France
Olivier Besancenot
Olivier Besancenot: «Notre stratégie a été illisible»
Entretien avec Lilian Alemagna *
Le NPA s’interroge. Concurrencé par le Front de gauche [qui réunit le Parti communiste français, le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et la Gauche unitaire de Christian Piquet, ex-courant de la LCR], le Nouveau Parti anticapitaliste [NPA] a vu son score tomber à 2,07% aux élections régionales. Son porte-parole, Olivier Besancenot, envisage sans état d’âme de s’éloigner un peu du devant de la scène. (L.A.)
La journée d’action sur les retraites a été un succès. La gauche peut-elle faire reculer le gouvernement ?
Le retrait de la réforme Woerth est possible. La crise du capitalisme suscite des remous politiques et des dissensions au sein des classes dominantes et à droite. La campagne unitaire menée par Attac et la Fondation Copernic commence à porter ses fruits. Les équipes militantes ressortent de ces meetings gonflées à bloc. Toute la gauche est d’accord pour dire «on ne touche pas à la retraite à 60 ans».
Alors frappons sur le même clou pour montrer que quelque chose est en train de se passer, comme lors de la lutte contre le CPE [Contrat de première embauche qui suscita une forte mobilisation entre février et avril 2006]. Ce 24 juin 2010 n’est qu’un apéritif. Le plat principal sera servi à la rentrée, dès début septembre avec de nouvelles manifestations; puis avec la grève générale européenne prévue le 29 septembre.
Le partage des richesses et du temps de travail permettrait de sauver nos retraites, de revenir aux 37,5 annuités, et même de laisser partir avant 60 ans les travailleurs des métiers les plus pénibles. Si les salarié·e·s travaillaient moins longtemps dans les entreprises, tout le monde pourrait enfin se procurer un travail. Et s’il n’y avait pas 5 millions de chômeurs, les caisses de retraite seraient pleines.
Cette bataille sur les retraites marque votre retour au premier plan depuis les régionales. Pourquoi cette absence dans l’intervalle ?
Sur le terrain quotidien, il n’y a pas eu d’absence. J’ai continué à militer contre les licenciements, la destruction des services publics, à la Poste, pour les sans-papiers, la Palestine… Je n’ai pas pensé une seule seconde arrêter la politique. En revanche, j’ai sciemment assumé une discrétion médiatique. D’abord parce que nous avons pris une belle gamelle électorale. Ensuite pour que la base du parti puisse s’approprier des débats compliqués.
Quelle leçon tirez-vous des élections régionales de mars 2010 ?
Le reflux des luttes sociales ne nous a pas aidés. De plus, nous sommes passés à côté. Notre stratégie a été illisible. A la fois dans nos alliances à géométrie variable, mais aussi sur nos propositions, difficilement identifiées.
Jusqu’à présent, nous arrivions à faire la synthèse entre une orientation à la fois unitaire et radicale. Cette fois nous avons perdu sur les deux tableaux.
Vous allez devoir choisir ?
Non. Nous devons réussir cette synthèse d’une orientation à la fois unitaire et radicale. Je reste persuadé que le projet du NPA donner une nouvelle représentation politique aux militants du mouvement social qui ne se sentent représentés par aucun parti – reste d’actualité.
Le NPA est coupé entre ces deux orientations. Comment éviter le clash au congrès de novembre 2010 ?
En définissant une orientation politique qui ne soit pas exclusivement tournée vers les élections. Si nous voulons éviter un nouveau mandat de Sarkozy, nous devons l’affaiblir dès aujourd’hui.
Puis, hors compétition électorale, nous devrons montrer que sur le terrain, entre anticapitalistes, marxistes et écosocialistes, des convergences sont possibles.
Votre handicap n’est-il pas que votre espace politique est aujourd’hui occupé par un Front de gauche qui paraît plus crédible ?
Lorsque nous avons fondé le NPA, le Front de gauche se créait et n’occupait pas sa place actuelle, à la gauche de la gauche. Alors comment pèse-t-on sur le cours des choses ? De l’intérieur, par un jeu d’alliances contre-nature avec le PS ? Ou de l’extérieur ? On achoppe sur cette question à chaque échéance électorale.
Un autre problème pour le NPA est la personnalisation autour de vous…
Nous en avons trop joué. Les solutions intermédiaires, homéopathiques pour montrer les autres visages du parti, ne marchent pas. Il faut se faire violence et accepter d’avoir un certain temps moins de représentation médiatique pour faire émerger un nouveau ou une nouvelle porte-parole, voire plusieurs. C’est à l’ordre du jour du congrès de novembre.
Cela signifie que vous ne serez plus porte-parole du NPA ?
On va discuter de tout ça collectivement. J’ai envie de prendre une place nouvelle dans la direction du NPA. Continuer à être présent dans les campagnes politiques et sociales. Etre sur le terrain de la réflexion politique et des idées. Travailler sur la perspective du regroupement européen des forces anticapitalistes.
Ça fait dix ans que je suis porte-parole de la LCR, puis du NPA. J’en ai fait le tour et j’en suis heureux. Mais la rupture doit se faire. Le NPA va rebondir et ce rebond-là, il faut l’incarner. Le changement qualitatif et quantitatif entre la LCR et le NPA ne s’est pas traduit dans la représentation grand public.
Donc, pour 2012, pas de nouvelle candidature Besancenot ?
Allons-y étape par étape dans les annonces. Dans un premier temps, le problème pour le NPA est d’avoir un ou plusieurs nouveau(x) porte-parole et de discuter à son congrès de son orientation. Nous déciderons ensuite, en juin 2011, du choix du candidat.
* Entretien publié dans le quotidien français Libération le samedi 26 juin 2010.
(27 juin 2010)
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