France

 

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De la Bastille à Montreux:
pour la régularisation des sans-papiers

Charles-André Udry

Le gouvernement Sakozy a attendu que prenne fin le sommet France-Afrique à Nice pour évacuer deux lieux occupés par des travailleurs et travailleuses sans papiers. Depuis le jeudi 27 mai, des sans-papiers avaient occupé les escaliers du prestigieux et symbolique Opéra-Bastille (Paris). Le jeudi 3 juin, au matin, les CRS ont délogé, avec les méthodes qui leur sont habituelles, les 200 à 300 sans-papiers, pour l’essentiel d’origine africaine. Le mercredi 2 juin, les forces de police avaient fait de même, en «évacuant» les sans-papiers qui s’étaient installés dans les locaux de l’Organisation internationale de francophonie, dans le IXe arrondissement de Paris, un lieu qui renvoyait explicitement à la tenue du sommet France-Afrique. Faut-il rappeler que le prochain sommet de la francophonie se tiendra à Montreux (Vaud-Suisse) du 22-24 octobre 2010.

A la Bastille, selon une animatrice du Réseau éducation sans frontières (RESF), Véronique Percebois: «Les policiers ont d'abord essayé de sortir un à un les grévistes, mais comme ça ne marchait pas, ils ont lancé du gaz lacrymogène depuis le haut des marches. Cela a été violent, il y avait des personnes en état de choc.»

Selon les indications de Raymond Cheveau, l’un des coordinateurs du mouvement des sans-papiers salariés de la CGT: «A priori, l’intervention ne s’est pas faite à la demande de l’Opéra ni de la ville de Paris, qui nous ont indiqué qu’ils n’avaient pas demandé l’intervention de la police. Rien ne laissait présager cette intervention qui n’a pas été évoquée de quelque manière que ce soit, alors qu’hier, officiellement, nous étions en réunion avec la direction générale du travail. On était réellement sur le dossier dans un travail constructif – comment envisager une procédure de régularisation pour des travailleurs sans papiers qui travaillent au noir – et aujourd’hui on nous envoie les CRS, c’est un peu particulier comme technique.» Quant à la préfecture de police de Paris – avec des accents que l’on retrouve en Suisse – elle a souligné que ce rassemblement «constituait une gêne importante pour la libre circulation des personnes sur une des places les plus fréquentées de Paris». Il y a «libre circulation» et «libre circulation» !

Le bref film – trois minutes – qui a été présenté à la Cinémathèque de Paris est une sorte de manifeste qui traduit avec force et exactitude le sens de la régularisation revendiquée par les sans-papiers et en quoi leur lutte rejoint celle des salariés qui, aujourd’hui, face aux plans d’austérité et à la précarisation de leur statut, se retrouvent face à l’exigence d’un mouvement commun à l’échelle de chaque pays et aussi à l’échelle de l’Europe. Le sommet de la francophonie, en octobre 2010, pourrait être une échéance politique pour faire valoir l’ensemble des revendications de régularisation existant en Europe.

Un mouvement comme celui de l’entreprise de nettoyage SENI, à Ivry-sur-Seine, est illustratif de la convergence d’intérêts entre salariés «réguliers» et sans-papiers. Quelque 250 travailleurs sans-papiers y revendiquaient: la régularisation administrative; une augmentation des salaires; de véritables contrats de travail à 35 heures et non le travail à la mission; le paiement des heures supplémentaires; le paiement du temps de transport entre les chantiers; la réintégration de tous les salariés injustement licenciés ou «démissionnés»; des vestes et tenues de travail; des moyens de protection élémentaires pour les chantiers à risques… ! Des revendications que les sans-papiers utilisés massivement par des «sous-traitants» en Suisse – contrôlés de fait par les grands donneurs d’ordre – dans le coffrage et le ferraillage pourraient, en grande partie, faire leur.

(4 juin 2010)

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