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Croissance de l’économie,
mais inégalité entre riches et pauvres toujours élevée…

Luis Brasilino *

En une année, l’économie du Brésil a crû de 5,4%. Après 20 années de stagnation, la nouvelle semble bonne. De manière isolée, c’est peut-être vrai. Pourtant, pour les spécialistes, cette élévation du Produit Intérieur Brut (PIB) ne correspond en rien à l’émergence d’une société plus juste et plus égalitaire, parce que la distribution de la richesse ne s’est, elle, pas modifiée.

Les données, qui comparent le second trimestre de cette année avec la même période de 2006, ont été publiées par l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistique (IBGE) le 12 septembre 2007. José Carlos de Assis, de l’Institut Chômage Zéro, explique que pour des raisons macroéconomiques, la richesse continue d’être concentrée, notamment avec un superavit primaire [excédent budgétaire avant le paiement du service de la dette interne et externe] et des taux d’intérêt très élevés [dont profitent les détenteurs nationaux et étrangers de la dette, sous forme d’obligations].

On peut y lire la projection suivante: «Ce modèle soustrait des ressources à la société, y compris aux pauvres, pour les transférer vers les riches. Pour se faire une idée, entre 1993 et 2006, le rendement des intérêts a atteint en moyenne 29% de toute la richesse produite dans la société ; et, de ces 29% seuls 7% appartiennent aux banques, les autres 22% sont détenus à des entreprises et à des familles riches.  Tant qu’il existera une situation telle, il sera impossible de distribuer la richesse».

Travail versus capital

Dans le même sens, Rosa Maria Marques, professeure d’Economie à la PUC-SP  [l’Université Pontificale Catholique de São Paulo], observe que, de fait,  la croissance augmente de peu le revenu des secteurs qui gagnent moins, mais d’un autre côté, les riches et ceux qui gagnent plus. «Cela signifie qu’il est en train de se produire une redistribution entre les salarié·e·s, ou si vous le désirez, entre ladite classe moyenne et celle disposant de bas revenus», analyse-t-elle.

Cependant, un autre chiffre révélé par l’IBGE le 14 septembre peut conduire à une illusion. Les milieux patronaux et le gouvernement Lula ont sauté sur les données de l’Enquête Nationale sur le relevé de la population (Pnad) qui pointe une légère réduction de l’inégalité sociale. L’étude met le doigt sur le fait que l’indice de Gini [1] a reculé de 0,547 en 2004 à 0,543 en 2005, pour arriver finalement à 0,540 en 2006. Plus l’indice de Gini est grand et plus la concentration de richesse est élevée.

Paulo Passarinho, vice-président du Conseil Régional de l’Economie de Rio de Janeiro (Corecon-RJ), estime que cet indicateur conduit à  une conclusion erronée. «La distribution de la richesse n’est pas en train de s’améliorer», affirme-t-il. L’économiste explique que le Pnad ne considère que les revenus des salariés, excluant ceux du secteur financier. «Parmi ceux qui vivent du revenu du travail – aussi bien les travailleurs aisés que miséreux – nous avons en effet un certain cadre de distribution en raison du salaire minimum et des programmes d’assistance. Mais dans la société dans son ensemble, le revenu du capital (intérêts, loyers et bénéfices) est en train de prendre le pas sur le revenu du travail. Dans les années 1970, les deux groupes possédaient chacun environ 50%. Aujourd’hui, selon Marcio Pochmann (économiste de l’Université de Campinas et président de l’Institut de Recherche Economique Appliquée – Ipea), le revenu du travail n’est que de 39%.» (Trad. A l’Encontre)

* Luis Brasilino écrit dans l’hebdomadaire Brasil do Fato.

1.- Indice de Gini. L’indice de Gini varie entre 0 (situation de distribution égalitaire des richesses) et 1 (situation de distribution la plus inégalitaire ou de concentration maximale des richesses). L’indice Gini ayant trait au revenu ou ayant trait au patrimoine montre que les inégalités de patrimoine sont bien plus élevées (réd.)

(13 octobre 2007)

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