Colombie
Securitas, filiale de Securitas-Suède, en Colombie
Amnesty International, Uribe
et les atteintes aux droits de la personne,
en
présence de Nestlé, Holcim, Xstrata, la SGS et… Securitas !
Rédaction
En juillet 2008 se tenait la session du «Tribunal permanent des peuples» à Bogota, en Colombie. Parmi les firmes qui étaient «jugées» pour activités antisyndicales, pour déplacements de populations, atteintes aux droits des populations autochtones et diverses autres «initiatives» de ce type – s’inscrivant, de fait, dans la politique répressive du gouvernement Uribe – on pouvait relever, sans surprises, les noms de Nestlé, de Holcim – le géant du ciment appartenant à Thomas Schmidheiny – et de Xstrata, la société listée aux Bourses de Zurich et Londres et ayant son siège à Zoug. (voir notre article en date du 19 mai 2009)
On trouve aussi, en Colombie, une filiale de firme transnationale bien connue Securitas dont le siège est à Stockholm, la neutre suédoise. Sa filiale en Suisse se nomme Protectas.
La firme suisse qui porte le même nom – mais n’est pas intégrée à Securitas (Suède) – a été créée en 1907. C’est elle qui a organisé l’infiltration d’un groupe d’attac (Suisse) qui étudiait, lui, les activités de Nestlé en Colombie. Homonymie ne signifie pas similitude ; bien que «l’esprit» guidant les activités relève de la même inspiration. Securitas suisse, selon ses dires, «est aujourd’hui synonyme de sécurité privée». Et elle n’hésite pas à se présenter ainsi: «Origine divine: “Securitas” est un mot latin qui désignait à l’origine une divinité romaine personnifiant la sécurité du peuple.» On en sourit… divinement.
La société Securitas – celle dont le siège central se trouve à Stockholm – est, elle, présente en Colombie au travers de Seguridad Burns Colombia, une entreprise créée en 1966 et qui fut intégrée, par la suite, à la transnationale de la «sécurité». Securitas a des bureaux à Bogota, Cali, Medellin, Buenaventura. Ironie géographique du «tout surveillance», ou plus ? Pour qui arrive à Bogota, la présence des agents de Securitas Colombie ne passe pas inaperçue. Securitas peut-elle certifier qu’aucun ex-paramilitaire colombien – dont la spécialité consiste à se recycler, avec l’aide officielle, dans les sociétés dites de surveillance – figure parmi ses «collaborateurs» ? La réponse va prendre du temps… et échouer sur les plage du «secret des affaires». En effet, dans sa publicité en Colombie, Securitas avoue sa fidélité à la législation colombienne: «Nous répondons avec toutes les exigences à la Législation colombienne, sur la base des permis délivrés par la Superintedencia de Vigilancia y Seguridad Privada (sic !): le Ministère de la Communication et le Ministère de la sécurité sociale, et cela depuis notre création.»
A côté des firmes déjà citées, il faut évidemment ajouter: Novartis, Roche, Sandoz, Schindler, Sulzer, le Credit Suisse.
Et aussi la SGS de Genève, ce leader mondial «de l’inspection, du contrôle, de l’analyse et de la certification». Le genre d’activités – comme divers exemples dans l’histoire de la SGS l’ont démontré – que l’on ne peut mener qu’avec des appuis gouvernementaux. Soyons certains que le représentant des «anticapitalistes», qui milite dans l’exécutif de la ville de Genève, a interpellé à maintes reprises, la SGS pour ses activités en Colombie.
Si ce n’est pas le cas, l’occasion pourrait lui être fournie par la publication du rapport d’Amnesty International du la Colombie. Nous le publions ci-dessous. Cela pourrait faciliter la «réappropriation» du souffle «anticapitaliste» par celles et ceux qui participent à la gestion de la capitale protestante et des banques privées, gérantes de fortunes, dans tous les sens du terme.
Avant tout, nous publions ce rapport, car il indique, une fois de plus, que les «accords bilatéraux» signés entre la Suisse et la Colombie sont une facette de cette politique Janus bi-front – la DDC «aide» et «s’occupe de développement» d’un côté: les firmes helvétiques pillent et profitent de «l’ordre» imposé par le régime Uribe, de l’autre – menée par le Conseil fédéral, sous la houlette de sa responsable des Affaires extérieures: la «social-démocrate», Micheline Calmy-Rey. (Réd.)
Des centaines de milliers de personnes continuaient de subir les répercussions du conflit armé qui déchire la Colombie. Les principales victimes étaient des civils, en particulier des indigènes, des personnes d’origine africaine et des petits paysans, qui vivaient souvent dans des zones représentant un intérêt économique ou stratégique pour les différentes forces en présence. Toutes les parties au conflit – forces de sécurité, groupes paramilitaires et mouvements de guérilla – se sont rendues coupables d’atteintes généralisées et systématiques aux droits humains et de violations du droit international humanitaire. Si certains indicateurs relatifs aux violences dues au conflit, comme le nombre d’homicides et d’enlèvements, ont montré une nouvelle amélioration, d’autres signalaient une dégradation de la situation. Les déplacements à l’intérieur du pays ont augmenté et l’année a vu une forte hausse du nombre de menaces contre les défenseurs des droits humains et de meurtres de syndicalistes. Le nombre des homicides de civils imputables aux forces de sécurité restait à un niveau élevé. Bien que le gouvernement prétende le contraire, les groupes paramilitaires étaient toujours actifs. L’assassinat par des militaires de dizaines de jeunes gens a entraîné la révocation de hauts responsables militaires et contraint le chef des armées, le général Mario Montoya, à la démission. Plusieurs otages de grande notoriété ont été libérés après des années de captivité aux mains des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), mais des centaines de personnes demeuraient détenues par le groupe ou par l’Armée de libération nationale (ELN). On soupçonnait les FARC d’avoir perpétré, cette année encore, plusieurs attentats dans des zones urbaines. Les informations
judiciaires ouvertes sur certaines affaires emblématiques en matière de droits humains ont enregistré un certain nombre d’avancées, mais l’impunité constituait toujours un grave problème. L’extradition vers les États-Unis de chefs paramilitaires accusés de trafic de stupéfiants compromettait la poursuite des enquêtes ouvertes en Colombie sur les atteintes aux droits humains commises par ces hommes.
Conflit armé interne
Entre juin 2007 et juin 2008, au moins 1 492 civils ont été tués dans le cadre du conflit et au moins 182 personnes ont été victimes de disparition forcée: durant les douze mois précédents, ces chiffres s’élevaient respectivement à 1348 et 119.
Le 26 mai, un indigène accusé d’être un informateur de l’armée, Oscar Dogirama Tequia, a été assassiné par les FARC dans la municipalité de Riosucio (département du Chocó).
En octobre, au cours de manifestations de grande ampleur d’habitants indigènes du département du Cauca, qui s’inscrivaient dans le cadre de protestations nationales en faveur des droits fonciers et contre les atteintes aux droits humains, l’unité antiémeute de la police (ESMAD) aurait recouru
à une force excessive. Certains manifestants auraient par ailleurs fait preuve de violence. Des dizaines de protestataires et de membres des forces de sécurité ont été blessés, et plusieurs manifestants auraient été tués, selon certaines sources. À travers tout le pays, des dirigeants de communautés indigènes, afro-colombiennes et paysannes
ont été victimes d’une série de menaces et d’homicides: certains de ces responsables menaient campagne en faveur des droits fonciers.
Le 16 décembre, des soldats ont mortellement blessé par balle Edwin Legarda, le mari de la dirigeante
indigène Aída Quilcué, lors d’un incident dont les circonstances restent controversées. Cet homme se rendait en voiture à Popayán (département du Cauca) pour y chercher sa femme qui rentrait de Genève, où elle avait assisté à une session du Conseil des droits de l’homme [ONU] sur la Colombie.
Le 14 octobre, Walberto Hoyos Rivas, dirigeant de la communauté d’origine africaine du bassin de Curvaradó (département du Chocó), a été assassiné par des paramilitaires dans la zone humanitaire de Caño Manso. Cette zone comptait parmi plusieurs communautés mises en place par les populations locales dans le but de faire valoir leurs droits en tant que civils à ne pas être entraînés dans le conflit. Walberto Hoyos Rivas avait participé à des actions de protection des droits fonciers collectifs des communautés d’origine africaine du bassin du Curvaradó et avait échappé à une tentative de meurtre en 2007. Lorsqu’il a été abattu, il s’apprêtait à témoigner dans le procès de deux paramilitaires impliqués dans l’homicide d’un autre dirigeant communautaire.
Le nombre de nouveaux cas de déplacements forcés a fortement augmenté, passant de 191 000 pour les six premiers mois de 2007 à 270 000 pour la même période de 2008. Le sud du pays, où les affrontements entre forces de sécurité, groupes paramilitaires et mouvements de guérilla ont fait rage, a particulièrement souffert. Face à des attitudes profondément ancrées de discrimination, les personnes déplacées se retrouvaient mises à l’écart et confrontées à des difficultés encore plus grandes pour accéder aux services de base tels que la santé et l’éducation.
Les groupes de guérilla et les paramilitaires ont enrôlé de force des enfants. Les forces de sécurité se sont servi d’enfants comme d’informateurs, en violation d’une directive émise en 2007 par le ministère de la Défense qui interdisait le recours aux mineurs à des fins de renseignement. Le 12 février, le gouvernement a enfin accepté le mécanisme de surveillance et de communication défini en vertu de la résolution 1612 (2005) du Conseil de sécurité de l’ONU sur les enfants dans les conflits armés, mais a émis des réserves sur son éventuelle extension aux actes de violence sexuelle.
Par le Décret 1290 promulgué en avril, le gouvernement a mis en place un programme permettant aux victimes d’atteintes aux droits humains commises par des mouvements de guérilla et des groupes paramilitaires de recevoir une indemnisation financière de l’État. La question de la restitution des terres volées et des autres formes de réparations, de même que celle des réparations pour les victimes de violations perpétrées par les forces de sécurité, était néanmoins laissée de côté.
Approuvé en novembre par une commission du Congrès, un projet de loi sur les réparations pour les victimes d’atteintes aux droits humains n’avait pas encore été voté par le Congrès à la fin de l’année. Le bureau en Colombie du Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU] a jugé discriminatoire le texte dans sa forme actuelle, ses dispositions ayant été largement remaniées par la majorité progouvernementale de la commission.
Exécutions extrajudiciaires commises par les forces de sécurité
L’assassinat de dizaines de jeunes gens de Soacha, à proximité de Bogotá, la capitale du pays, a contraint le gouvernement à admettre enfin que les forces de sécurité se rendaient coupables d’exécutions extrajudiciaires. Présentées à tort par l’armée comme des «guérilleros tués au combat», les victimes auraient été tuées avec la complicité de groupes paramilitaires
ou de bandes criminelles. Le scandale provoqué par cette affaire a entraîné la mise à pied, en octobre, de 27 militaires, dont trois généraux, ainsi que la démission, en novembre, du chef des armées, le général Mario Montoya, qui avait été associé à des affaires de violations des droits fondamentaux. Le président Uribe a déclaré que les homicides de Soacha feraient l’objet d’une enquête par la justice civile et non par la justice militaire, qui revendique souvent sa compétence dans ce genre d’affaires et les classe sans suite sans avoir procédé à des investigations sérieuses.
Au moins 296 personnes ont été exécutées de manière extrajudiciaire entre juin 2007 et juin 2008, contre 287 entre juin 2006 et juin 2007. Les tribunaux militaires se sont déclarés compétents pour un grand nombre de ces affaires.
Lors d’une visite effectuée dans le pays en novembre, la haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a déclaré que les exécutions extrajudiciaires étaient systématiques et généralisées en Colombie.
Groupes paramilitaires
Les groupes paramilitaires étaient toujours actifs, bien que le gouvernement ait affirmé que tous les paramilitaires avaient été démobilisés dans le cadre d’un processus mis en place par les pouvoirs publics en 2003. Les paramilitaires ont, cette année encore, assassiné des civils et commis d’autres violations des droits humains, parfois avec le soutien ou l’assentiment des forces de sécurité. Quatre cent soixante et un homicides ont été attribués à des paramilitaires entre juin 2007 et juin 2008, contre 233 durant les douze mois précédents.
Le 14 juin, des membres des Milices paysannes d’autodéfense de Nariño, un groupe paramilitaire, ont fait irruption à San José de la Turbia, dans la municipalité d’Olaya Herrera (département de Nariño). Ils ont averti les habitants que la marine se trouvait à proximité et qu’ils travaillaient ensemble. Ils ont ensuite appelé Tailor Ortiz. Lorsque celui-ci a levé la main, les paramilitaires ont lancé: «Lui, on le tue tout de suite». Ils ont ligoté Tailor Ortiz et lui ont tiré des balles dans la tête. Puis ils ont déclaré: «À chaque fois qu’on viendra, ce sera pour quelqu’un d’autre.»
Entre 2006 et 2008, les autorités ont exhumé de 1441 charniers 1778 corps de victimes de disparitions forcées imputables à des paramilitaires. À la fin de 2008, seules les dépouilles de quelque 300 victimes avaient été identifiées et rendues à leurs familles. L’exhumation des corps était effectuée de manière parfois défaillante, ce qui rendait encore plus difficile l’identification des victimes, mais aussi celle des auteurs des homicides.
Malgré l’interdiction de ce genre de pratique depuis 2007, les forces de sécurité ont, comme les années précédentes, fait appel à des paramilitaires censés être démobilisés pour effectuer des opérations militaires ou de renseignement.
Processus Justice et paix
Plus de 130’000 victimes de violences commises par des paramilitaires ont déposé une demande officielle de réparations au titre du processus Justice et paix, qui permet aux paramilitaires qui ont rendu les armes de bénéficier de peines d’emprisonnement nettement réduites en échange d’aveux sur les violations des droits humains perpétrées et de réparations en faveur des victimes. Toutefois, 90 % des paramilitaires ne répondaient pas aux critères permettant de participer au processus et échappaient par conséquent à la justice. Des victimes témoignant dans le cadre du processus ont, cette année encore, reçu des menaces ou été assassinées. Par ailleurs, un grand nombre de paramilitaires ne collaboraient pas pleinement avec les tribunaux Justice et paix, notamment en ne rendant pas les terres dont ils s’étaient emparés. Ces irrégularités entravaient toujours les droits des victimes en matière de vérité, de justice et de réparation.
En mai, 15 chefs paramilitaires colombiens ont été extradés vers les États-Unis où ils avaient à répondre d’accusations de trafic de stupéfiants. La décision d’extradition est intervenue à la suite de déclarations du gouvernement colombien selon lesquelles ces hommes n’avaient pas respecté les dispositions du processus Justice et paix. Les autorités américaines soutenaient que les enquêteurs colombiens pourraient rencontrer les paramilitaires extradés. On craignait toutefois que ces extraditions ne compromettent les enquêtes menées par la Colombie sur les violations des droits humains commises par les paramilitaires et sur les liens que ceux-ci avaient pu entretenir avec des personnalités politiques ou d’autres responsables colombiens.
En mai également, la Cour constitutionnelle a déclaré que le programme gouvernemental de protection des victimes et des témoins participant au processus Justice et paix transgressait la double obligation constitutionnelle et internationale faite à la Colombie d’empêcher les discriminations et les violences contre les femmes.
Scandale «parapolitique»
Environ 70 membres du Congrès faisaient toujours l’objet d’une information judiciaire en raison de leurs liens présumés avec des groupes paramilitaires. Toutefois, de nombreux parlementaires ont démissionné de leurs fonctions, faisant ainsi en sorte que les enquêtes ne relèvent plus de la responsabilité de la Cour suprême
mais de celle des antennes locales de la Fiscalía General de la Nación (organe de l’État qui déclenche la procédure pénale, mène l’enquête et prononce l’inculpation). Ce transfert augmentait le risque de manipulations politiques. Si les poursuites engagées contre certains ont été abandonnées, d’autres parlementaires ont été reconnus coupables par la Cour suprême et condamnés à des peines d’emprisonnement.
Le scandale «parapolitique» a exacerbé les tensions entre le gouvernement et la Cour suprême: le premier affirmait que la Cour suprême était guidée par des intérêts politiques tandis que celle-ci accusait le gouvernement de chercher à compromettre les investigations. La plupart des parlementaires impliqués appartenaient à la coalition progouvernementale. En décembre, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a décidé l’octroi de mesures conservatoires en faveur du juge de la Cour suprême coordonnant l’information judiciaire sur le scandale, Iván Velásquez. Cette décision imposait au gouvernement colombien certaines obligations relatives à la sécurité du magistrat.
"Quatre cent soixante et un homicides ont été attribués à des paramilitaires ... contre 233 durant les douze mois précédents."
Mouvements de guérilla
Comme les années précédentes, les FARC et l’ELN se sont rendues responsables de meurtres de civils et d’enlèvements. Au moins 166 civils auraient été tués par des mouvements de guérilla entre juin 2007 et juin 2008. Ce chiffre s’élevait à 214 pour la période comprise entre juin 2006 et juin 2007.Le 16 janvier, les FARC auraient assassiné deux garçons de douze et quatorze ans dans la municipalité de La Hormiga (département de Putumayo). Leurs maisons familiales ont été incendiées. Ces homicides ont manifestement été commis à titre de représailles car les deux adolescents refusaient de rejoindre les FARC.
Les mouvements de guérilla avaient largement recours aux mines antipersonnel. En 2008, au moins
45 civils et 102 membres des forces de sécurité ont été tués: 160 et 404, respectivement, ont été blessés.
Le 27 juin, trois enfants indigènes de la réserve de Las Planadas Telembí, dans la municipalité de Samaniego (département de Nariño), sont morts après avoir marché sur des mines posées par des guérilleros.
Une série d’attentats a eu lieu dans des secteurs urbains, faisant une majorité de victimes civiles. Les autorités ont accusé les FARC d’être à l’origine de certaines de ces attaques.
Les autorités ont attribué aux FARC un attentat à l’explosif perpétré le 14 août à Ituango (département d’Antioquia). La déflagration a provoqué la mort de sept personnes et en a blessé plus d’une cinquantaine d’autres, dans un quartier de la ville où se déroulait une fête. Les FARC ont nié toute responsabilité dans cette explosion.
En mars, les troupes colombiennes ont attaqué une base des FARC en Équateur et assassiné le numéro deux du mouvement, Luis Edgar Devia Silva, alias Raúl Reyes. L’opération a entraîné une détérioration des relations entre la Colombie et les pays voisins.
D’après le gouvernement colombien, les données récupérées dans l’ordinateur de Raúl Reyes à la suite du raid ont révélé l’existence d’un «réseau de soutien» aux FARC dans plusieurs pays européens, et fait apparaître le nom de responsables politiques
colombiens ayant des liens avec les FARC. Le dirigeant du mouvement, Pedro Antonio Marín, alias Manuel Marulanda, est lui aussi décédé en mars de cette année, mais il s’agissait dans son cas de causes naturelles.
Impunité
L’impunité restait la norme dans la plupart des affaires
d’atteintes aux droits fondamentaux. Toutefois, des avancées ont été enregistrées cette année encore dans plusieurs enquêtes médiatisées, essentiellement à la suite des pressions exercées par la communauté internationale. Il s’agissait notamment des affaires portant sur le meurtre de huit membres de la communauté de paix de San José de Apartadó, dans la municipalité d’Apartadó (département d’Antioquia), commis en février 2005 par l’armée et des paramilitaires, et sur l’assassinat par l’armée, en mai 2006 à Jamundí (département du Valle del Cauca), de 10 membres de la police judiciaire, d’un indicateur de la police et d’un civil.
Dans la plupart des cas toutefois, il n’a guère été possible d’établir les responsabilités hiérarchiques.
Défenseurs des droits humains et syndicalistes
Le nombre de cas de défenseurs des droits humains menacés et de syndicalistes tués s’est accru, en particulier au moment des manifestations du 6 mars, organisées en Colombie et à l’étranger afin de dénoncer les violations des droits humains commises par les paramilitaires et les forces de sécurité. La responsabilité de ces attaques était attribuée aux paramilitaires.
Au moins 46 syndicalistes ont été assassinés en 2008, contre 39 en 2007. Une douzaine de défenseurs des droits humains ont été tués, un chiffre
similaire à celui enregistré l’année précédente.
Le 20 septembre, deux hommes armés à moto ont abattu Ever González dans la municipalité de Bolívar (département du Cauca). Ce dirigeant paysan, responsable du Comité d’intégration de la région du massif colombien (CIMA, une ONG) avait dénoncé publiquement les exécutions extrajudiciaires commises dans le Cauca.
Le président Uribe a fait de nouvelles déclarations mettant en cause la légitimité des actions en faveur des droits humains.En novembre, à la suite de la publication de rapports sur la Colombie établis par Amnesty International et Human Rights Watch, le chef de l’État a taxé Amnesty International d’«aveuglement», de «fanatisme» et de «dogmatisme». Il a aussi accusé publiquement le directeur du programme Amériques de Human Rights Watch d’être un «partisan» et un «complice» des FARC.
Enlèvements et prises d’otages
L’ancienne candidate à l’élection présidentielle Ingrid Betancourt était la plus connue de tous les otages qui ont recouvré la liberté en 2008 après des années de captivité aux mains des FARC. Elle a été libérée en compagnie de 14 autres personnes le 2 juillet, à la suite d’une opération militaire qui s’est avérée source de polémique car l’un des soldats y participant arborait un emblème de la Croix-Rouge, en violation du droit international humanitaire.
Le 4 février et le 20 juillet, des millions de personnes ont défilé en Colombie et dans le monde entier afin de protester contre les enlèvements auxquels se livrent les FARC. Des centaines d’otages se trouvaient toujours aux mains des FARC et de l’ELN.
Le nombre d’enlèvements – 437 en 2008, contre 521 l’année précédente – était toujours en recul. Les groupes de guérilla étaient responsables de la plupart des rapts commis cette année. La majorité des enlèvements liés au conflit étaient imputables à des gangs de criminels.
Violences contre les femmes et les filles
Toutes les parties au conflit ont continué à soumettre
des femmes, des jeunes filles et des fillettes à des sévices sexuels et à d’autres formes de violence. Les combattantes membres de groupes de guérilla étaient semble-t-il contraintes à avorter ou à prendre des contraceptifs, en violation de leurs droits en matière de procréation.
Le 24 septembre, des hommes armés ont abattu Olga Marina Vergara, l’une des dirigeantes de la coalition la Voie pacifique des femmes, à son domicile dans la ville de Medellín. Son fils, sa belle-fille et l’un de ses petits-fils, âgé de cinq ans, ont également été tués dans l’attaque. Ces homicides coïncidaient avec la publication d’un nouveau rapport de la Voie pacifique sur les violences subies par les femmes dans le cadre du conflit armé.
Le 14 avril, la Cour constitutionnelle a adopté une décision sur les droits des femmes déplacées par le conflit. Le texte établissait un lien explicite entre déplacements et violences sexuelles, et concluait que le conflit avait des répercussions disproportionnées sur les femmes. Il appelait à la mise en place par le gouvernement de 13 programmes distincts visant à protéger les femmes déplacées par le conflit.
Aide militaire des États-Unis
En 2008, l’aide financière des États-Unis à la Colombie s’est élevée à quelque 669,5 millions de dollars (environ 510 millions d’euros). Cette enveloppe englobait quelque 543 millions de dollars au titre du projet de loi de financement des opérations étrangères, dont 235 millions de dollars étaient affectés à des projets économiques et sociaux. Les 307 millions de dollars restants étaient destinés aux forces de sécurité, 30 % de cette somme étant subordonnés au respect par les autorités colombiennes de certaines conditions en matière de droits humains. Ces chiffres confirmaient la tendance en faveur d’un redressement du déséquilibre dans la répartition de l’aide américaine entre opérations de sécurité et projets socioéconomiques. En août, le Congrès américain a débloqué la dernière partie de l’enveloppe de 55 millions de dollars destinée au financement de l’armée au titre de l’exercice 2006, qu’il avait gelée en raison de préoccupations relatives aux exécutions extrajudiciaires commises par les forces de sécurité. En août également, le Congrès a toutefois différé pour les mêmes motifs le versement de 72 millions de dollars supplémentaires prévus aux fins de financement de l’armée pour les exercices 2007 et 2008.
En réaction semble-t-il aux meurtres de Soacha, le Département d’État américain a jeté l’interdit sur trois unités militaires, qui ne pouvaient dès lors prétendre recevoir une aide militaire des États-Unis.
Surveillance internationale
Le rapport sur la Colombie publié en février 2008 par le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU] indiquait que, en dépit de certaines améliorations, «la situation en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire demeure préoccupante». En matière de lutte contre l’impunité, le rapport précisait que «des problèmes structurels persistent dans l’administration de la justice».
Il faisait état des préoccupations au sujet de la poursuite des exécutions extrajudiciaires imputables aux forces de sécurité, ainsi qu’au sujet des violations graves et systématiques du droit international humanitaire dont se rendaient coupables les mouvements de guérilla. Le document établissait également des liens entre certains membres des forces armées et ce qu’il qualifiait de «nouveaux groupes armés illégaux».
Le représentant du secrétaire général des Nations unies sur les personnes déplacées dans leur propre pays s’est rendu en Colombie en novembre 2008. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a effectué une visite dans le pays en octobre 2008.
En décembre 2008, la situation des droits humains en Colombie a été examinée devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies au titre de l’examen périodique universel. (Amnesty International)
(30 mai 2009)
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