Brésil
Luciana
Genro (gauche) et Heloisa Helena (centre)
Brésil,
Socialisme et liberté Un
parti pour les travailleuses et travailleurs du Brésil
Mario
Maestri et Gilberto Calil* Un
parti politique est seulement un instrument, ce n’est pas une
fin en soi. Un parti qui s’engage avec et aux côtés
des travailleuses et des travailleurs doit nécessairement
devenir un instrument le plus fort possible pour la lutte contre
l’oppression capitaliste et pour la construction d’une
société juste et fraternelle. Les
attaques incessantes du gouvernement Lula da Silva contre les droits
historiques des travailleurs – attaques qui se sont
concrétisées et se concrétisent dans les
réformes de la prévoyance vieillesse, la réforme
universitaire, la réforme syndicale et du code du travail, la
fixation du salaire minimum – mettent en relief le manque
douloureux d’un parti de classe, disposant d’une
influence de masse, au Brésil. La récente fondation du
Parti du socialisme et de la liberté (PSOL), les 5 et 6 juin
2004, à Brasília, avec la participation de 800
militants venant de 22 Etats du Brésil, constitue un effort
collectif pour la production d’un tel instrument. Socialisme
et
libertéLe
PSOL est né
des besoins du monde du travail qui est agressé de
manière
systématique par un gouvernement dirigé par un parti
qui, dans le passé, fut fondé par des militants issus
du mouvement social et qui, aujourd’hui, est au premier rang
d’une capitulation face au néolibéralisme ;
d’attaques contre les droits sociaux ; de jonction avec le
monde obscur de la corruption ; d’appuis actif à la
politique de domination de l’impérialisme (envoi de
troupes brésiliennes à Haïti), d’appui de
légitimation par l’ONU de l’intervention en Irak,
etc. L’actuelle
métamorphose du PT n’est pas un phénomène
subit, récent. Il fait partie d’un processus qui a
conduit au financement de ses campagnes électorales par des
entrepreneurs ; d’un processus d’abandon des
revendications de classe ; d’une bureaucratisation des
instances du parti ; d’une capitulation des
administrations municipales et étatiques [le Brésil est
un Etat fédéral] face au monde du Capital. Alors
que se consolidait le conservatisme du PT (Parti des travailleurs)
mûrissaient les conditions pour la formation d’un parti
qui reprenne à sa charge et les dépasse les
revendications historiques du PT. Un parti qui intègre un
projet classiste et socialiste, impulsé par une organisation
qui s’enracine dans l’engagement militant à la
base. Capitulation
générale Dans
la
seconde moitié des années 1990, des milliers de
militants sociaux ont commencé à rompre avec le PT sans
s’identifier en général avec aucune alternative
de type parti. Le processus s’est accéléré
à la faveur de l’expérience de la politique du PT
dans les administrations des Etats et dans la capitulation d’ensemble
que représentait la «lettre aux
brésiliens»,
adressée par Lula avant les élections de 2002. En 2003,
une nouvelle accentuation de ce processus de détachement s’est
concrétisée lorsque le gouvernement de Lula da Silva a
poussé plus loin la politique néolibérale de
Fernando Henrique Cardoso. La
formation du gouvernement dominé par les représentants
directs du grand Capital financier national et par les grands
exportateurs nationaux (Rodrigues, ministre de l’Agriculture ;
Furlan, ministre du Commerce extérieur) ainsi que par les
représentants du Capital international (Meiresses, directeur
de la Banque centrale ; Palocci, ministre de l’Economie),
à quoi se sont ajoutées les attaques contre les
salarié-e-s ont suscité une résistance sociale
qui c’est concrétisée d’abord par une
rupture entre le PT et un secteur important de sa base, les
employés
du secteur publique, dès le deuxième trimestre 2003.
Ainsi, une césure se marquait entre le PT gouvernemental et
une fraction de sa base historique. L’opposition
à la réforme néolibérale du système
de retraite – opposition venant prioritairement du secteur
public – fut appuyée par quatre députés
radicaux: Heloisa Helena, Luciana Genro, Joao Fontes et Baba.
Ces derniers se sont clairement mis du côté des
salarié-e-s et, pour cette raison, ont été
expulsés de la manière la plus vile du PT. Recommencer
à
nouveauLa
mobilisation des travailleurs publics a créé les
conditions conjoncturelles pour l’émergence d’un
mouvement en faveur d’un nouveau parti. En janvier 2004, les
députés radicaux et diverses tendances les soutenants
se sont engagés dans cette direction: on y trouvait un
groupe de syndicalistes et de militants ayant rompu avec le PSTU
(Parti socialiste des travailleurs – unifié), le
mouvement Terre, travail et liberté (actif dans la lutte
contre la grande propriété terrienne) ainsi que des
forces liées aux députés. Il est tout à
fait regrettable que la direction du PSTU ait exprimé des
exigences qui ont empêché que le collectif militant
très
combatif de ce parti puisse s’intégrer à la
création d’un nouveau parti. En juin, quelque cinq mois
après la toute première déclaration d’intention
s’est réalisée la Rencontre nationale pour la
création du PSOL. Parmi les 800 participants, on trouvait des
représentants des milieux étudiants et enseignants, des
syndicalistes, des militants du mouvement paysan, des travailleurs.
Avec une représentation équilibrée d’hommes
et de femmes. Tous et toutes engagé-e-s dans la lutte sur le
lieu de travail, pour la terre à ceux qui la travaillent, pour
l’éducation, contre la discrimination et l’oppression
ainsi que la violence de classe, de race et de sexe. La
réalisation de cette Rencontre nationale met fin à la
première phase marquée par des défis et des
difficultés inévitables. La définition du
programme provisoire du parti et des statuts du PSOL a reçu un
accord politique de la part des présents provenant, en partie,
de traditions politiques différentes. Cela représente
un pas en avant dans la construction collective d’un programme
qui traduise les tendances et les nécessités profondes
de la lutte des classes au Brésil. Ce processus de débat
trouvera une échéance, visant à une
synthèse
supérieure, à l’occasion de la deuxième
Rencontre nationale, fixée à janvier 2005. Identité
minimale Quelques
précisions
programmatiques définissent l’engagement du PSOL dans la
lutte sociale. Parmi elles, il faut relever l’attachement à
la démocratie dans la lutte comme élément
indispensable pour un dépassement du capitalisme. En outre,
ressort clairement le rejet de toute politique de conciliation de
classes et la défense d’un internationalisme des
exploité.e.s et des opprimé.e.s. Les statuts fixent des
normes pour une démocratie interne effective, pour le
contrôle
du parti par les militants, pour la nécessité
d’organiser le parti sur la base de collectifs militants [par
rapport à une adhésion individuelle, sans obligation, y
compris par internet comme c’est le cas actuellement pour le
PT], pour la subordination des dirigeants et des parlementaires
à
la direction collective élue. Le
défi
le plus urgent du PSOL réside dans l’obligation de
réunir presque 440'000 signatures pour sa légalisation.
Mais, au-delà, se situent les défis de la lutte
sociale, d’autant plus urgente que se poursuit la violente
offensive néolibérale qui exige une réaction
forte, organisée et lucide de la part du monde du travail. Un
autre défi d’importance a trait à la construction
organique du PSOL. Cela prend la forme, avant tout, de l’exigence
d’une structuration des collectifs militants de base, d’une
gestion de la politique du PSOL qui permette de se battre pour
acquérir une position dans le combat pour
l’hégémonie
au plan de la communication [rôle tout à fait
décisif
des médias électroniques dans l’information au
Brésil]. En outre, devra se développer le plus large
débat sur les statuts et le programme provisoire, cela
simultanément à une gestion démocratique du
parti. De
tels
défis peuvent apparaître très pesants. Ils
peuvent toutefois être abordés positivement grâce
à l’enthousiasme des militantes et des militants qui ont
résisté avec détermination à toutes les
tentations du pouvoir et aux injonctions venant du PT d’abaisser
leurs armes face aux puissants d’aujourd’hui. On pourra
répondre à ces défis par le fait que les
collectifs militants sont conscients de l’urgence de dépasser
un ordre fondé sur la violence et sur les menaces de tout
type, manifestant de façon croissante les dangers qu’il
fait naître pour la survie même de l’humanité. * Mario Maestri et
Gilberto Calil sont historiens. Ils ont participé au
Congrès
de fondation du Parti du socialisme et de la liberté,
congrès
qui s’est tenu à Brasília les 5 et 6 juin 2004. Haut de
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