Brésil

 
Les quatres explusés: Baba, Heloisa Helena, Luciana Genro et Joa Fontes

Expulsions et ouverture d'un débat sur l'alternative

Nous publions ci-dessous trois courts articles parus dans le quotidien brésilien Folha de Sao Paolo du 16 décembre 2003. Ils donnent quelques indications sur les débats politiques qui traversent la gauche radicale au sein du PT, après les expulsions des "radicaux" et les démissions de personnalités. Ces débats parcourent aussi les forces, désormais, à l'extérieur du PT ou qui l'étaient déjà.

Les expulsions, le 14 décembre 2003, des quatre parlementaires de la gauche radicale (voir sur ce site les articles qui y  sont consacrés) doivent être reliées à deux éléments.

Le premier, l'orientation du gouvernement Lula suit un court social-libéral, à tel point que des militants qui ont participé à la création du PT parlent du «troisième mandat de Fernando Enrique Cardoso». Dès lors, celles et ceux qui ont combattu la politique de Cardoso se voient interdire de continuer leur combat pour les intérêts des masses populaires du pays le plus inégalitaire au monde; un combat dans un PT qui a massivement recruté des membres... une fois au gouvernement.

Ensuite, la perspective d'une politique critique, de classe, indépendante du PT gouvernemental - à l'image, par exemple, de celle conduite par la gauche radicale française, au moins dès le tournant, en 1983, vers l'austérité du gouvernement placé sous le contrôle de Mitterrand; et cela bien que ceux et celles qui en comprenaient les ressorts constituaient une minorité parmi la masse des salarié·e·s de France - conduit aujourd'hui à une impasse dans ce Brésil rongé par la crise économique et social. En effet, le gouvernement Lula s'appuie sur majorité parlementaire qui dépend des accords du PT avec des secteurs de la droite et des représentants du Capital. Cet accord suscite une orientation stable, social-libérale.

Dès lors, mettre au pas les «radicaux» participe directement de la concrétisation de cette orientation social-libérale du PT gouvernemental. Il n'y a pas de césure entre la politique du PT gouvernemental et les mesures disciplinaires contre les «opposants» qui défendaient, simplement, les choix historiques du PT.

En outre, rester au gouvernement (comme le fait Miguel Rossetto, membre du courant du PT Démocratie socialiste et ministre du Développement agraire), alors qu'une figure politique nationale, la sénatrice Heloisa Helena, à l'ample audience populaire - membre, elle aussi, du courant Démocratie socialiste - est exclue du PT relève soit d'un mystère, soit d'un choix peu mystérieux.

En effet, cette permanence au gouvernement, dans cette conjoncture, pourrait relever d'une approche politique et organisationnelle subordonnée au poids de l'intégration dans le gouvernement et les hautes institutions de l'Etat. Ou , alors, ce choix traduirait un sauve-qui-peut difficilement lisible en dehors du Brésil, et très certainement au Brésil même.

Nous ne pouvons qu'espérer que la gauche radicale des pays européens marginaux (de l'Autriche à la Suède en passant par la Belgique ou la Suisse) puisse, le plus vite possible, la déchiffrer, avec l'aide des militants brésiliens et, peut-être, de marxistes prolifiques, qui ne manquent pas dans l'intelligentsia européenne latine- cau

Helena change un tableau du PT pour exprimer son désaccord avec le FMI*

Un jour après avoir été expulsée du Parti des travailleurs, la sénatrice Heloisa Helena (de l'Etat d'Alagoas) a retiré hier du mur de son cabinet deux tableaux du parti. «La trahison et l'ingratitude tuent l'affection»  a-t-elle répété.

Selon la sénatrice, le tableau intitulé «Femmes du PT», qui était au-dessus de sa table de travail, va être substitué par un autre, actuellement dans  l'entrée du cabinet, qui illustre un Jésus-Christ crucifié sur un immense chiffre, symbolisant ainsi la dette extérieure du Brésil et le FMI (Fond Monétaire International). L'autre tableau reproduisait le drapeau du parti.

Helena a nié le fait qu'elle allait jeter les tableaux. «Je ne vais pas les garder dans un lieu que je pourrait avoir envie de revisiter un jour de cafard», a-t-elle dit, en recevant des fleurs en signe de solidarité.

La sénatrice a affirmé que pour le moment elle désirait rester sans parti. «Si je voulais m'affilier à un autre parti, je l'aurais fait durant le processus électoral, quand je pouvais encore être candidate.»

Elle a décliné l'offre des députés Baba (Parana), Luciana Genro (Rio Grande do Sul) et Joao Fontes (Etat de Sergipe) de fonder un nouveau parti. «Un nouveau parti ne se construit pas par décret ni par la volonté de quelques-uns. Personne ne peut avoir la prétention de dire que demain surgira un nouveau parti, tout simplement parce que les choses ne fonctionnent pas de cette manière», a-t-elle affirmé.

Elle a nié le fait qu'elle éprouvait du ressentiment à l'égard de la direction du PT. «Quand j'arriverai à Maceio [capitale de l'Etat d'Alagoas], je vais écrire quelques noms sur le sable de la plage, et les vagues vont les emporter rapidement, sans rancúur, sans rage, sans rien.»


Milton Temer défend la création d'un parti en 2005 pour réunir les insatisfaits*

L'ex-député fédéral du PT Milton Temer [voir sur ce site: Des intellectuels de renom rompent avec le PT (14 décembre 2003)] a défendu hier la création en 2005 d'un nouveau parti de gauche, qui réunirait tous les parlementaires insatisfaits par les choix de Lula, incluant la sénatrice Heloisa Helena (Alagoas) et les députés Luciana Genro (Rio Grande do Sul), Joao Fontes (Etat de Sergipe), Joao Batista de Araujo,"Baba" (Etat de Parana), tous expulsés du parti avant-hier [le 14 décembre 2003]

Il n'a pas exclu la possibilité d'une union avec le PSTU [Parti socialiste des travailleurs - Unifié; une formation de la gauche radicale qui dispose d'une implantation sociale effective].Selon Temer, la création de cette nouvelle référence serait la conséquence naturelle du forum de débats sur les voies que doit suivre la gauche brésilienne; une initiative que lui-même et les professeurs Carlos Nelson Coutinho de l'UFRJ (Université Fédérale de Rio de Janeiro), et Leandro Konder de la PUC-RJ ( Pontificia Universidad Católica de Rio de Janeiro) sont en train de mettre sur pied. Le groupe qui a démissionné du PT cette semaine, se réunira à Rio jeudi prochain.«Je pense que ce mouvement doit culminer dans une référence organisationnelle, un parti, en 2005», a-t-il affirmé.


Hégémonie*

Le vice-président national du Parti des Travailleurs, Valter Pomar, l'un des deux coordinateurs du courant  Articulation de Gauche [un courant qui joue un rôle important dans l'actuel PT gouvernemental], a critiqué hier la décision des membres historiques du PT de quitter le parti. Selon lui, son courant continuera à se battre pour l'hégémonie. Aujourd'hui, la gauche représente à peine 30% du PT.

«Les personnes sont libres de choisir leur chemin. Si elles pensent qu'elles n'ont plus d'espace à l'intérieur du parti, qu'elles en construisent un autre. Nous n'allons pas continuer à nous disputer le PT. Mais il est prématuré de jeter deux décennies de construction politique à cause d'une année de gouvernement fédéral», a-t-il affirmé.

Pomar et les dirigeants Joaquim Soriano, de Démocratie Sociale, et Jorge Almeida, de Force Socialiste, tous deux des courants de gauche du PT, participeront ce soir à une manifestation à Rio contre l'expulsion des radicaux.

Pomar dit qu'il a défendu le maintien de la sénatrice Heloisa Helena dans le parti, mais il a également affirmé que le parti ne se résumait pas à elle. «Il n'est pas possible de mettre en balance l'histoire d'un parti et le destin d'une personne.»

*Artilces parus dans le quotidien Folha de Sao Paulo du 16 décembre 2003

 

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