assimilables à de l'écobuage en Thaïlande, en
Birmanie, au Laos, en Chine, au Cambodge ont provoqué une pollution
de l'air aggravée par le contexte météorologique qui a maintenu
les fumées dans la basse atmosphère de la sous-région. Dix ans
auparavant, en Indonésie les incendies volontaires préparatoires
aux plantations d'hévéa avaient produit une pollution analogue à
Singapour et dans l'Etat du
Sarawak en
Malaisie. Des statistiques fiables ont alors démontré un excès de
mortalité chez les personnes âgées.
Les études
réalisées après des feux de forêts autour des sites nucléaires
historiques
américains de
Hanford dans l’Etat de Washington et de Los Alamos au
Nouveau-Mexique montrent que les zones périphériques des secteurs
incendiés peuvent être contaminées par la redispersion
atmosphérique des contaminants diffus ou canalisés rejetés par les
activités et déposés sur le couvert végétal et le sol. Selon les
spécialistes américains, «des points chauds» peuvent
effectivement être repérés après les incendies. Supérieurs au «
bruit de fond» régional, ils ne constitueraient cependant pas dans
ces cas particuliers un enjeu sanitaire ou environnemental. En 1989
et en 1990, des feux de forêts et de landes ont eu lieu autour de
Cadarache dans la vallée du Rhône (France) et du réacteur
nucléaire en cours de démantèlement de Brennilis.
Les déchets
d'incendie de forêts
Les cendres
concentrent les toxiques naturels ou d'origine anthropique intégrés
à la biomasse et aux biens matériels consommés par l'incendie.
Tous les guides d'urgence aux Etats-Unis du type de «Emergency
Guidance on the Southern California Wildfires» disent que les
cendres sont dangereuses, dans la mesure où entraînées par la
pluie, la fonte des neiges, les épisodes d'orages, elles
aboutissent, si elles ne sont pas confinées, dans les systèmes de
récupération des eaux pluviales, dans les eaux superficielles, les
lagons, les criques, les baies. Elles sont
aussi entraînées
par les glissements de terrains et les coulées de boue consécutifs
aux incendies et à l'érosion des sols dénudés. Après les feux de
2003 autour de San Diego en Californie, l'équivalent de l'Office
National des Forêts ainsi que des universitaires spécialisés dans
l'écologie des incendies de forêts disent que «les fortes pluies
suivant les incendies entraînent des écoulements de boues et de
débris 10 fois supérieurs aux quantités normales» et que «ces
coulées de boues déversent dans les lacs et les rivières des flux
de particules chargées en plomb, cadmium, en cuivre et en
hydrocarbures qui tuent les poissons».
Les feux de
forêts menacent en effet la qualité des eaux. La disparition du
couvert végétal sur les sols en pente favorise le ravinement et les
coulées de cendres. La disparition de la ripisylve accélère
l’érosion des berges et perturbe le fonctionnement des usines de
potabilisation de l'eau et les systèmes de distribution, à l'image
de ce qui se passe pendant les inondations. La dispersion des cendres
introduit des quantités importantes de phosphore et de nitrate dans
les ressources aquatiques. Le flux de nitrate est renforcé par la
composition des retardateurs de feux largués par voie aérienne. La
formulation de ces retardateurs de feux et leurs effets polluants
pour l’environnemment ne sont pas assez connus, ni explorés.
Les
glissements de terrain, éboulis et coulées de boues
La déforestation
due à l'exploitation du bois provoque régulièrement des
glissements de terrain ou des coulées de boue qui poussent à
l'exode ou ensevelissent des communautés villageoises en particulier
en Asie du Sud-Est. La déforestation due aux incendies de forêts a
les mêmes effets. Les pertes humaines et matérielles se doublent de
dommages écologiques. Des autoroutes, des parcours de randonnées,
des canyons, des camps de loisirs sont touchés. Aux Etats-Unis, les
glissements de terrains tuent chaque année 25 à 50 personnes et
coûtent 2 milliards de dollars.
En Italie, le
Piémont et les Dolomites sont exposés à ces épisodes géologiques.
L'Italie a d'ailleurs connu un glissement de terrain dans la retenue
d'eau d'un barrage qui figure parmi les plus grandes catastrophes du
20e
siècle. (cf. chapitre rupture de barrage). Les glissements de
terrain peuvent aussi suivre les éruptions volcaniques après des
fontes rapides des neiges, des périodes de fortes précipitations,
et compter parmi les effets domino des tremblements de terre et des
ruptures de barrages.
Initialement ces
glissements gravitaires de matériaux géologiques sont causés par
des infiltrations d'eaux dans les sols dénudés. Dans le cas des
glissements de terrains consécutifs à des incendies de forêts ou à
des actions volontaires de déforestation ils seraient dûs à une
perte de capacité d'évaporation des eaux
interstitielles
après la disparition du couvert végétal et à la perte de cohésion
des sols profonds après la disparition des réseaux de racines. Les
glissements de terrains peuvent survenir 10 ans après les incendies
de forêt et les autres catastrophes naturelles. Ces coulées ou
torrents de boue ont en général la consistance et la viscosité
d'un béton liquide emportant sur son passage des pierres ou des
rochers et se chargeant dans sa course de nouveaux sédiments.
Après avoir
observé 10 forêts brûlées aux Etats-Unis, les géologues et
écologistes du feu estiment que 75 % du tonnage au point final du
déversement a été accumulé pendant le parcours.
Glissement:
le cas de la forêt nationale de San Bernardino, Californie.
En octobre 2003,
57'000 hectares brûlent dans la forêt nationale de San Bernadino,
en automne. Plusieurs "Emergency Guidance Document" sont
émis et distribués par les autorités des comtés de Los Angeles,
Riverside, San Bernardino, San Diego et Ventura. Les recommandations
concernent la récupération des cendres, imbrûlés et débris après
la combustion des maisons, bureaux, entrepôts ou autres biens
immobiliers, des équipements et accessoires et matériaux de
construction. Tout est pris en compte: armatures, épaves de
voitures, munitions, déchets toxiques ménagers, déchets
industriels. Le jour de noël 2003, des pluies diluviennes
déclenchent des
coulées de
boues dans les 2 périmètres de montagne incendiés qui mobilisent 4
millions de m3 de sédiments et tuent au moins 18 personnes. 26
millions de dollars sont dépensés pour récupérer les boues et
extraire les sédiments des lacs et autres points bas où ils se sont
accumulés. Les coulées de boues peuvent dans un même temps
provoquer des barrages provisoires à travers des cours d'eau et dans
un deuxième temps provoquer des inondations en aval après la
rupture des barrages accidentels. Des effets domino analogues ne sont
pas rares après les tremblements de terre (cf. chapitre spécifique)
survenant dans les zones montagneuses.
La
sur-catastrophe de San Bernardino a déclenché aux Etats-Unis un
programme co-animé par l'US Geological Survey (USGS) et le National
Oceanic and Atmospheric Adminitration (NOAA) destiné à
cartographier les zones exposées à des coulées de boues après les
catastrophes naturelles et à stimuler la vigilance collective.
La maison
dans la forêt
L'Urban-Wildland
Interface Code (UWIC) prescrit quelques recommandations constructives
pour les bâtiments exposés aux risques d'incendie de forêt. Les
matériaux de couverture, les avant-toits, les gouttières, les
goulottes, les murs extérieurs, les appentis, les fenêtres
extérieures et les baies vitrées doivent être résistantes au feu
pendant au moins une heure. Des dispositions et des dimensions
spéciales s'appliquent aux bouches de ventilation des greniers et
des sous-sols.
Selon le Fire
Science Labotary, le feu de forêt de forte intensité peut projeter
des escarbilles jusqu'à 800 mètres au-delà du front de l'incendie.
Une zone incombustible de 30 mètres tout autour d'une maison adaptée
suffirait à éviter les risques d'incendies domestiques à la
condition d'exclure du périmètre de non combustibilité les stocks
de bois de cheminée et autres sources inflammables comme les
automobiles.
La ville de
Redlands en Californie a créé un espace de démonstration de
résistance aux incendies avec un jardin composés d'essences
végétales sélectionnées, une architecture paysagère et un
bâtiment bénéficiant de dispositions constructives et de matériaux
renforçant la résistance aux incendies.
Suivi des
incendies industriels
Les incendies
d’origine industrielle et de natures diverses comme les crash
d’avions – exemple du Concorde (cf. le communiqué “Epave du
Concorde: tous les risques sont-ils pris en compte ?” sur le site
Internet de Robin des Bois), les incendies d’entrepôts et de
plates-formes logistiques contenant des marchandises diverses,
d’usines, de stocks de pneus (cf. le dossier pneus de Robin des
Bois: http://www.robindesbois.org/dossiers/pneus2005.pdf) ou de
toutes autres sources susceptibles d’émettre dans l’atmosphère
des contaminants toxiques et persistants devraient être pris en
compte par les
associations spécialisées dans l’analyse de la qualité de l’air
et faire l’objet systématique d’un suivi environnemental et
agricole et si nécessaire sanitaire auprès des pompiers, des
secouristes et des populations riveraines et sous l’influence des
panaches de fumée. Les déchets d’incendie et les eaux
d’extinction doivent faire l’objet d’une surveillance immédiate
et leur gestion devrait être financée par des fonds immédiatement
disponibles avancés si nécessaire par les préfectures.
Conclusion
sous forme de commentaires
Les incendies de
forêts et d’autres écosystèmes végétaux deviennent de plus en
plus prégnants à cause de la persistance d’anciennes pratiques
agricoles et de la mixité grandissante des zones résidentielles ou
récréatives et des forêts. Le réchauffement climatique est à
l’évidence un facteur supplémentaire de risques. La toxicité
naturelle des feux est renforcée par l’inclusion de décharges,
d’usines et de stockages et par les dépôts secs issus de la
pollution atmosphérique chimique et radioactive globale.
Sur le plan
national, la prévention des incendies de forêts, qui sont le plus
souvent provoqués par des imprudences, est prioritaire.
Les précautions
sanitaires en cas d’incendies persistants et cumulés restent en
Europe sous-évaluées ou inconnues comme en témoigne le manque
total de communication à ce sujet pendant les incendies de cet été
2007 en Grèce.
Le projet
européen Phoenix sur l’écologie des incendies et leur suivi
environnemental et sanitaire a été initié en 2005. Ses travaux,
son budget, et son autorité doivent être renforcés. Le CEMAGREF,
l’Institut National de la Recherche Agronomique, l’Unité de
Recherches Forestières Méditerranéenne en font partie.
Il y a une
vingtaine d’accords internationaux sur les incendies de forêts. Il
s’agit exclusivement d’accords bilatéraux mobilisables en cas
d’urgence entre 2 pays frontaliers comme l’Argentine et le Chili,
la Finlande et la Fédération de Russie, le Canada et les
Etats-Unis. Environ 80 pays ont dans leur législation forestière
des articles sur la maîtrise ou la prévention des incendies de
forêts.
La Convention
Internationale sur le transport à longue distance des pollutions
atmosphériques
ne prend pas en compte les fumées d’incendies industriels ou de
forêts. Il existe déjà une convention européenne sur les effets
transfrontières des accidents industriels. Elle oblige la partie
signataire à informer les pays riverains de risques potentiels
soulevés par une activité industrielle implantée sur son
territoire et à partager les informations techniques.
Une convention
similaire concerne la prévention des pollutions des cours d’eau et
lacs internationaux.
Un instrument
international spécifique ou annexé à une des conventions citées
précédemment est indispensable. Dans le bassin méditerranéen,
50.000 départs de feux brûleraient chaque année 700.000 à 1
million d’hectares. Un accord régional s’y impose tout
particulièrement dans les années à venir.
(10 août 2010)
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