Brésil Une victoire de plus pour le PT? Par Waldemar Rossi* Nous publions ci-dessous un article de Waldemar Rossi qui met en relief le «continuisme» de la politique du gouvernement Lula sur une question importante: le système fiscal. W. Rossi, ancien ouvrier métallurgiste, syndicaliste, membre de la Pastorale ouvrière, est au premier rang pour juger du sens social concret de la politique du PT-gouvernmental. Ce PT qui ne met pas en oeuvre les «promesses» des derniers programmes du Parti des Travailleurs, mais qui les trahit, quasi toutes. Cette distance entre les engagements électoraux partisans (et non pas ceux de l'équipe de marketing présidentiel qui a fait oeuvre de bourrage de crâneen automne 2002) et les pratiques politiques gouvernementales est un phénomène qui a qualifié la social-démocratie européenne depuis fort longtemps. L'analogie, ici, n'a qu'un but: souligner la distance socio-politique qui sépare les masses laborieuses du PT-gouvernemental. Ce dernier a connu un processus de mutations socio-politiques, en particulier pour ce qui a trait à son cadre de direction ; ces mutations sont renforcées par les alliances actuelles qui ne se réduisent pas qu'au champ politique, elles le débordent dans le type de sociabilité qui se crée entre gouvernants d'un pays. Ainsi se consolident des complicités politiques quotidiennes. Le côtoiement social régulier accroît la perméabilité des cadres du PT aux modes de faire et d'être de la bourgeoisie moyenne-haute (la vraie grande bourgeoisie brésilienne regarde cela avec cette ironie de classe effectivement supérieure). Nous ne voulons donc pas, dans ces remarques, introduire des analogies rapides, marquées au coin de l'analogie déficiente - pour ne pas dire de l'escroquerie politique consciente, mais «politiquement utile». Cela à l'instar de ceux qui, pour analyser les transformations passées et présentes du PT et les relations que les socialistes révolutionnaires doivent entretenir aujourd'hui avec ce parti, font référence aux évolutions de l'Internationale communiste du début des années 1930 et aux critères utilisés par Trotsky, après 1933, pour marquer la césure politico-organisationnelle définitive des communistes de l'époque (les marxistes-révolutionnaires et les courants proches) avec le stalinisme organisé de façon partidaire (les partis communistes membres de l'Internationale stalinienne). Tout d'abord, l'anachronisme - ne serait-ce qu'au plan contextuel et historique - est évident (Révolution russe 1917-23 et dégénérescence, Révolution allemande, 1918-23, expansion du mouvement communiste durant cette période, victoire du fascisme en Italie dès le début des années 1920, etc.). Cette analogie anachronique a une fonction: tenter de faire coïncider le calendrier de non-choix (ou de choix conscients) politiques d'une partie de la gauche du PT au Brésil avec un discours biaisé, si ce n'est trompeur, sur les implications de la politique du gouvernement Lula au plan de l'organisation et de la cohésion (déjà difficile) des masses laborieuses pour leurs luttes. Ce calendrier des choix renvoie, en l'occurrence, à la participation au gouvernement bourgeois du Brésil (symbolisé par l'alliance Lula-Alencar), tout en continuant à se revendiquer du socialisme révolutionnaire - tel Miguel Rossetto, membre du courant Démocratie socialiste et ministre du Développement agraire. Sous un angle un peu différent, il est aussi possible de se référer à l'attitude de la ministre de l'Environnement, Marina Silva, symbole de la lutte écologique populaire et militante respectable, qui est placée dans la situation où le silence et la demi-vérité - soit le pire des mensonges - deviennent des modalités de la gestion d'une carrière faite au nom de «l'unité du gouvernement», de «l'unité du parti», du «danger venant des forces de la droite». Et cela au moment où les masses laborieuses sont, lentement, désarmées face à ces véritables forces de droite qui reprendront encore plus les choses en main, demain, si une alternative politique, accompagnée d'une mobilisation sociale, n'émerge pas dans la période à venir. Avec sa droiture et sa pédagogie, l'article de Waldemar Rossi nous donne, une fois de plus, à toucher l'importance de l'expérience brésilienne et l'enjeu des débats politiques qui y ont trait. Ils ne seront pas réglés avec des formules polysémiques et quelques citations littéraires, à la Péguy, pour ne pas dire à la Chateaubriand. En ajoutant, de plus, quelques calques froids et trompeurs faisant référence à l'orientation politique qu'auraient dû (!) développer des socialistes révolutionnaires face au gouvernement de Léon Blum, en France, en 1936. CAU
Encore une fois, le gouvernement a réussi à faire approuver une de ses propositions de loi: il s'agit cette fois-ci de celle qui maintient, pour une période de deux ans, l'impôt maximum sur le revenu à un taux de 27.5% pour la catégorie qui gagne plus de 2'115 reales (R$) par mois [quelque 910 CHF; et quelque 810$]. Cette tranche d'imposition fiscale touche un part importante des salarié·e·s. Une fois de plus, cette décision a provoqué l'euphorie au sein des milieux gouvernementaux. C'est désormais le cas à chaque projet de loi que le gouvernement fait approuver par le Parlement, car ces derniers sont presque tous au détriment des salariés et en faveur des grandes fortunes. Nous savons que plus un citoyen est riche moins il paie d'impôts sur le revenu. Disons que quelqu'un qui gagne autour de 30'000 R$ nets [12'902 CHF; 10440 $] par mois paiera 8'250 R$ [3'549 CHF; 2'880 $] s'il est taxé à la source. Par conséquent, il lui restera 21'750 R$ [ 9'354 CHF; 7'552 $]. Nous pouvons convenir qu'il s'agit d'un revenu à disposition tout à fait confortable! Les députés et les sénateurs, ainsi que quelques personnes travaillant dans le système judiciaire peuvent en témoigner aisément. D'autre part, un travailleur qui gagne 2'115 R$ nets [909.58 CHF; 740 $] par mois sera taxé de 581.52 R$ [250 CHF; 203 $ ]. Il lui restera donc 1'533.48 R$ [Fr. 659.49; 535 $]. Convenons qu'il existe une énorme différence, surtout si l'on considère que cette somme (1'533.48 R$) représente à peine plus que le salaire minimum, selon la législation brésilienne sur le travail. En maintenant des taxes identiques pour les hauts et les bas revenus, le gouvernement introduit une injustice supplémentaire. Ceci d'autant plus que, l'année passée, les salaires ont été adaptés à l'inflation. Etant donnée que les salaires bruts ont été augmentés et que les barèmes fiscaux n'ont pas été adaptés, le travailleur qui devra payer proportionnellement au revenu plus d'impôts sera nettement pénalisé. En effet, l'augmentation relative de son salaire sera entièrement absorbée par la retenue imposée par un taux d'imposition défavorable. Tandis que ceux qui gagnent des salaires beaucoup plus importants continueront à bénéficier du même pourcentage de retenue fiscale, ce qui augmente leurs gains déjà exorbitants. «Le maintien du barème actuel est injuste, irrationnel et incohérent avec ce qui a toujours été proclamé par le PT», voilà ce qu'affirme un communiqué émis par 8 députés du Parti des Travailleurs qui ont voté contre ce projet de loi. Même Paulinho, président de la Force syndicale [Confédération syndicale soutenue par le patronat pour faire barrage à la centrale syndicale majoritaire, qui a traduit l'émergence d'un syndicalisme indépendant au cours des années 1980: la CUT - Confédération Unique des Travailleurs] s'est prononcé contre ce projet de loi, en disant que «les augmentations que les entrepreneurs donnent d'une main, le gouvernement les reprend de l'autre». Selon le gouvernement, le maintien des mêmes tranches d'imposition sur le revenu vise la stabilisation de la recette fiscale. Si l'objectif des réformes est de «baisser les charges des entreprises», et que le gouvernement veut maintenir le même niveau de rentrées fiscales par le biais des impôts sur le revenu, la différence sortira de nos poches déjà bien vidées. Et vive «le gouvernement des travailleurs» ! Si tout cela ne suffisait pas pour décevoir ceux qui ont les yeux encore ouverts et qui ne se laissent pas avoir par des passions infantiles, alors il faut encore considérer que le gouvernement base toute son action sur le mode du «donnant, donnant» et du «c'est en donnant qu'on reçoit», c'est-à-dire la même politique de corruption développée par tous les gouvernements précédents et par les élus au Parlement, dénoncée par Lula il y a quelques années. Et ils nous obligent encore à écouter les âneries du président du PT, José Genoino qui défend l'expulsion de Heloísa Helena, Babá, Luciana Genro et João Fontes, qu'il accuse de «sectarisme» parce qu'ils ont osé défendre la cohérence de leur pensée et de leur action et qu'ils refusent de trahir les intérêts de leur classe (celle des travailleurs et travailleuses). Il nous faut entendre des âneries selon lesquelles le fait de continuer à demander les investigations sur le meurtre de Celso Daniel [militant du PT], ex-maire de Santo-André, reviendrait à punir le PT. En effet, dans la Folha de São Paulo, Genoino a affirmé que, dans le cas de Celso Daniel, le PT serait doublement lésé: «Tout d'abord parce qu'il a perdu un cadre. Ensuite, parce qu'ils [ceux qui demandent de nouvelles investigations] veulent qu'il meure deux fois. La première fois lorsqu'il a été tué dans la rue. Et maintenant, ils veulent détruire son image». Or, si la justice venait à confirmer que Celso Daniel a été tué parce qu'il a découvert un réseau de corruption, alors, il serait honoré et non déshonoré comme Genoino le prétend. A ce moment-là, seront déshonorés ceux qui ont été impliqués et ceux qui ont voulu empêcher l'avancée de l'enquête. Le PT sortira-t-il perdant avec l'émergence de la vérité ? Si c'est le cas, alors nous sommes cuits ! * Waldemar Rossi est ancien ouvrier de la métallurgie et membre actuel de la Coordination de la Pastorale ouvrière de l'Archidiocèse de São Paulo. Haut de page Retour
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