Europe

Manifestation contre la guerre à Londres lors de la venue de Bush

Une autre Europe est possible ! Une autre gauche est nécessaire !

Nous publions ici le texte définitif de la déclaration adoptée lors de la réunion de gauche anticapitaliste européenne à Paris en novembre. La liste des signataires se trouve au bas de ce texte.

L'appui donné à la ligne générale de ce texte par le Mouvement pour le socialisme (Mouvement pour le socialisme), Movimento per il socialismo (MPS) et Bewegung für den Sozialismus (BFS) indique sa volonté de participer et poursuivre un débat nécessaire, à l'échelle du continent européen. Ce débat ne fait que renaître, sous les effets d'une relance des luttes sociales et des mobilisations anti-guerre et altermondialiste. Mais son urgence est aussi liée aux coups qui continuent à être portés contre l'ensemble des salarié·e·s par les forces de la contre-réforme néconservatrice d'ensemble qui produit une crise aux multiples facettes, sur laquelle s'appuient aussi des forces de droite extrême. réd.

Pour la première fois depuis 20 ans, une contre-offensive est lancée pour arrêter les désastres qui nous menacent: les guerres, la politique néolibérale,  le désastre écologique.

Des millions de travailleurs et travailleuses, jeunes et vieux, organisés dans une multitude d'associations, syndicats, partis ou simplement non-organisés ont, par centaines de milliers, voire des millions, occupé la rue, déclenché des grèves de masse, paralysé parfois l'appareil d'Etat. En trois ans, l'atmosphère a changé. On respire.

A Gênes, en juillet 2001, on a voulu écraser le mouvement sous une répression féroce, mais il a survécu et rebondi. En novembre 2002, 60.000 jeunes et moins jeunes, de toute l'Europe, ont convergé vers Florence pour y poser les premiers fondements d'un nouveau mouvement social européen. Le lendemain, un million de manifestants y ont lancé un avertissement à ceux qui nous gouvernent: Non à la guerre ! Non à la destruction de nos droits ! Trois mois plus tard, le 15 février 2003, ce furent plusieurs dizaines de millions, qui partout dans le monde, luttaient pour arrêter la barbarie de la guerre.      

Ce soulèvement planétaire pour une paix générale a pris, en Europe, le caractère d'un plébiscite continental: face à l'UE, une autre Europe, par en bas, par la révolte des exploités et opprimés dans tous les pays-membres.

Le Grand Capital européen ne s'y est pas trompé: les attaques redoublent dans tous les pays membres et sur tous les terrains, malgré cette opposition forte et de plus en plus cohérente. 

Non à la Constitution ! Oui à une autre Europe !

Quinze gouvernements vont bientôt imposer, à huis clos, une Constitution à 450 millions d'habitants ! C'est inouï ! C'est une rupture avec toute la tradition parlementaire établie depuis les révolutions démocratiques des 17e et 18e siècles !

A la  place d'une Europe sociale promise, c'est une Europe-Puissance qui s'impose: grâce aux guerres (l'Irak 1991, les Balkans tout au long des années '90, la nouvelle guerre américaine) et la conquête économique (la chute de l'URSS et ensuite les pays de l'Est).

Nous disons «non !» à la Constitution, non à cette UE.

Cette Constitution est inacceptable et dangereuse.

D'abord, elle consacre la primauté absolue du marché ; elle interdit légalement toute entorse à la propriété privée et aux rapports marchands. Et elle refuse légalement de prendre en compte les acquis sociaux, imposés sur le plan national par un siècle et demi de luttes ouvrières: les droits sociaux fondamentaux, les lois sur les conditions de travail, les conventions collectives, la présence et intervention syndicales au sein des entreprises, le droit de grève, le droit d'association, ...Alors que le fonctionnement du Capital est centralement appuyé et institutionnalisé, les normes du Travail restent  décentralisées sur le plan national et deviennent obsolètes sur le plan européen ! Il s'en suit une concurrence systématique, à outrance, entre classes salariales des pays-membres et au sein de chaque pays.           

Ensuite, la contrainte  budgétaire (inscrite dans les critères de Maastricht) la contrainte budgétaire) réduit radicalement les allocations sociales et empêche une politique économique publique. A partir de là, la privatisation systématique des services publics et de la sécurité sociale devient «inévitable», car «impayables» . Le Capital industriel et financier y trouve un vaste terrain très lucratif. Les super-riches s'enrichissent. Les couches populaires en pâtissent: les travailleurs/euses, la jeunesse, les chômeurs et précaires, les femmes, les immigré(e)s, ...L'inégalité sociale n'a jamais été aussi forte depuis 50 ans.

Troisièmement, la Constitution confirme son caractère semi-despotique anti-démocratique: le vrai pouvoir politique reste dans les mains des gouvernements (le Conseil européen) et subsidiairement la Commission. La Banque Centrale Européenne est totalement indépendante, sans transparence, et elle n'a de comptes à rendre à personne. C'est unique au monde !  Le Parlement européen n'est pas comparable à un parlement national: faire des lois, adopter le budget ; désigner l'exécutif (gouvernemental). Certes l'UE est une construction complexe. Mais ce qui est sûr: dans l'UE le pouvoir n'émane pas des citoyens et des peuples, mais des gouvernements ! C'est le monde à l'envers !

Finalement, l'UE et ses  pays membres sont désormais légalement obligés de renforcer leurs capacités militaires et d'agir en étroite coopération avec l'OTAN. Cette obligation légale ouvrira la manne pour le complexe militaro-industriel. C'est la voie vers un militarisme à l'européenne. La «défense européenne» - que la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne impulsent - confirme la volonté politique ainsi la place qu'elle veut occuper sa place au sein du dispositif impérialiste face aux Etats-Unis.

 Nous disons non à cette Europe, pas en défense de notre Etat national, mais en faveur d'une autre Europe- sociale et démocratique, écologiste et féministe, pacifique et solidaire. 

La responsabilité des partis socialistes européens

Aucune personne ou organisation qui se réclame de la gauche, ne peut être d'accord avec le contenu de cette Constitution.

Pourtant la social-démocratie européenne et les partis Verts ont déjà pris parti: pour eux ce sera «oui».  Certes, disent-ils, tout cela  n'est pas parfait, mais c'est un moindre mal et on peut l'améliorer.

Trois justifications sont avancées pour avaler cette pilule amère: l'UE serait un progrès par rapport au passé, et doncla défaire c'est tomber dans le nationalisme, les guerres européennes, etc. ; l'UE et surtout sa Commission défendent «le communautaire» «donc» cela aide le mouvement syndical européen ; l'UE doit devenir une force économique, politique et, donc, militaire dans le monde et faire «contre-poids» aux Etats-Unis. 

Ce «moindre mal» ronge la politique comme un cancer.

En ce nom, les partis sociaux-démocrates avaient avalé l'intégralité du  programme néolibéral des patrons européens et l'évolution régressive de l'UE. Aujourd'hui, au nom du moindre mal, ils veulent imposer une Constitution qui est un pistolet sur la tempe des peuples et du monde du travail.

Ils auraient pu arrêter cette machine infernale. Ils auraient pu empêcher la «contre-réforme néolibérale». Ils auraient pu bloquer cet appareil européen antidémocratique. Ils auraient pu faire bloc avec la CES (Confédération Européenne des Syndicats) et mobiliser à l'échelle européenne. D'autant plus qu'au moment décisif de l'UE, à la fin des années '90, les PS dirigeaient 12 sur 15 gouvernements et dominaient les principales institutions de l'UE (Commission, Conseil).

Aujourd'hui, dans l'opposition, ils essayent de se reconvertir «à gauche». Mais le monde du travail, les femmes, les jeunes, les immigré(e)s, ... n'ont pas oublié la douleur que les PS leur ont infligée. Blair et Schröder, aujourd'hui au pouvoir, sont là pour nous rappeler quelle est leur véritable politique social-démocrate. Comme le duo Fischer-Cohn-Bendit étale sans scrupule leur rôle au service de la classe dominante et de l'Europe-Puissance.

La renaissance du mouvement social et syndical

Le mouvement «alterglobaliste» a brisé cette longue impasse de 20 ans, et crée une alternative pour la gauche et une perspective d'émancipation. Une nouvelle génération politique monte aux créneaux.  Ces dernières années, dans des pays comme l'Italie, la France, la Grande Bretagne, la Grèce, l'Espagne ... des millions de travailleurs et jeunes se sont trouvés coude à coude dans des mobilisations anti-guerre et les luttes des travailleurs/euses. Ce mouvement d'emblée international est devenu, en peu de temps, une référence dans la société et un point de ralliement pour une multitude de forces sociales et d'organisations. Il a donné naissance, à l'échelle planétaire, à un mouvement anti-guerre sans précédent dans l'histoire. Il a, en même temps, posé les bases d'un nouveau mouvement social européen (Florence). Aujourd'hui, le FSE est sur le seuil d'opérer la jonction avec le monde du travail dans les pays «riches» en s'emparant de deux questions sociales fondamentales: l'exploitation du travail et l'oppression des femmes.

Face à l'UE, face aux patronats, face aux classes dominantes, le mouvement syndical traditionnel accuse un retard inquiétant, tant la Confédération Européenne Syndicale que chacune des Confédérations nationales.  Où sont les rencontres européennes, les ripostes européennes,  les programmes d'action européens, les actions et les grèves européennes, la stratégie européenne face à un patronat transnational et organisé internationalement ?! Où était la grève européenne contre la guerre, alors que 15 février tous les peuples d'Europe occupaient les rues de Londres, Rome, Paris, Berlin, Bruxelles, Amsterdam, Madrid,... ? Comment se battre pour conquérir cette «autre» Europe ?

Il faudra un nouveau mouvement social de masse, syndical et citoyen, pour affronter les enjeux clés du futur.

Les élections européennes de 2004 

La Constitution de l'UE nous concerne tous et toutes. Mais l'UE évite à tout prix la seule et vraie mesure: que les peuples d'Europe décident sur l'Europe ! Certains gouvernements craignent même la tenue d'un référendum !

En réalité, l'UE mise tout sur les élections européennes de juin 2004 pour faire passer son projet en contre-bande.

Nous disons: chiche !

Nous transformerons les élections européennes de juin 2004 en une vaste campagne contre la Constitution de l'UE et en faveur d'une autre Europe, contre la politique néolibérale et pour un programme anticapitaliste ; contre la guerre et pour le désarmement général des Etats.

Pays par pays, nous proposons de constituer les plus larges coalitions possibles pour déposer des listes qui défendent ses revendications et cette perspective du mouvement social européen.  

Oui, une autre Europe est possible, mais à la condition que toutes ces forces sociales qui se sont mobilisées depuis quatre ans, luttent pour leurs revendications et leurs programmes dans la rue et dans les urnes. Par des mobilisations et par les élections. 

Pour la première fois depuis 25 ans, s'est dégagé un vaste milieu contestataire, internationaliste et anticapitaliste, à l'échelle mondiale, variable de pays en pays. Personne, aucun parti politique est capable de récupérer ou de manipuler cette force fière et consciente. Pourtant cette crainte existe. La meilleure manière de l'éviter, c'est de s'emparer de la politique. Et de s'engager collectivement dans la bataille lors de ces élections sur la base des revendications essentielles du mouvement social vit déjà sein du Forum Social Europe. Sinon on risque de tomber dans l'absurde: le mouvement social lutte sur le terrain, mais il laisse la «conclusion» politique aux partis traditionnels de la gauche libérale.

 Une autre gauche est nécessaire !

Il faut une nouvelle force politique: anticapitaliste et européen

Face à la gauche néo-libérale, il faut une alternative politique qui correspond à la gauche sociale anticapitaliste. C'est aux dizaines de milliers d'hommes et de femmes, jeunes et vieux, travailleurs et citoyens engagés dans le mouvement et les mobilisations, de bâtir cette nouvelle force anticapitaliste. Personne d'autre ne le fera à leur place. Y renoncer par inertie, méfiance, réticence ou incompréhension, c'est laisser les mains libres à l'éternel retour du social-libéralisme ; ce qui est un désastre. Si un espoir ne se manifeste pas dans les élections européennes, après les énormes efforts que nous avons déployés dans l'action, la démoralisation guettera. 

Il faut travailler ensemble sur une base radicale, unitaire et pluraliste.

La Gauche Anticapitaliste Européenne veut y contribuer sans arrogance. Elle n'est pas  différente de la gauche sociale ; elle est partie prenante de la gauche sociale.

Nous sommes dans le mouvement social et «alterglobaliste», depuis le début, pour le construire et le renforcer.

Notre programme reflète la même sensibilité programmatique qui parcourt le mouvement social: anticapitaliste et écologiste, anti-impérialiste et anti-guerre, féministe et citoyenne, antiraciste et internationaliste. Comme alternative au capitalisme: une société socialiste et démocratique, autogérée et par en bas, sans exploitation du travail et oppression des femmes, basé sur le développement durable. Comme stratégie, une orientation sociale très articulée sur les questions qui ressortent dans la vie quotidienne des salarié·e·s: pour chacun et chacune, un emploi plein et stable, un salaire décent, un revenu de remplacement viable (en cas de chômage, de maladie ou invalidité, de retraite); un droit à un logement; une éducation et formation professionnelle; des soins de santé de qualité. Pour cela il faut renverser la politique néo-libéralisme et rompre avec le capitalisme:  (re)développement des services publics, une refonte du budget de l'Etat et une redistribution des richesses du Capital vers le Travail ; bref: pour réaliser ses objectifs sociaux, prendre toutes les mesures anticapitalistes nécessaires y compris la substitution de la propriété sociale à la propriété privée.      

Seule une nouvelle force politique et sociale de masse et à l'échelle de notre continent sera capable d'imposer nos revendications sociales et nos espoirs d'un monde meilleur. 

Une «autre Europe» est possible, mais une autre gauche est nécessaire.


Les organisations suivantes ont participé à cette réunion:

1. comme membres: Alliance Rouge Verte (RGA, Danemark), Parti socialiste écossais (SSP, Ecosse), Ligue communiste révolutionnaire (LCR, France), Bloc de gauche (BE, Portugal), Alliance socialiste (SA, Angleterre), Parti socialiste des travailleurs (SWP, Angleterre), La Gauche (DL/LG, Luxembourg), Espace alternatif (EA, Espagne), Zutik (Pays Basque), Gauche unie et alternative (EUiA, Catalogne), Mouvement pour le socialisme (MPS, Suisse), SolidaritéS (Suisse), Parti de la solidarité et la révolution (ÖDP, Turquie) ;

2. comme invités: Parti socialiste (SP, Irlande), Parti socialiste (SP, Angleterre), Parti de la refondation communiste (PRC, Italie), Synaspismos (Grèce), Parti communiste allemand (DKP, Allemagne), Parti communiste autrichien (KPÖ, Autriche)

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