Brésil
Dom Tomás Balduino
En défense de la souveraineté alimentaire et énergétique des peuples
João Pedro Stédile et Dom Tomás Balduino *
L’épuisement évident de la Planète, par l’effet de serre, a provoqué au Brésil une euphorie autour du développement de l’agroénergie. Toutefois, le sujet est traité avec irrationalité en faisant usage de mythes mensongers. Le Brésil est considéré comme le futur grand producteur d’énergie en raison du fait qu’il possède de vastes surfaces de terres cultivables, d’importantes réserves d’eau douce, de bonnes conditions de luminosité et de climat, ainsi qu’une main-d’œuvre bon marché. Toutefois, la propagande faite autour de l’ «efficacité» de l’éthanol et son prix assez attractif sur le marché international sont basés sur la destruction de l’environnement et l’exploitation des travailleurs.
L’une des principales formes d’exploitation des travailleurs est relative au calcul des salaires, calcul qui est basé sur la quantité de canne coupée et non sur les heures travaillées. En moyenne, chaque travailleur coupe entre 10 et 15 tonnes de canne par jour, ce qui a causé des problèmes de santé dans l’Etat de São Paulo (le plus gros producteur du pays): y ont été comptabilisées, entre 2005 et 2006, 17 morts par épuisement dû à la fatigue. Entre 2002 et 2006, toujours dans le même Etat, le Ministère du Travail estime que 1383 coupeurs de canne sont morts en raison de divers problèmes de santé liés au travail. L’expansion de la monoculture de canne provoque non seulement une augmentation de l’épuisement physique des travailleurs, mais également d’autres violations de leurs droits qui découlent de la présence d’un fort chômage dû à la concentration de la terre au Brésil.
L’expansion des monocultures pour la production d’agrocombustibles repousse toujours plus loin les limites de la frontière agricole jusque vers l’Amazonie et le «cerrado» (savane) – deux des régions les plus riches en biodiversité et également berceau des principaux fleuves du pays. Ce sont d’ailleurs également ces deux régions qui empêchent la réforme agraire tant rêvée au Brésil.
Les grandes familles de propriétaires de la terre détiennent en leurs mains le 85% des emplois agricoles et le 70% des aliments produits dans le pays. Actuellement, le Programme de Biodiesel du gouvernement pousse les petits paysans à remplacer leur production d’aliments par des plantations agroénergétiques, avec pour objectif celui de mériter le label de «responsabilité sociale» et d’obtenir ainsi une meilleure acceptation de leurs produits sur le marché international. A cause de cela, l’on risque fort d’aller au-devant d’une pénurie d’aliments et de subir des hausses de prix considérables.
En plus de cela, divers groupes étrangers sont en train d’acheter de grandes usines de canne à sucre et d’immenses surfaces de terre afin d’y produire de l’éthanol. Les communautés paysannes et indigènes souffrent des impacts de ces projets qui augmentent encore la concentration – historiquement déjà très élevée – dans les mains des patrons d’usines. Comme on dit au Brésil, les patrons d’usines produisent du sucre et de l’alcool «au goût de sang». Mais même en sachant cela, le président Lula a récemment élevé ces patrons d’usines au rang de «héros nationaux et internationaux».
Considérant ces faits, nous demandons au gouvernement Lula: Que s’est-il passé avec sa proposition d’éliminer la faim au Brésil, quand on sait que le développement des agrocombustibles provoque une augmentation du prix des aliments ? Pourquoi le gouvernement Lula ne s’attelle-t-il pas à la réforme agraire, puisqu’il dit qu’il y a tant de terre disponible dans le pays ? Le président croit-il vraiment que les patrons d’usines soient des héros, comme il l’a déclaré récemment, même en étant au courant de l’exploitation dont les travailleurs sont victimes ?
De leur côté, les mouvements sociaux au Brésil continuent à exiger la réforme agraire et des politiques agroécologiques privilégiant la production d’aliments.
Il n’est pas acceptable de maintenir les réservoirs pleins au détriment de ventres vides. (Trad. A l’encontre)
* João Pedro Stédile fait partie de la coordination nationale du MST et de Via Campesina. Dom Tomás Balduino est membre du Conseil Permanent de la Commission Pastorale de la Terre.
(19 septembre 2007)
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