Palestine-Israël
Guerre coloniale et «crimes de guerre»
Le mardi 25 mars, le congrès du Parti travailliste israélien a suivi le général Ehoud Barak dans sa volonté de tirer des bénéfices politiques et matériels au travers de sa participation au gouvernement de Benjamin Netanyahou. Ce dernier pourra ainsi présenter un gouvernement d’unité nationale et se trouver en meilleure position pour «négocier» avec l’administration Obama. Autrement dit, pour ne faire aucune concession, pour autant que la secrétaire d’Etat Hillary Clinton exige des concessions. Plus significative que l’alliance passée antérieurement avec Avidgor Lieberman – raciste déclaré – et le parti ultraorthodoxe séfarade Shass est la volonté affirmée de construire 3000 logements supplémentaires à Maale Adoumime, une colonie située entre Jérusalem et la mer Morte. Déjà quelque 40'000 colons y habitent. Et cette colonie sectionne en deux parties le territoire occupé de Cisjordanie. Or, y compris l’administration W. Bush avait manifesté, du moins formellement, son opposition à l’installation de cette colonie. Cette nouvelle opération coloniale s’ajoute au plan de «nettoyage ethnique» de Jérusalem-Est. Dès lors, quiconque oserait parler, avec sérieux, de «négociations» avec l’Autorité palestinienne – reprenant des formules du duo Barak-Netanyahou – ferait preuve de cécité volontaire. Même si l’Autorité palestinienne, sous la houlette de Mahmoud Abbas, est prête à s’engager dans tout type de négociations, dont l’objectif pour le gouvernement israélien est que l’AP maintienne l’ordre en Cisjordanie.
Ce tableau de la situation politico-gouvernementale israélienne se constitue sur l’arrière-fond des rapports publiés par les quotidiens Haaretz et Maariv ayant trait aux pratiques criminelles de l’armée israélienne face à la population civile lors de l’offensive «Plomb durci» contre Gaza.
Le jeudi 19 mars, Ehoud Barak répétait la formule traditionnelle utilisée en Israël: «L’armée israélienne est la plus morale du monde.» Cette moralité a particulièrement été mise en relief par les aumôniers rabbins de l’armée. Comme l’écrit B. Loos: «Ces aumôniers juifs zélés ont incité les soldats à ne faire aucun quartier. Selon les témoignages des soldats, “leur message était clair, nous sommes le peuple juif, nous devons à un miracle d’être venus sur cette terre, Dieu nous y ramenés et il faut maintenant que nous combattions pour expulser les païens qui s’opposent à notre conquête de la Terre sainte”.» (Le Soir, 26 mars 2009) Après ces révélations – qui n’en sont pas vraiment, mais qui ont reçu un statut officiel grâce à un rapport – l’aumônier principal, le général Aichat Rontzki, a été un peu «réprimandé» pour la forme. Il avait pris la décision de diffuser une brochure demandant aux soldats de se montrer «sans pitié face à l’ennemi cruel». Rien de bien étonnant, sur le fond, pour celles et ceux qui connaissent la fonction, dans les conflits guerriers et coloniaux, du couple «sabre et goupillon».
Le quotidien Haaretz posait la question: «Israël peut-il nier les récits de ses propres soldats ?» Et de répondre: «Les soldats ne mentent pas, pour la bonne raison qu’ils n’ont aucune raison de mentir.» On le comprend lorsqu’on lit la déclaration d’un de ces soldats: «Ce qu’il y a de bien à Gaza. Tu vois quelqu’un marcher sur une route. Il n’a pas besoin d’être armé, tu n’as pas besoin de l’identifier, tu tires et c’est tout. Avec nous, c’était une vieille femme, sur qui je n’ai vu aucune arme. L’ordre était de l’éliminer au moment où tu la voyais.» Autrement dit, l’exécution de civils participait d’une action normale. Pourquoi dès lors mentir ? La pratique coloniale étayée sur l’idéologie sioniste présente ne peut qu’aboutir à cette «normalisation» de crimes de guerre.
De fait, c’est ce que l’ONG israélienne Médecins pour les droits de l’homme (PHR), suite à une enquête sur les pratiques de l’armée lors de l’offensive contre la population de Gaza, a constaté: «Tsahal a violé de code d’éthique médicale en entravant l’évacuation de blessés et en attaquant des secouristes palestiniens.» Le rapporteur spécial onusien sur la situation dans les territoires palestiniens, l’Américain Richard Falk, professeur de droit international, le lundi 23 mars à Genève, exigeait une commission d’experts afin de déterminer s’il était possible de distinguer, à Gaza, entre cible militaire et population civile. Il concluait: «Si ce n’était pas possible, alors l’offensive [israélienne] est par nature illégale et constitue un crime de guerre de la plus grande ampleur.» (Libération, 25 mars 2009)
Human Rights Watch (HRW) a dénoncé le 25 mars, dans un rapport intitulé «Pluie de feu: l’usage illégal du phosphore blanc à Gaza de la part d’Israël», l’utilisation entre le 27 décembre et le 18 janvier du phosphore blanc sans qu’il soit possible d’en protéger les civils, pour reprendre la formule de l’avocat de HRW Bill Van Esveld (El Pais, 26 mars 2009). HWR a collecté des restes de bombes au phosphore blanc sur le toit de maisons, dans une école de l’ONU, dans un hôpital, etc. Or, selon la Convention de Genève, blesser «délibérément des civils de manière non nécessaire constitue un crime de guerre», a déclaré Van Esveld. Le phosphore blanc est censé être utilisé pour camoufler des opérations militaires au moyen d’un rideau de fumée. Déjà en janvier, les médecins qui soignaient les Gazaouites gravement brûlés – et décédés suite à ces blessures – multipliaient les exemples d’utilisation du phosphore blanc alors que l’armée israélienne et ses porte-parole en déniaient l’utilisation lors de leurs multiples interventions télévisées.
Les crimes de guerre perpétrés par les forces armées israéliennes sont aujourd’hui indéniables. Même si cela apparaissait évident pour ceux et celles qui manifestaient une simple volonté d’appréhender la réalité de l’opération «Plomb durci», les dénonciations présentes couplées aux témoignages des soldats israéliens font que l’accusation de crimes de guerre acquiert une légitimité du point de vue du droit international. Que fera le gouvernement suisse, Micheline Calmy-Rey entre autres, face à ce constat ?
Les enquêtes des ONG, du rapporteur de l’ONU, les témoignages des soldats permettent aussi d’éclairer le contenu de la politique coloniale de l’Etat sioniste et le «simple» fait que cette configuration politico-étatique ne peut qu’aboutir à des «crimes de guerre». (Réd. )
(26 mars 2009)
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