Brésil
Paulo Bernardo Silva, ministre
chargé de présenter la loi anti-grève au Congrès à Brasilia.
Lula prévoit d’interdire les grèves
dans les services publics essentiels
Juan Arias *
Décidément Lula réserve sans cesse des surprises à ceux et celles qui avaient des illusions lors de son premier mandat ou qui ont appelé (encore) à voter pour lui, à l’occasion du deuxième tour des élections en 2006, au nom de l’ «opposition au pire». Voir sur ce site les articles, sous la rubrique Brésil, des 11 et 18 octobre 2006.
Le 2 mars 2007, Lula annonce à la presse son intention de faire passer au Congrès (Chambre des députés et Sénat) une loi interdisant la grève dans des secteurs clés des services publics. La grève, un des instruments décisifs de lutte des travailleurs et travailleuses – entre autres ceux secteurs encore les moins précarisés – devrait leur être arraché des mains. Et cela, par un ex-ouvrier et ex-syndicaliste.
Cette déclaration a été faite avant la visite de Bush qui a donné lieu à de grandes manifestations, fortement réprimées. Nous y reviendrons. De quoi tranquilliser les investisseurs et les transnationales étatsuniennes comme européennes ou japonaises.
En outre, ce projet d’interdiction de la grève s’articule avec deux «réformes», l’une du Code du travail (qui l’annule de fait pour les petites et moyennes entreprises), l’autre ayant trait au système représentation syndicale qui donne tout le pouvoir à la bureaucratie centrale de la CUT, la Centrale syndicale liée au PT et dont des dirgeants ont siégé ou siègent dans les cercles du pouvoir.
La résistance face à ces lois – dont l’article publié ci-dessous pour information ne fait pas mention – sera importante. Dans la mobilisation contre ces lois, le regroupement de Conlutas – qui tient un congrès le 25 mars 2007 – jouera certainement un rôle significatif. Il peut être un élément apte à stimuler le développement une mobilisation unitaire et classiste des secteurs syndicaux opposés à la politique du gouvernement Lula ; ceux qui traduisent les besoins comme les exigences d’un nombre important de salari·e·s dans un contexte politique et social difficile. (Réd)
Alors que l’on se souvient encore de la grève des contrôleurs aériens qui, au mois de décembre 2006, passé avait semé le chaos dans tous les aéroports du Brésil, on vient d’apprendre que le président du pays, Luiz Inacio Lula da Silva, prévoit d’interdire le droit de grève pour les travailleurs de quelques secteurs des services publics, ceux qui sont considérés comme essentiels notamment.
La nouvelle selon laquelle le Gouvernement s’apprête à déposer devant le Congrès un projet de loi dans ce sens a été annoncée par l’actuel ministre de la Planification, du Budget et de la Gestion: Paulo Bernardo [il a été député fédéral de l’Etat du Parana et a été vice-leader de la fraction du Parti des travailleurs – PT – en1995-1998 et 2003-2004]. Evidemment, les syndicats qui n’ont pas tardé à réagir, se sont déclarés être sur pied de guerre, jugeant la proposition anti-constitutionnelle.
Tant les syndicats qui soutiennent le Gouvernement (réunis au sein de la Centrale Unique des Travailleurs, la CUT) que ceux qui se trouvent dans l’opposition (réunis au sein de Force Syndicale, la FS), tous se sont déclarés hostiles à l’interdiction des grèves dans les secteurs publics essentiels. La CUT dit que la seule chose qu’il est possible de faire en cas de grève c’est de «garantir les services essentiels à la population». Force Syndicale, quant à elle, a été plus catégorique et ses dirigeants rappellent dans un communiqué: «Nous rejetons la position du Gouvernement visant à interdire les grèves dans le secteur public, puisque que le droit de grève est garanti par la Constitution».
L’Ordre des Avocats Brésiliens (OAB) également, qui représente Force Syndicale au niveau national, a mis en garde le Gouvernement quant à l’aspect antoconstitutionnel d’une interdiction du droit de grève, et ce même dans les services essentiels au fonctionnement de la société. Cezar Britto, président de l’OAB a dit hier que «le droit de grève [était] garanti aux serviteurs publics par la Constitution», et ce en dépit du fait qu’une réglementation de ce droit soit encore pendante.
La peur des centrales syndicales est que, sous prétexte de vouloir réglementer les grèves pour les fonctionnaires du public, l’on puisse camoufler une interdiction de fait de ces grèves, comme l’ont suggéré, parmi d’autres, les syndicats de Force Syndicale.
Quant à Lula, afin de se justifier face à une opinion publique étonnée par le fait qu’un président dont la trajectoire politique a commencé au cœur même d’un syndicat (de même que celle des ministres les plus importants de son gouvernement) puisse penser à interdire des grèves, il s’est exprimé ainsi: «Un Gouvernement présidé par un syndicaliste a toute autorité pour interdire les grèves dans des secteurs essentiels de la fonction publique». C’est ce qu’il a affirmé catégoriquement le samedi 3 mars 2007 avant d’ajouter: «Chacun d’entre nous paie le prix pour les exagérations commises», faisant allusion à ce qu’il a appelé en d’autres occasions les «abus des syndicalistes dans les grèves».
Evoquant encore les années où, dans les années 1970 [sous la dictature militaire, donc ! – NdR], il était lui-même président du syndicat des métallurgistes, Lula a affirmé qu’à cette époque déjà l’on (sic !) décidait parfois que tel secteur déterminé ne pouvait pas entrer en grève et qu’alors personne ne s’en émouvait. Pour le président ex-syndicaliste, l’interdiction des grèves dans les services essentiels servira également à développer chez les travailleurs «un plus grand sens des responsabilités». (trad. A l’encontre)
* Juan Arias est journaliste à Rio de Janeiro pour le quotidien espagnol El Pais.
(12 mars 2007)
Haut de page
Retour
case postale 120, 1000 Lausanne 20
Pour commander des exemplaires d'archive:
Soutien: ccp 10-25669-5
Si vous avez des commentaires, des réactions,
des sujets ou des articles à proposer:
|