Brésil
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"Lula? Qu'il continue ainsi"
Fernando
Henrique Cardoso (ex-président du Brésil)
Nous
publions, ci-dessous, un article, intégré à un
long entretien que le quotidien espagnol «El Pais», du 16
février 2003, a conduit avec Fernando Henrique Cardoso, qui a
fait basculer le Brésil dans les contre-réformes
exigées par la mondialisation du capital et ses
«acteurs» économiques et politiques des pays
impérialistes, qui agissent en collaboration avec les
«poids lourds» du capital brésilien. Les
appréciations de FHC sur le gouvernement de coalition de Lula
méritent l'attention. Ce document s'ajoute aux diverses
contributions que nous avons déjà publiées sur
notre site à propos des développements politiques au
Brésil, suite à la victoire électorale de Lula,
dirigeant historique du Parti des travailleurs. - Réd.
«J'ai fait
ce que je pouvais faire.» Fernando Henrique Cardoso résume
ainsi ses huit années passées comme président du
Brésil et s'enorgueillit d'avoir contribué à la
consolidation de la démocratie dans le géant
latino-américain. Avec Luiz Inacio Lula da Silva, l'actuel
président, FHC maintient une relation d'amitié - et de
rivalité - depuis 1973. La connaissance que FHC a de Lula le
conduit à définir ce dernier comme quelqu'un «de
grande intuition. Il ne s'est pas formé dans le cadre de
l'idéologie gauchiste des années 1960 et 1970. Il
était un dirigeant ouvrier. C'est un homme ayant de larges vues
et qui combine l'intuition avec le réalisme.» En outre,
Cardoso accorde une grande valeur à l'aspect humain de son
successeur: «Il est rempli de bons sentiments; c'est une personne
bonne, et cela compte.» Parmi les autres vertus du nouveau
président, selon l'opinion de Cardoso, figure sa rapidité
pour prendre en charge la situation: «Il s'est rendu compte de
l'ampleur du problème qu'il avait entre les mains. Et cela l'a
fait agir pour créer les conditions de la gouvernabilité.
Il sait que l'équilibre des comptes publics [du budget] n'est ni
de gauche ni de droite, si ce n'est qu'il relève des conditions
devant permettre le fonctionnement de la machine étatique.
L'idée de rupture, qui a toujours orienté le Parti des
travailleurs (PT), auquel appartient Lula, n'a plus maintenant de
fondements. Le monde, aujourd'hui, exige dialogue, consensus et
négociations. Et, dans le gouvernement de Lula, on se rend
compte qu'il faut poursuivre les processus engagés.»
Cardoso croit
que les tensions qui se sont manifestées au sein du gouvernement
brésilien sont le produit de secteurs qui restent
attachés à la théorie de la rupture. Mais, FHC
lance ce message: «Celui qui a gagné les élections,
ce ne fut pas le PT, ce fut Lula. Celui qui détient la force
politique, c'est lui, ce n'est pas le parti. Si Lula maintient son
dialogue avec la population et si les autres forces politiques, qui
sont quantitativement plus larges que le PT, l'appuient, il ne se
passera rien; il y aura une lutte interne. Tout va dépendre de
comment le président conduit le processus politique.»
Cardoso se
risque à établir un parallélisme entre son travail
président et celui de Lula: «J'ai été
très critiqué par le PT, parce que je disposais d'une
majorité dans le Congrès [dans le législatif de la
République fédérale du Brésil] et que pour
la maintenir j'ai dû passer des accords avec les forces qui
existaient. Qu'est-ce qu'est en train de faire Lula? Il cherche
à établir cette majorité avec les forces qui
existent.»
Et, ici, Cardoso
voit une différence. Il fut président, dit-il, avec un
programme: «La difficulté pour Lula est qu'il fut
élu à partir d'un sentiment général de
sympathie sur la base qu'il est lui-même un symbole de
revendications sociales qui n'a pas besoin de préciser un
programme. Toutefois, dans l'action, il ne peut continuer en
étant un symbole. Il doit prendre des décisions. Pour
cette raison, il est en train d'esquisser son programme. Si son
programme coïncide avec les intérêts les plus
importants du pays, au risque d'entrer en collision avec des
intérêts sectoriels ou partidaires, il continuera à
aller de l'avant.»
Lula vous a-t-il
demandé un conseil quelconque? «Jamais. Nous avons
parlé plusieurs fois avant le 1er janvier [avant l'investiture
de Lula]. Nous nous sommes vus avec nos familles, avec des amis... Il
m'a fait part de quelques-unes de ses propositions, des personnes qu'il
allait nommer. Moi, je ne lui ai jamais posé aucune question.
Tout a été très correct. Je n'ai aucune plainte ni
aucune critique à émettre face à Lula ou au PT.
Nous avons organisé une bonne transition. L'autre jour, je lui
ai parlé au téléphone, avant tout de la situation
internationale, et nous nous sommes mis d'accord de prendre le temps de
nous voir. Lula est une personne avec laquelle il est aisé de
parler», conclut Cardoso. Il ajoute: «Nous avons
été deux fois en compétition [à l'occasion
d'élections présidentielles]; les deux fois j'ai
gagné; mais jamais nous ne nous sommes attaqués
personnellement, ce qui au Brésil n'est pas facile.»
Avez-vous des
recommandations [pour Lula]? «Aucune. C'est très difficile
de donner des conseils à un président. Je crois que le
plus important est qu'il soit égal à lui-même.
Qu'il fasse ce qu'il croit être important à faire. Et cela
est très difficile. Mais j'ai l'espoir que, à cause de sa
personnalité, il en soit capable. Parce que c'est une personne
affective, ouverte, qui veut le bien du peuple, même s'il ne sait
pas bien comment le faire ou peut-être parce qu'il ne
détient pas les idées de comment le faire, et que cela ne
cadre pas avec les possibilités actuelles. Toutefois, la
motivation est positive. Qu'il continue ainsi.»
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