Bolivie
Manifestation
pour la nationalisation du gaz sur l'Altiplano
Arrestation
de syndicalistes et riposte
Le 9 juin, la
mobilisation des enseignants de La
Paz a débouché sur la libération du dirigeant
enseignant José Luis Alvarez. Une fois libéré,
Luis Alvarez insista sur la nécessité de continuer la
mobilisation contre le gouvernement de Carlos Mesa. Devant des
centaines d’enseignants, il faut reçu à la Maison
sociale de l’enseignant à La Paz où la dirigeante
Vilma Plata, militante trotskyste connue, insista, de même, sur
la nécessité d’un changement radical et sur le
rejet de la manœuvre du gouvernement consistant à
organiser un référendum sur le thème de la
nationalisation des ressources naturelles du pays.
Le
texte ci-dessous trace la politique
répressive
du gouvernement de Carlos Mesa, y compris directement contre des
dirigeants syndicaux d’envergure nationale. – Réd.
Comme
dans les périodes antidémocratiques, le gouvernement de
Carlos Mesa a établi un précédent "négatif"
pour la démocratie bolivienne en "pénalisant"
la grève et l'activité syndicale.
Selon
les dirigeants de plusieurs organisations syndicales, le gouvernement
a montré, depuis le 1er mai, son véritable visage, et a
"abandonné la carotte pour utiliser le bâton".
La
goutte qui a fait déborder le vase a été la
détention de José Luis Alvarez, secrétaire
exécutif de la Fédération des Enseignants
Urbains de La Paz, qui a maintenu une attitude critique par rapport
à
la politique sociale et économique du gouvernement, ainsi que
face aux mesures prises par ce dernier en matière
d'hydrocarbures (nationalisation du secteur).
Emprisonné
Au cours d'une
opération
policière méticuleusement organisée, Alvarez a
été arrêté le 8 juin à midi et
conduit dans les locaux de la Police Technique Judiciaire (PTJ),
où, durant plusieurs heures, on a enregistré ses
"déclarations". Il est accusé par le gouvernement
d'être l'"auteur intellectuel" de la "séquestration", le
vendredi 4 juin, du vice-ministre de l'Education, Celestino Choque.
Or, Celestino Choque
lui-même
a affirmé, dans un entretien qu'il a donné hier à
la Radio Panaméricaine, que José Luis Alvarez avait en
fait été celui qui a "protégé" son
intégrité physique à cette occasion.
Néanmoins,
à 16
heures, après avoir enregistré ses déclarations,
les autorités ont effectué un virage à 180
degrés en emprisonnant le dirigeant trotskyste Alvarez et en
l'amenant dans une cellule, malgré les protestations de ses
proches et de plusieurs organisations syndicales.
D’autres détentions
Il faut
ajouter à cette détention, la détermination dont
fait preuve depuis mercredi le gouvernement à "licencier"
les professeurs qui continuent à participer à la
grève
décrétée par la Centrale Ouvrière
Bolivienne.
Pour y
parvenir, le ministre de l'Education, Donato Ayma, a
dépoussiéré
les décrets 25255 et 25281, promulgués par le
régime
de Hugo Banzer [dictateur militaire ayant été au
pouvoir de 1971 à 1978 ; Banzer sera élu en 1997
et démissionnera en 2001 pour cause de maladie], pour ordonner
une "suspension définitive des professeurs qui ne donnent
pas leurs cours durant 6 jours d'affilée ou 10 jours en
discontinu)".
La
détention de dirigeants n'est pas nouvelle. Sous ce même
gouvernement, en avril 2004, les dirigeants et les travailleurs de la
Coopérative de Téléphones (Cotel) de La Paz ont
été emprisonnés. Ils faisaient une grève
de la faim par rapport à leurs droits constitutionnels.
En mai,
le préfet de La Paz a également fait arrêter des
dirigeants du Service National des Chemins qui s'opposaient à
la nomination autoritaire d’un directeur dont l'objectif est,
selon les dirigeants du secteur, de "liquider" ce secteur
étatisé.
Après
avoir renoncé à son immunité parlementaire, le
dirigeant Felipe Quispe [qui dirige entre autres le mouvement dans la
ville de El Alto] se trouve également dans la ligne de mire du
Ministère public, qui a décidé
l’"accélération"
du procès concernant l'Armée de Guérilleros
Tupak Katari (EGTK), actuellement en cours.
La prison = une école
Lorsqu'il
a été arrêté, le dirigeant des enseignants
de La Paz, José Luis Alvarez, s'est déclaré
"prisonnier politique" et il a affirmé que c'était
"avec fierté qu'il entrait en prison, car c'est là
la véritable école des révolutionnaires".
Il a
dénoncé les attaques "fascistes" du
gouvernement de Carlos Mesa contre les travailleurs boliviens, alors
même que les "assassins d'octobre (2003) sont toujours
libres sans que le gouvernement souffle mot".
Les
enseignants de La Paz ont spontanément décidé
d'organiser à 17 heures une marche de protestation pour
"libérer" leur dirigeant suprême des "griffes
du fascisme". La professeure Vilma Plata a appelé les
travailleurs du pays à s'unir à la lutte des
enseignants, qui organisent depuis plus d'un mois une grève
générale.
Lorsqu'il
a appris ces faits, le dirigeant suprême de la COB, Jaime
Solares, a affirmé que dans le Congrès national qui se
déroule à Cochabamba "une position claire sera
prise face au virage fasciste du gouvernement de Carlos Mesa".
Un document public
Jusqu'à
19 heures, le gouvernement n'a pas fait de déclaration
officielle sur ces faits. Le téléphone portable du
ministre de l'Education est resté éteint, contrairement
à ce qui se passe d'habitude. On a su qu'il était en
réunion urgente avec le président de la République.
Dans ce
contexte, l'assemblée des travailleurs du département
de La Paz, qui s'est réuni d'urgence pour analyser la
conjoncture politique actuelle, a décidé de publié
un document qui a été envoyé au Congrès
national de la COB. Voici le texte de ce document:
Le
régime de Carlos Mesa est assassin et dictatorial.
Nous,
travailleurs de La Paz,
exigeons la mise en liberté du dirigeant enseignant José
Luis Alvarez.
Comme
à l'époque
de René Barrientos [membre de la junte militaire qui
s’installe en 1964 ; Barrientos restera avec Ovando Candia
au pouvoir jusqu’en 1969], de Hugo Banzer et de Luis Garcia
Mesa [se présentait comme social-démocrate, sera au
pouvoir de 1980 à 1981, démissionnera, il est compromis
dans le trafic de drogue], le gouvernement viole la Constitution
Politique de l'Etat, la Loi Générale du Travail et le
code syndical, et il pénalise la grève.
Les
organisations syndicales affiliées à la Centrale
Ouvrière Départementale de La Paz, entendons, au moyen
de ce document public, refuser avec force la détention
illégale, arbitraire et dictatoriale de José Luis
Alvarez, Secrétaire Exécutif de la
Fédération
Départementale des Enseignants urbains de La Paz.
Nous
avertissons tous nos affiliés que le gouvernement de Carlos
Mesa (autrefois vice-président de l'assassin Gonzalo Sanchez
de Lozada) est en train d'effectuer un virage politique dangereux,
car il s'est associé aux rangs du fascisme, des
transnationales et de l'impérialisme.
Dans
son désir de lancer un Référendum trompeur pour
tenter de sauvegarder les 78 contrats signés avec les
transnationales [concernant les ressources de gaz et de pétrole]
et d'éviter les mobilisations du peuple bolivien, le
gouvernement a décidé de passer à la vitesse
supérieure et d'emprisonner les dirigeants qui s'opposent
à
sa politique, laquelle est en droite ligne avec celle de Gonzalo
Sanchez de Lozada, renversé et poursuivi par la justice.
En
outre, après avoir participé à l'assassinat de
plusieurs camarades retraités en janvier 2003, Carlos Mesa
s'est à nouveau trempé les mains dans le sang de trois
Boliviens à la fin du mois passé.
Alors
qu'il n'a fallu que quelques heures pour que le gouvernement de Mesa
arrête des dirigeants comme José Luis Alvarez, le
gouvernement n'a encore rien fait pour envoyer à la prison de
Chonchocoro à Sanchez de Lozada, Yerci Kukoc, Carlos Sanchez
Berzain et les autres complices politiques, comme les militants du
MNR, MIR, NFR, UCS, ADN et MBL, qui ont volé de l'argent de
l'Etat et qui ont assassiné par balle plus de 130 concitoyens,
en février et en octobre 2003.
Carlos
Mesa ne respecte même pas la Constitution Politique de l'Etat.
En effet celle-ci précise, dans son article 159: "La
libre association patronale est garantie. La syndicalisation est
reconnue et garantie comme moyen de défense, de
représentation, d'assistance, d'éducation et de culture
des travailleurs. Il en va de même pour le Forum Syndical, dont
les dirigeants ne pourront être poursuivis ni emprisonnés
pour les activités déployées dans l'exercice
spécifique de leur mandat(...)".
Compte
tenu de ce qui précède, nous travailleurs de La Paz
déclarons ce qui suit:
1)
Le
régime de Carlos Mesa est maintenant assassin et dictatorial.
2)
Comme à l'époque de René Barrientos, de Hugo
Banzer et de Luis Garcia Mesa, le gouvernement viole la Constitution
Politique de l'Etat, la Loi Générale du Travail et le
code syndical, et il pénalise la grève.
3)
C'est pour cela que nous, les travailleurs de La Paz, exigeons la
mise en liberté immédiate du dirigeant syndical des
enseignants de La Paz, José Luis Alvarez, conformément
à cette Constitution Politique de l'Etat.
4)
Nous déclarons l'état d'Urgence à toutes les
organisations affiliées, et nous exigeons de la Centrale
Ouvrière Bolivienne qu'elle prenne une position drastique sur
cette question.
Suivent
les signatures et sceaux des organisations Départementales et
Nationales.
8 juin
2004
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